WEB CULTURE - Il date de 1908 et possède déjà des effets spéciaux « Fantasmagorie », le premier dessin animé s’affiche sur le Net

Qui a inventé le dessin animé ? Qui a été le premier à créer l’illusion du mouvement sur écran à l’aide d’un simple papier et d’un bout de crayon? Dans l’histoire controversée du cinéma d’animation, les spécialistes s’accordent sur un nom: le Français Émile Courtet, dit Émile Cohl (1857-1938). Le film élu s’appelle Fantasmagorie, date de 1908 et dure entre une et deux minutes – selon la vitesse du débit. Il est visible sur le site de Youtube (http://www.youtube.com/watch?v=aEAObel8Yie). On y voit un clown filiforme se transformer en divers objets (ballon, bilboquet), se confronter à d’autres personnages (une dame en chapeau, un épéiste, un policier), monter sur un éléphant ou un cheval, sans autre effort narratif que le coq-à-l’âne. Pas moins de sept cents dessins, réalisés à l’encre noire sur papier blanc, puis imprimés en négatif, donnent l’illusion qu’ils ont été tracés à la craie sur un tableau noir. À deux reprises, on voit des mains (celles de Cohl, sans doute) rafistoler le clown démembré pour qu’il reprenne vie. Une figure de style qu’on retrouvera plus tard chez tous les pionniers de l’animation (Winsor McCay, le créateur de Little Nemo, Max et Dave Fleischer, les papas de Betty Boop). Élégante façon de rappeler à la fois l’omnipotence du créateur, qui fait surgir ce qu’il veut de l’encrier, et l’indispensable travail manuel à fournir pour produire quelques secondes de cinéma dessiné. Ce fameux Cohl, en plus d’avoir inventé le dessin animé cinématographique avec Fantasmagorie (terme de Lanterne magique), projeté au Théâtre du Gymnase à Paris, a apporté à l’animation, outre beaucoup de poésies, un maximum de nouveautés, et en a fait un art à part entière, que certains ont baptisé huitième art, à mi-chemin entre le cinéma et le dessin et la peinture. Fort de l’expérience technique et intellectuelle accumulée dans sa jeunesse, Cohl a réalisé des films où des chercheurs ont vu l’aboutissement du cubisme et aussi les prémices du dadaïsme et du surréalisme! Après Fantasmagorie, Cohl a imaginé pratiquement toutes les techniques dérivées de l’animation de dessins et de volumes, encore utilisées aujourd’hui. L’abondance et la diversité de son œuvre (plus de trois cents films) font qu’il est considéré comme le premier authentique «cinéaste d’animation». Il a innové en créant le premier héros de dessin animé, Fantoche, en réalisant les premiers films de marionnettes (Le tout petit Faust, 1910), les premiers dessins animés en couleurs (Le Peintre néo-impressionniste, 1910), les premiers dessins animés publicitaires (Campbell Soups, 1912), les premiers dessins animés didactiques (La Bataille d’Austerlitz, 1910), les premiers dessins animés tirés de bandes dessinées (Les aventures des pieds nickelés, 1917), les premières séries de dessins animés (Le chien Flambeau, 1917); il a utilisé le papier découpé (Les 12 travaux d’Hercule, 1910) et souvent en combinaison dans le même film, voire les mêmes images, les objets animés (Le petit Chantecier, l910), la pixellisation (Jobard ne peut pas voir les femmes travailler, 1911), l’incrustation (La Revanche des esprits, 1911), avec des prises de vues réelles (Les Locataires d’à-côté, 1910, Le Binetoscope, 1910). Vous avez déjà vu les mains d’un «cartoonist» dans un film en images de synthèse? Maya GHANDOUR HERT