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Actualités - OPINION

Acte gratuit

Que penser de l’assassinat de Walid Eido et de celui, accessoire mais encore plus horrible, d’une pléthore d’innocents (pour autant que Eido soit lui-même coupable de quoi que ce soit) en tête desquels son fils ? Que penser de la terreur, de l’horreur, de la mort érigée en mode de vie ? Que penser de ce message dont la teneur est claire et dont les démonstrations successives ne semblent pas vouloir s’arrêter ? Dénoncer, certes, s’indigner, sans conteste, ne pas céder, sans aucun doute. Ne pas perdre sa faculté de révolte, de protestation. Se renforcer dans sa volonté de poursuivre une lutte qui semble d’autant plus juste qu’elle est combattue par des méthodes scélérates, des techniques de faibles, des procédés de perdants, des recours de désespérés. Mais le problème des gens honnêtes est qu’il leur est impossible d’utiliser les moyens des criminels qu’ils combattent. Le crime ignoble perpétré à l’encontre de Walid Eido est d’autant plus inacceptable qu’il s’agit d’un acte gratuit ; c’est l’acte gratuit par excellence. Un magistrat devenu politicien sur le tard, presque par hasard. Il ne se distinguait ni par son agressivité ni par la dureté ou l’intransigeance de ses propos. Il était juste une interface, un porte-parole parmi tant d’autres, dont le seul tort avait été de rester fidèle à une ligne politique, celle du Courant du futur des Hariri. Walid Eido est semblable à une de ces victimes anonymes, à un de ces passants tombés au terme du cycle de violences terroristes aveugles inauguré à la fin de l’année 2004 et dont le point central (mais non terminal) a été l’assassinat de Rafic Hariri le 14 février 2005. À la seule différence qu’il était parlementaire et que, contrairement au quidam moyen, ses opinions politiques étaient connues de tous. Suffisamment connues pour que l’on puisse, sans grand risque de se tromper, savoir qui étaient ses ennemis. Deux enseignements alors et une résolution. Premier enseignement : que l’on soit partisan ou non des forces du 14 Mars, on est forcé, au terme de cet épisode douloureux, de leur exprimer une sympathie sincère, d’être solidaire d’eux, de leur faire part d’une admiration déférente. Il est des combats qui inspirent le respect rien que du fait des armes non conventionnelles employées pour les contrer. L’enseignement lucide est que ce qui prétend affaiblir ces forces est en train de les conforter, de les rendre légitimes, d’agrandir leur liberté d’action, de justifier la rupture du dialogue au Liban. Secand enseignement, découlant très directement du premier : il n’est presque plus décent, dans un tel contexte, de se poser la question « à qui profite le crime ? » ; on y répond en effet de plus en plus automatiquement, ce qui est peut-être dangereux. La Syrie ? Il faudrait vraiment être stupide pour commettre un tel crime, dont les motivations crèvent les yeux, lorsque, comme c’est le cas pour les Syriens, tous les doigts des nations du monde sont pointés contre vous. D’autres puissances étrangères dont les desseins inavouables seraient mieux assouvis de cette manière ? Diviser pour régner, semer la panique ailleurs pour être au calme chez soi ? Là encore, il faudrait vraiment être léger, candide, pour croire qu’en déstabilisant le Liban, en l’irakisant, on servirait d’autres intérêts stratégiques (ou idéologiques) dans la région. Les nations du monde ne sont pas vaccinées contre la bêtise, ni contre la naïveté pourtant, et même si la pensée en est effrayante, tout reste possible. L’enseignement reste néanmoins qu’il faut toujours garder du recul, indépendamment du caractère pressant ou dramatique des moments que l’on vit ; ne jamais sauter trop hâtivement aux conclusions, ne jamais se prononcer sans preuves. Une résolution enfin : c’est de pleurer dignement Walid Eido, de saluer sa mémoire d’homme libre, fidèle à ses convictions, quelles qu’elles aient pu être. C’est de dire que dorénavant, à chaque fois qu’un Walid Eido tombera, dix hommes et femmes libres se lèveront, se relèveront, pour continuer, exponentiellement et sans relâche, le juste combat pour un Liban libre, souverain et indépendant. Élias R. CHEDID Avocat-Paris

Que penser de l’assassinat de Walid Eido et de celui, accessoire mais encore plus horrible, d’une pléthore d’innocents (pour autant que Eido soit lui-même coupable de quoi que ce soit) en tête desquels son fils ? Que penser de la terreur, de l’horreur, de la mort érigée en mode de vie ? Que penser de ce message dont la teneur est claire et dont les démonstrations...