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Pas d’indépendance sans neutralité

Avec l’indépendance, la France n’était plus là pour trancher à notre place les questions les plus épineuses. Il revenait dorénavant aux Libanais eux-mêmes de réglementer et de gérer la coexistence des chrétiens et des musulmans. Le pacte de 1943 est une tentative dans ce sens. Il fallait conjurer nos démons respectifs qui nous tiraillaient dans des sens différents*. La question qui fut ainsi soulevée était de la plus haute importance. Sans un modus vivendi clair et réaliste, le projet national restera branlant. Cela produira forcément un État fragile. Le pacte de 1943 n’a pas réussi à régler cette question. Il y avait pourtant quelque chose de vrai dans la manière dont il a identifié le problème. La préoccupation de Béchara el-Khoury et Riad el-Solh n’était pas religieuse, mais politique. Mais ils n’ont pas su faire la différence entre la dimension religieuse et la dimension politique. Sur le plan religieux, nous ne pouvons que respecter la différence entre le christianisme et l’islam. Ce qui est parfaitement dans l’ordre, selon la logique religieuse, devient dangereux dans la logique politique. En effet, c’est sur le plan politique que se manifeste le tiraillement dans des sens contraires qui pousse les musulmans vers le monde musulman et oriental, tandis qu’il pousse les chrétiens vers le monde chrétien et occidental. Les démons qu’il faut conjurer et dont il faut nous protéger ne sont pas de nature religieuse, mais politique. Le problème est que, dans notre culture médiévale, le religieux est inséparable du politique et que ces deux domaines sont systématiquement confondus. Il importe donc d’introduire dans notre culture politique la distinction entre religion et politique, et d’élaborer un discours national qui les traite différemment. Cela veut dire que nous ne pouvons pas demander au chrétien de cesser d’être chrétien, ni au musulman de cesser d’être musulman. Une telle demande serait absurde, déplacée et impossible. Le respect de nos différences religieuses doit être la pierre angulaire de notre édifice national. Cela veut dire qu’il faut respecter les liens qui unissent les musulmans au monde musulman et ceux qui unissent les chrétiens au monde chrétien. Mais il importe, en même temps, que le sentiment religieux soit contenu dans le domaine communautaire, qui est le domaine de nos différences insurmontables. C’est ici qu’il faut recourir à la double négation dont a parlé Michel Chiha. C’est quand le sentiment religieux déborde son lit et ravage la plaine nationale qu’il convient d’en parler comme d’un démon qu’il faut conjurer. Il faut interdire ce débordement qui a pour effet de corrompre l’ordre politique et de rendre impossible notre coexistence dans la différence. Il n’y a pas mille façons de faire cela. Il faut passer par la porte étroite dont parle l’Évangile. Dans le domaine politique, cela prend la forme de la neutralité. Cela veut dire que, sur le plan national et en tout ce qui concerne nos relations étrangères, nous devons rester un pays neutre et par rapport à l’Orient et par rapport à l’Occident. Cela n’empêchera ni les diverses communautés musulmanes d’avoir des relations cordiales avec le monde musulman, ni les communautés chrétiennes d’avoir des relations cordiales avec le monde chrétien. La République, quant à elle, respectera une stricte neutralité dans sa politique étrangère. Aucun politicien ni aucun parti politique ne seront autorisés à lécher le cul des puissances étrangères. Pour un pays comme le Liban, il n’y a pas d’indépendance sans neutralité. Joseph CODSI Universitaire * Voir L’Orient-Le Jour du vendredi 6 avril 2007.

Avec l’indépendance, la France n’était plus là pour trancher à notre place les questions les plus épineuses. Il revenait dorénavant aux Libanais eux-mêmes de réglementer et de gérer la coexistence des chrétiens et des musulmans. Le pacte de 1943 est une tentative dans ce sens. Il fallait conjurer nos démons respectifs qui nous tiraillaient dans des sens différents*.
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