Rechercher
Rechercher

Actualités

SOCIÉTÉ - L’eau chaude est coupée trois semaines chaque année, même en hiver Moscou, capitale de la douche froide

« Camarades habitants, l’eau chaude va être coupée. » L’annonce, placardée dans les entrées d’immeubles de Moscou à l’époque de l’URSS, reste d’actualité : l’eau chaude y est coupée chaque année jusque dans les quartiers les plus chics, pendant trois semaines. Le « camarade habitant » a été remplacé par « cher habitant », mais la traditionnelle coupure d’eau chaude estivale est toujours justifiée par « des travaux prophylactiques », d’entretien des canalisations. Tous les quartiers de la capitale y passent, entre mai et août, sans que cet anachronisme dans une ville riche, devenue la vitrine économique de la Russie, ne suscite de protestations des habitants. La province, elle, est bien habituée aux coupures de chauffage, même en plein hiver. Les plus prévoyants ont investi dans un chauffe-eau individuel qu’ils n’utilisent qu’à cette période, pour ne plus dépendre des aléas d’un système de chauffage centralisé de l’eau, hérité de l’URSS. Les autres, flegmatiques, perpétuent la tradition de faire bouillir de l’eau dans des casseroles, ou s’arrangent pour faire coïncider leurs vacances avec la fameuse coupure, largement annoncée dans les journaux et sur Internet. « Nous avons décidé de ne pas investir dans un chauffe-eau pour trois semaines. Je fais chauffer de l’eau dans des casseroles, c’est peu de choses. On a toujours vécu avec cette coupure d’eau annuelle », relativise Tatiana Orlova, 57 ans, qui habite dans la rue Sretenka. Sa fille Irina, elle, va faire ses ablutions chez une amie, où l’eau chaude n’est pas encore coupée. D’autres vont plus souvent à la piscine ou au bania, ces bains publics assortis d’un sauna qui restent nombreux à Moscou. Autant d’habitudes ancrées dans la société par cette coupure d’eau. À l’époque de l’URSS, on aimait à se faire peur avec ces histoires de frileuses électrocutées après avoir plongé une résistance électrique dans leur baignoire pour se faire chauffer un bain. « Le sponsor de la coupure annuelle d’eau chaude, c’est le ministère de la Santé ! Pour que les citoyens s’endurcissent (en prenant des douches froides) et pour qu’ils aillent plus souvent voir leurs proches qui ont encore de l’eau chaude chez eux », peut-on lire sur le site de blagues anekdot.ru. Les autorités justifient ces travaux annuels par l’usure particulière des canalisations, due à la chaleur de l’eau qu’elles acheminent depuis les centrales thermiques réparties autour de la capitale. « Depuis les années 1930, nous avons ce système de chauffage centralisé de l’eau. Il reste d’actualité », explique Alexandre Popenskov, porte-parole de la Compagnie énergétique de Moscou (Moscow Integrated Power Company, MIPC), détenue par la mairie, qui gère l’entretien du réseau. Ce système perdure dans toutes les villes russes, comme Saint-Pétersbourg, ainsi que dans l’ex-URSS, comme à Kiev, capitale de l’Ukraine. Selon M. Popenskov, les canalisations actuelles de Moscou, qui datent en grande partie des années 1970 et 1980, ont déjà largement dépassé leur durée prévue d’exploitation, de moins de dix ans. La mairie s’est lancée dans un grand programme pour réhabiliter ce réseau, long de plus de 10 000 kilomètres, « soit la distance Moscou-Tokyo », relève-t-il, pour souligner l’ampleur de la tâche. Trois cents kilomètres de tuyaux anciens doivent être remplacés cet été par des nouveaux, censés tenir plus de 40 ans. Ce qui ne veut pas dire que les coupures d’eau chaude annuelles cesseront pour autant, elles seront simplement réduites à quelques jours, précise M. Popenskov.

« Camarades habitants, l’eau chaude va être coupée. » L’annonce, placardée dans les entrées d’immeubles de Moscou à l’époque de l’URSS, reste d’actualité : l’eau chaude y est coupée chaque année jusque dans les quartiers les plus chics, pendant trois semaines.
Le « camarade habitant » a été remplacé par « cher habitant », mais la traditionnelle...