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Actualités - OPINION

Qui est pressé? Personne, semble-t-il

Je suis aussi vexée que consternée par les propos tenus par le chef du Hezbollah dimanche passé. Je ne comprends pas comment certains ont pu voir dans le venin qu’il a assené aux Libanais «un côté positif». Pour un peu, on le remercierait de ne pas déclarer tout de suite une guerre civile dont lui seul est capable. Non, vraiment, du positif, je n’en vois pas. Son discours était aussi noir que les austères tenues des étudiants «guillerets et sympathiques» qui buvaient les paroles de leur chef et y applaudissaient par saccades commandées. L’image était terrifiante, en réalité. Les mots encore plus. J’ai écouté tout le discours, de bout en bout, et des coliques violentes me tenaillaient les entrailles à chaque fois que le chef du Hezbollah assenait des qualificatifs avec une véhémence et une haine auxquelles je ne me résous pas à m’habituer. À mon humble avis, le masque, bien que branlant depuis un certain temps déjà, a fini par tomber en se déchiquetant en mille morceaux. Le charismatique Wi’am Wahhab avait peut-être eu une façon plus «décontractée» de dire les choses, mais le résultat est le même: le tribunal international, vous savez désormais ce qu’on en pense. Et ce n’est pas bon. Voilà les quatre généraux érigés en victimes nationales et le chef de l’État en gardien des valeurs non moins nationales. On aura tout vu! Malheureusement, les choses ne s’arrêtent pas là. Il y en a qui sont encore convaincus. C’est quand même fou! Il y a des moments, comme ça, où je n’ai plus envie d’être démocratique, où je ne trouve plus en moi les ressources nécessaires pour essayer de me dire qu’il faut respecter l’avis des autres. Il y a tout simplement des moments où trop, c’est trop. Il y a des moments où il faut essayer de sortir de l’aveuglement pour voir clair en nous-mêmes. Je n’arrive pas à concevoir que quelqu’un qui n’y est pas obligé, comme doivent l’être, d’une manière ou d’une autre, les étudiants hezbollahis, acclame quand même contre toute logique et en dépit du bon sens commun, ce qu’aucune personne au monde ne peut admettre. Je pense bien sûr aux rares aounistes qui restent. De grâce, arrêtez de nous bassiner avec des idées que vous-mêmes avez du mal à comprendre et que vous défendez si mal. Hier encore, tous vos alliés cristallisaient pour l’irascible général les forces du mal qu’il fallait abattre. La Syrie? Bon sang, vous n’avez pas trouvé d’autre allié? Je vous rappelle que des parents pleurent encore leurs enfants morts, disparus ou torturés par les mains syriennes lors d’une fameuse et inutile guerre de libération. L’Iran? Est-il seulement plausible que toutes les nations du monde aient tort et seules aient grâce à vos yeux les deux nations les moins compatibles avec le Liban et l’image qu’on s’en fait? Sayyed Nasrallah a promis «un avenir totalement différent» quand il viendra à gagner, car pour lui ce n’est qu’une question de temps… Tremblez manants! À quelle image cet avenir devra-t-il ressembler? À l’Iran postrévolution islamique? Fuyons tant qu’il est encore temps. Ce qui me consterne le plus et qui nous rend tous, Libanais de tous milieux et de toutes idéologies confondues, si vulnérables, c’est l’incapacité de notre gouvernement à tenir tête à la terreur. Non, je ne vais pas être tendre envers les 14-marsistes non plus, rassurez-vous. Ou on est chef, ou on ne l’est pas. Je suis écœurée de voir que le lendemain du fameux discours, qui me coûtera certainement un ulcère à l’estomac, rien. Oh, quelques cris, d’ici, de là. Mais sinon, rien. Aucune mesure. Aucune réaction officielle à l’apostrophe de «voleurs» qui doit pourtant bien résonner aux oreilles de certains. Rien. Niet. Néant. La vie continue. C’est cela le comble, en réalité. Quand l’on s’attend à des mesures sérieuses, à des procès en diffamation, à des mises en garde officielles, on a plutôt droit à une mièvrerie consternante. Certains pôles de la majorité ont même vu du positif dans le discours! Je ne sais pas. Suis-je la seule à avoir saisi la teneur, terrifiante, des propos? Y a-t-il un quelconque langage codé que nous autres, communs des mortels, ne serions pas à même de comprendre? Décodez donc, s’il vous plaît. Comment peut-on rester inerte quand on nous accuse de voler, de tricher et, pourquoi pas, de tuer, tant qu’on y est? Comment peut-on admettre, sans rien faire, aucune mesure, rien, plus de quatre mois après l’occupation du centre-ville, de ses ruelles et quartiers? Que dit-on aux commerçants en faillite qui viennent frapper aux portes du gouvernement? Promis, juré, vous serez exemptés de certaines taxes… à condition que le Parlement se réunisse et vote. Les voilà renvoyés aux calendes grecques, avec les salamalecs d’usage… Que dit-on à M. Habtoor qui vient crier sa rage d’avoir cru au Liban un jour? C’est votre problème, monsieur, placez mieux votre argent la prochaine fois! Que dit-on aux Libanais qui vont vivre ailleurs, se construire une vie parce que leur pays ne leur en offre pas la possibilité? Bon vent! Nasrallah a dit qu’il n’était pas pressé. Le gouvernement non plus n’a pas l’air plus pressé que cela. Nous? Personne n’a demandé notre avis. Joumana DEBS NAHAS Avocate au barreau de Beyrouth

Je suis aussi vexée que consternée par les propos tenus par le chef du Hezbollah dimanche passé. Je ne comprends pas comment certains ont pu voir dans le venin qu’il a assené aux Libanais «un côté positif». Pour un peu, on le remercierait de ne pas déclarer tout de suite une guerre civile dont lui seul est capable.
Non, vraiment, du positif, je n’en vois pas. Son discours était...