Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

Environnement - Les traces de la marée noire ne constituent pas un danger pour la santé État des plages : la pollution bactériologique plus grave que la pollution chimique Suzanne BAAKLINI

Où peut-on aller à la plage cette année ? Entre la marée noire survenue l’été dernier durant la guerre israélienne de juillet-août et la pollution bactériologique qui sévit sur nos côtes depuis des temps immémoriaux, les baigneurs ne savent plus où donner de la tête… ou plutôt où se tremper. Quel est le dernier bilan du nettoyage de la marée noire et quels sites sont les plus pollués ? « L’Orient-Le Jour » fait le point avec le ministère de l’Environnement et le Conseil national de la recherche scientifique (CNRS), et publie aussi les résultats des tests effectués par la revue « al-Bi’a wal-Tanmia » dans le cadre de sa « hot line » environnementale. En résumé, les traces de la marée noire ne présenteraient pas de dangers significatifs pour la santé, même si les phases du nettoyage sont loin d’être terminées, alors que la pollution bactériologique (provenant des eaux usées déversées sans traitement dans la mer) reste aussi importante et omniprésente qu’elle l’était par le passé. Normal… Qu’est-ce qui a été fait, depuis, pour lutter contre le problème ? La marée noire, qui a résulté du bombardement, en juillet dernier, des réservoirs de fuel de la centrale électrique de Jiyeh par l’aviation israélienne, est la principale source d’inquiétude des baigneurs, d’autant que beaucoup d’entre eux, qui se sont déjà aventurés sur des plages à Beyrouth et ailleurs, ont constaté la présence de restes de fuel en certains endroits. Mais, insiste le directeur général du ministère de l’Environnement, Berge Hatjian, après dix mois de nettoyage, le danger sur la santé est moins que minime. « Les baigneurs peuvent se rendre sur toutes les plages sans problème, précise-t-il. C’est une pollution bien visible, donc évitable, et qui ne présente pas de danger. La panique n’est donc pas justifiée. Quant à l’eau de mer elle-même, elle n’est plus polluée par le fuel. » En effet, M. Hatjian fait un bilan de la qualité du nettoyage selon le suivi du ministère, et il tire les conclusions suivantes : l’opération la plus réussie jusqu’à aujourd’hui, selon lui, est celle de la collecte du fuel dans l’eau, suivie de celle du nettoyage des plages de gravier, puis de sable, et, enfin, du littoral rocheux, de loin le plus difficile, selon lui. Il affirme que des difficultés particulières ont été rencontrées à l’île des Palmiers. Le recensement du ministère de l’Environnement, qui a englobé 70 sites (43 au sud de Beyrouth et 27 au nord) sur la côte libanaise, touchés par la marée noire (c’est-à-dire au nord de Jiyeh), a permis de définir de nouvelles priorités pour la seconde phase de nettoyage. Ces priorités englobent en premier lieu la réserve marine de l’île des Palmiers, puis les plages d’Enfeh et de Batroun (Nord), puis celles de Jbeil, de Tabarja, de Halate, de Bouar, de Fidar, de Khaldé et de Jiyeh, sans compter Arida et Akkar, ainsi que Helwé, Barbara et Chekka, puis certaines plages à Batroun, Tripoli et Jnah. M. Hatjian assure donc que le nettoyage se poursuivra, et que la deuxième étape est déjà sur les rails, à supposer évidemment que les fonds soient disponibles. « L’Espagne a exprimé son intérêt à contribuer à cette nouvelle phase, précise-t-il. L’USAid a aussi manifesté son intention de poursuivre le travail commencé dans la première phase. Quant au Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), il est prêt à recevoir des dons de pays qui permettront à notre opération de se poursuivre. Des fonds ont déjà été accordés par le gouvernement nippon. » La biodiversité marine touchée Il ne faut pas oublier que, malheureusement, la pollution chimique résultant de la marée noire est venue s’ajouter à une pollution déjà