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Actualités - REPORTAGE

Les bases palestiniennes prosyriennes occupent une superficie de 12 000 mètres carrés dans la Békaa À Kossaya, les habitants vivent dans la hantise d’un embrasement entre l’armée et le FPLP-CG

En marge du conflit à Nahr el-Bared, la localité de Kossaya a été propulsée au cours des derniers jours sur le devant de la scène médiatique à la suite d’informations soutenues faisant état d’un afflux d’armes, de munitions et de miliciens en direction de cette région à partir de la Syrie. Qu’en est-il de la réalité de la situation dans ce secteur de Kossaya ? Comment la population réagit-elle à cette nouvelle situation de « non-droit » (encore une) qui sévit dans la région ? Quel est l’état des rapports entre l’armée et les organisations palestiniennes prosyriennes implantées dans cette zone située à quelques kilomètres des frontières syriennes ? « L’Orient-Le Jour » a mené l’enquête. L’armée s’est déployée autour des camps d’entraînement du Front populaire pour la libération de la Palestine- Commandement général d’Ahmad Jibril (prosyrienne) depuis plus d’un an. Les Palestiniens observent les unités de l’armée qui patrouillent continuellement de Anjar à Nabi-Chit, le long du couloir « chaud » où des bases d’entraînement palestiniennes subsistent encore, où l’acheminement illégal d’hommes et d’armes, en provenance de Syrie, est plus qu’indésirable. L’armée encercle les positions du FPLP-CG à Jurd Kossaya, Wadi Hochmoch et Aïn el-Bayda, et, de leur côté, les Palestiniens du FPLP-CG surveillent les positions de la troupe. Le front est cependant calme. Aucun incident n’a été signalé ici, dans ce secteur de la Békaa centrale, à l’est de Zahlé, à quelques kilomètres de la frontière syrienne, depuis l’embrasement du camp de Nahr el-Bared au Liban-Nord. « Mais au moindre dérapage, si les armes commencent à parler, entre l’armée, au bas de la colline, et les Palestiniens, en haut de la colline, les habitants de Kossaya seront les premiers à en faire les frais », se plaint une habitante, qui tient à garder l’anonymat. Le village de cinq mille habitants a déjà souvent attiré l’attention des chaînes de télévision et des correspondants de presse sur ce point. Les habitants souffrent d’une telle situation, mais ils en sont las. Ils s’expriment librement et franchement, mais ils sont nombreux à préférer taire leurs noms. « Ils (les Palestiniens) sont là depuis 1982, se souvient Georges, qui travaillait là-haut sur la colline, dans une carrière, parmi les hommes du FPLP-CG. En vingt-cinq ans, jamais ils ne nous ont causé d’ennui. Nous nous parlons comme je vous parle maintenant et je connais beaucoup de leurs hommes. Ils venaient souvent vers nous pour emprunter un quelconque outil ou tout simplement pour la bonne causette. Ce ne sont pas des extraterrestres. Ils descendaient souvent vers les villages de Kossaya, Kfarzabad et Rayak, bien entendu sans leurs armes, pour faire des achats comme le reste des habitants. » Une superficie de 12 000 mètres carrés Force est de relever que le cas de ces Palestiniens diffère radicalement de celui des miliciens de Fateh el-Islam, à Nahr el-Bared. Ces derniers sont, d’abord, des mercenaires venus, entre autres, de pays d’Afrique, du Golfe et même du Bangladesh. Ensuite, leur tenue vestimentaire et leur mode de vie ou leur comportement ont peu de choses en commun avec ceux des combattants du FPLP-CG. Ils affichent tous, en effet, de longues barbes, négligent de se tailler les cheveux et s’habillent à la mode austère des wahhabis, à savoir qu’ils revêtent une « jallabiya » et un pantalon court qui laisse les talons découverts. Ces miliciens sont, en outre, d’une religiosité maladive et ne boivent pas d’alcool. « Ceux de chez nous sont tous des Palestiniens, souligne sur ce plan Georges. Ils apprécient le whisky et l’arak autant que vous et moi. Ils sont venus, pour la plupart d’entre eux, des camps de réfugiés du Liban et de la base de Naamé (au sud de Beyrouth), à la suite de leurs différends avec Abou Ammar (Yasser Arafat) au début des années 80. » Le beau-frère de Georges, qui vit entre le Canada et Kossaya, renchérit : « S’ils nous avaient causé des ennuis, s’ils avaient constitué jusque-là un danger pour nos familles, nous aurions été les premiers à nous en plaindre auprès de l’armée, et à charger nos fusils pour défendre nos familles. » Puis il ajoute en riant : « Laissez-moi vous dire que nous souffrons plus de la présence des caméras de télévision que de leur présence… Entendons-nous, ce ne sont pas non plus des soldats d’une armée régulière, ils ne sont pas rasés de près et leurs bottes ne brillent pas… Ils ont quand même un keffieh. Mais nous les connaissons depuis le déluge et cela nous rassure. » Il ne faut pas croire non plus que le FPLP-CG est l’armée du salut ou une ONG humanitaire. N’y a-t-il pas de nouveaux combattants qui arrivent à travers la frontière avec la Syrie ? N’y a-t-il pas des livraisons d’armes qui se font à la faveur des nuits sans lune ? Georges, son beau-frère, ainsi que leurs voisins et d’autres habitants du village répondent à l’unisson qu’ils n’entendent plus de claquements d’armes ni le sifflement de balles tirées lors d’exercices de tirs depuis au moins deux ans. « Depuis que l’armée a pris position au bas de la colline et dans les alentours, précisent certains habitants de Kossaya, le FPLP-CG se fait plus discret et nous voyons leurs hommes beaucoup moins. » Il y a un an, il était encore possible de s’approcher de la base d’entraînement du FPLP-CG. À présent, la troupe maintient des barrages et interdit l’accès aux terres occupées par le FPLP-CG, qui s’étendent sur près de 12 000 mètres carrés, dont 2 000 mètres carrés appartiennent à des habitants de Kossaya, le reste appartenant à l’État libanais. Une dent contre tout ce qui est palestinien Les femmes qui livrent leurs sentiments sur la situation semblent d’un tout autre avis. « Depuis que j’ai vu comment ils ont égorgé nos soldats à Nahr el-Bared, j’ai une dent contre tout ce qui est palestinien, affirme une dame d’un âge respectable, en nous offrant ces cerises blanches charnues qui poussent dans la plaine. Nous autres Libanais, nous avons le cœur bon. Nous ouvrons grandes nos portes aux étrangers, puis un jour cet étranger s’empare des portes et de la maison. À mon sens, ils (les Palestiniens de Kossaya) auraient dû partir, dès 2005, avec ceux qui sont partis (les Syriens). » « Quand j’ai entendu les rumeurs sur les Palestiniens du FPLP-CG qui se battent aux côtés de Fateh el-Islam à Nahr el-Bared, je me suis dit nous sommes fichus, raconte la sœur de Georges, une citoyenne du Canada qui n’était plus venue au Liban depuis plus de trois ans. Je suis arrivée deux jours avant le début des combats. Je voulais visiter mes parents à Méniara dans le Akkar, mais avec la situation au Nord, c’est raté. Comment voulez-vous que je puisse convaincre encore mes enfants de passer des vacances au pays natal ? » « Pour tout vous dire, la présence de l’armée nous rassure, reprend le beau-frère de Georges. Mais au fond, des casques et des keffiehs qui s’observent en chiens de faïence, ce n’est pas si rassurant que cela. » « Le FPLP-CG ne me fait ni chaud ni froid, poursuit un habitant septuagénaire de Kossaya. Mais ces terres, là-haut, je les louais aux chevriers avant que les Palestiniens ne débarquent. C’est une perte économique. » Sur le chemin du retour, une vendeuse de cerises guettait patiemment des clients, au bord de la route, sous un soleil de plomb. « Là-haut c’est le jurd, dit-elle. Là-haut, nous pourrions planter des amandiers et des cerisiers. La cerise qui pousse dans le jurd aurait la taille d’un abricot. Soyez gentils… Débarrassez-nous d’eux. » Jad SEMAAN


En marge du conflit à Nahr el-Bared, la localité de Kossaya a été propulsée au cours des derniers jours sur le devant de la scène médiatique à la suite d’informations soutenues faisant état d’un afflux d’armes, de munitions et de miliciens en direction de cette région à partir de la Syrie. Qu’en est-il de la réalité de la situation dans ce secteur de Kossaya ?...