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Actualités - REPORTAGE

PORTRAIT D’ARTISTE - Tokio Hotel, le nouveau groupe roi du « glam-rock » Les enfants délurés du XXIe siècle…

Une jeune noctambule beyrouthine, versée pourtant en décibels, pistes de danses, spots stroboscopiques et DJ’s jouant en virtuose de l’amplificateur et des basses, s’inquiète auprès de ses amis, au lendemain de ses vadrouilles nocturnes : « Ils ont bien mis de la musique allemande hier ? » Insolites ces sonorités gutturales et qui cravachent les oreilles… Guères comparables avec les tendres et romantiques paroles du Warum Ich bin allein de Camilo des années 70… La langue de Goethe n’est pas encore celle des boîtes de nuit et des salons beyrouthins… Eh oui, en passant à un monde sonore endiablé et bien bruyant, les Tokio Hotel (rien à voir avec les Mangas pour les naïfs) ont déjà fait leur invasion dans les dancings et pubs du pays du Cèdre à défaut de pulluler encore dans les bacs des cédéthèques ! C’est quoi ce Tokio Hotel ? Certainement pas une adresse touristique de la capitale nipponne à l’orthographe plus que douteuse. Nouveau roi du « glam-rock », le Tokio Hotel est, contre toute attente, un groupe de jeunes garçons allemands que le tenace rêve de musique et de liberté a propulsé bien plus loin qu’il ne pensait lui-même au départ… Aujourd’hui, le « tokiomania » (tout comme autrefois le beatlesmania) fait des ravages. Double platine en Allemagne pour leur album Schrei, platine en Autriche, Disque d’or en Suisse, « Sold Out » au Bataclan et au Trabendo à Paris en France, le Tokio Hotel est en passe de devenir un véritable phénomène. Quatre jeunes adolescents (entre 16 et 18 ans, et pourtant à les voir on leur donne à peine 13 ans), cool et ultradécontractés, avec du toupet à revendre, prennent le pouvoir… Pouvoir de chanter en toute liberté rockeuse, passant du soft au hard, avec des guitares qui chauffent et des basses qui battent un train d’enfer, le malaise de vivre, la contrainte des systèmes scolaires, la tourmente des enfants de parents divorcés et le besoin d’être heureux. Bill (chanteur), Tom son frère jumeau (guitariste), Georg (bassiste) et Gustave (batteur) signent un « pacte », musical bien entendu, en 2001 à Magdeburg. Et depuis, plus de trente-six titres à leur actif, qui séduisent non seulement les ados de la planète, mais des trentenaires et même une bonne partie de la faune interlope des noceurs de nuit... Look disjoncté pour la scène et les spots des caméras, style crypto-gothique postgrunge, outrageuse ambiguïté du sexe laissant les attifements de David Bowie, Alice Cooper, Mike Jagger, Marylin et autres excentriques provocateurs de haut vol, aux confins des audaces de couventine à côté de leurs personnages échappés à la Famille Adams… Maquillage outrancier pour des doigts laqués en noir, des cheveux gominés et hirsutes tels des carnassiers en tension. Visages couverts de piercings, grimés, l’œil cerclé de khôl comme dans Orange mécanique de Kubrick, voilà des frimes aux allures extraterrestres et synthétiques ! Non seulement les enfants ne sont plus ce qu’ils étaient, mais à les voir dans ces clips plus crus et délurés que des BD futuristes, l’on se dit parfois qu’au XXIe siècle, il n’y a plus d’enfants… Artistes atypiques et records d’écoute Les loulous de quartier germanique de Tokio Hotel qui rêvaient d’une ville dynamique et de séjours à l’hôtel (image même du confort et du succès) se sont retrouvés dans cette appellation originale qui parle autant de l’expansion d’une mégalopole moderne que de la vie de château dans l’imaginaire de jeunes enfants un peu malmenés par la vie... Tout en composant leur musique et signant leur texte, un rien agressif, pour des gosses encore à peine sortis de l’enfance. Une aubaine, cette aventure qui se solde par des CD et des clips dont la vente monte en flèche, et des concerts qui pulvérisent les records d’écoute et d’enthousiasme. Pour certains, c’est un tintamarre assourdissant, pour d’autres, c’est-à-dire les amateurs du genre, c’est un régal, entre ballades, slows et défoncements, musical hard. Avec Schrei, cri de libération de l’oppression scolaire, on pense vaguement, côté atmosphère, au mythique Breaking the Wall des Pink Floyd. Les références pour ces rugissements, ces borborygmes, ces paroles jetées comme des coups de hache dans du bois mort, ces flambées de sons qui « splashent » comme les grésillements de coupe-circuits indomptables, ne manquent certes pas et elles ont des noms au sillage de météorite : Metallica, Nirvana, Foo Fighters. Mais les Tokio Hotel, artistes atypiques, malgré la part d’extravagance, ont une personnalité marquante qui les distingue. Plus de trente-six titres (Schwarz, Freunde bleiben, Spring nicht et bien d’autres), et l’ascension n’est pas prête de finir tant la vague fait des remous. Ce qui est réconfortant, malgré la gloire et l’argent, ces jeunes idoles de la scène (avec un public quand même préado) ne semblent pas perdre la tête et encore moins la boussole. En toute tranquillité, malgré leur flamboyante et tonitruante révolte, sachant aussi parfaitement la fragilité des carrières fulgurantes et le fugace éclat des comètes, ils déclarent, avec une sage réserve, qu’ils aimeraient bien faire indéfiniment de la musique, mais…Il y a toujours un mais dans la vie... Mais continuer aussi les études ! Les études, c’est important ! Un jour, ils reprendront bien le chemin de l’école, déclarent-ils. Sait-on jamais comment évolue la vie ? Ce succès fou, pour des enfants, cela quand même aurait été une parenthèse en or ! Leur dernier exploit ? Aux festivités du 14 juillet 2007, il y a à peine quelques jours, quand la Patrouille de France fendait le ciel de Paris, quand le drapeau tricolore flottait sur l’Arc de Triomphe, quand Marianne se pavanait sur les Champs-Élysées, quand les accordéons faisaient frissonner de plaisir les rives de la Seine, le Tokio Hotel lâchait ses « tubes », sous la liesse populaire, aux côtés des « allons enfants de la patrie » de la Marseillaise. Alors, « naturlich », de toute urgence, quitte à aimer ou à haïr, il faut découvrir la « musik » de ces galopins de rockeurs dont le règne endiablé est tellement dans le vent. Edgar DAVIDIAN

Une jeune noctambule beyrouthine, versée pourtant en décibels, pistes de danses, spots stroboscopiques et DJ’s jouant en virtuose de l’amplificateur et des basses, s’inquiète auprès de ses amis, au lendemain de ses vadrouilles nocturnes : « Ils ont bien mis de la musique allemande hier ? » Insolites ces sonorités gutturales et qui cravachent les oreilles… Guères...