RÉUNION L’Eurogroupe serein, mais vigilant face à la montée de l’euro

Bien que l’euro tutoie ses records historiques face au dollar et au yen sur les marchés des changes, les ministres des Finances de la zone euro, réunis hier à Berlin, se sont montrés sereins, réitérant cependant leurs mises en garde contre une spéculation excessive. Il n’y a pas lieu d’être « excessivement préoccupé », a déclaré le président de l’Eurogroupe Jean-Claude Juncker, qui cumule les fonctions de Premier ministre et ministre des Finances du Luxembourg. L’euro a grimpé jusqu’à 1,3637 dollar en début de matinée, tout près de son record à 1,3666 dollar du 30 décembre 2004, avant de redescendre légèrement. La monnaie unique européenne avait dépassé le 12 avril son record face au yen. La vigueur de la monnaie unique est portée par la croissance économique européenne, jugée « solide » et même en train de s’accélérer par M. Juncker, ainsi que par la hausse attendue des taux d’intérêt de la Banque centrale européenne (BCE) en juin. Le secrétaire d’État aux Finances autrichien Christoph Matznetter a résumé l’état d’esprit actuel des dirigeants européens, plaidant pour laisser faire les marchés, sans interventionnisme politique. « Ce n’est pas le rôle des politiques de téléguider les cours des changes », a-t-il estimé devant des journalistes. Certains pays européens, comme la France, estiment que leurs entreprises sont désavantagées pour leurs exportations par rapport à leurs concurrentes américaines, japonaises ou chinoises, du fait de la force actuelle de l’euro par rapport au dollar, au yen et au yuan. Mais la France s’est trouvée bien seule à demander une intervention politique lors du dernier G7 Finances à Washington le week-end dernier, et les marchés ont donc continué à parier sur une hausse de l’euro. À Berlin, les responsables européens ont cependant donné un message de vigilance aux cambistes. Le président de la Banque centrale européenne Jean-Claude Trichet, présent à la réunion et dont la parole pèse lourd sur les marchés, a réaffirmé qu’une « volatilité excessive » et « des mouvements désordonnés » des taux de change étaient « indésirables ». M. Trichet a aussi laissé entendre que le yen était sous-évalué. « Comme les autorités japonaises, nous pensons que l’économie japonaise est sur le chemin d’une reprise économique durable et que le taux de change devrait refléter les fondamentaux économiques », a-t-il indiqué. « Il y a des risques excessifs liés à des paris à sens unique » sur les marchés des changes, a souligné le président de la BCE, dans une référence au « carry trade », ou portage, qui voit les opérateurs emprunter à très bas taux sur le yen pour replacer cet argent sur des devises à plus fort rendement. Les grands argentiers de la zone euro se sont, par ailleurs, mis d’accord pour mettre leurs budgets nationaux à l’équilibre au plus tard en 2010, en tirant parti des conditions économiques favorables, dans une déclaration commune adoptée par l’Eurogroupe. « C’est la première fois que nous avons cette discussion pour nous assurer que les États membres, qui préparent leurs prochains budgets, prennent des décisions en ligne avec les orientations adoptées pour la zone euro dans son ensemble », a expliqué Jean-Claude Juncker, rappelant qu’il ne fallait pas répéter « les grossières erreurs » commises par le passé. Enfin, le scandale Wolfowitz à la Banque mondiale a été évoqué lors de la réunion. « Toute la lumière et toute la clarté doivent être faites », a lancé M. Juncker, et « je souhaite qu’ensuite, tous ceux qui ont la responsabilité de constituantes (sièges au conseil d’administration) agissent en conséquence », a-t-il ajouté.