existante, de nature organique, et causée par le déversement des bouches d’égout dans le milieu aquatique sans aucun traitement. Le Centre de recherches marines du CNRS fait chaque année, depuis une trentaine d’années, le suivi de cette pollution, et son directeur, Gaby Khalaf, constate que rien n’a changé. « Aucune évolution n’a été constatée durant toutes ces années, et pour cause, dit-il. Il n’y a toujours qu’une seule station d’épuration des eaux usées à Ghadir (Beyrouth), et elle reste insuffisante. Il y a seulement eu une légère amélioration au niveau de Ramlet el-Baïda en raison de la présence de la station, mais pas assez significative. » M. Khalaf précise que c’est le taux de coliformes fécaux trouvés dans les échantillons analysés qui sont les indicateurs de la pollution bactériologique. Il fait par ailleurs la différence entre la pollution permanente, résultant d’une source qui se déverse continuellement en un même site, et entre la pollution occasionnelle, causée par les courants marins et ce qu’ils peuvent charrier comme polluants. Parmi les sites de pollution permanente, le rapport du Centre d’études marines du CNRS cite principalement Antélias (soit, en gros, le littoral du Metn), Ramlet el-Baïda (malgré la légère amélioration) et Ras Beyrouth (Manara). L’équipe du Centre de recherches marines a ajouté le suivi de la pollution chimique résultant de la marée noire à son agenda, et le constat est alarmant en ce qui concerne les espèces marines. « Nous avons trouvé qu’au niveau des plages de sable, le pétrole a affecté le sédiment et a eu des conséquences graves sur les populations de ce milieu, aux niveaux quantitatif et qualitatif, explique-t-il. Il y a beaucoup d’espèces menacées aujourd’hui, et nous suivons leur recolonisation. Nous examinons particulièrement les micro-organismes qui sont des indicateurs de la pollution chimique, et nous avons constaté la disparition de plusieurs d’entre eux. » Au niveau des côtes rocheuses, la situation ne vaut guère mieux. « Les terrasses qu’on trouve sur ces plages ont été très touchées par le fuel accumulé, explique M. Khalaf. Plusieurs espèces marines animales et végétales ne sont plus visibles, notamment dans des régions comme Tabarja et Batroun… Il faut rappeler que la composition du fuel qui s’est déversé sur la côte libanaise est particulièrement toxique selon nos analyses. » Le scientifique rappelle toutefois que la santé humaine n’est pas exposée à des dangers imminents. « Si certains insistent à fréquenter des plages où les traces de pollution sont toujours évidentes, libre à eux, ce sera, au pire, désagréable et nauséabond, mais sans effets sur la santé, affirme-t-il. Il faut une exposition extrêmement prolongée et un contact très direct avec le fuel pour craindre des conséquences, ce qui ne saurait être le cas pour des baigneurs. » Il rappelle aussi que, selon les tests effectués régulièrement par le CNRS, les poissons n’ont pas été affectés par la marée noire et sont donc consommables sans problème. Ce qui n’est pas le cas des animaux dits filtreurs, comme les oursins par exemple, notamment ceux qui vivent plutôt proches de la surface, et qui ont concentré en eux un taux important de pollution pétrolière. En gros, M. Khalaf estime qu’il faut de sept à dix ans pour un rétablissement total de la côte, de manière à ce qu’elle retrouve son état initial. « Pour notre part, nous continuons notre surveillance de la côte selon un plan en trois étapes, dont celle relative au long terme s’étend jusqu’à 2011 », précise-t-il.
Où peut-on aller à la plage cette année ? Entre la marée noire survenue l’été dernier durant la guerre israélienne de juillet-août et la pollution bactériologique qui sévit sur nos côtes depuis des temps immémoriaux, les baigneurs ne savent plus où donner de la tête… ou plutôt où se tremper. Quel est le dernier bilan du nettoyage de la marée noire et quels sites...