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Actualités - CHRONOLOGIE

CONCERT - À l’Assembly Hall (AUB) Brio, précision et complicité pour deux claviers

Un vrai moment de bonheur pour les pianophiles. Un concert pour deux claviers est une belle variante du routinier répertoire pianistique où les touches d’ivoire ont davantage l’habitude de s’animer sous l’impulsion d’une seule paire de mains. Une prestation qu’on souhaite applaudir plus souvent à Beyrouth pour son amplitude et ses innombrables ressources et richesses sonores. Présentées par l’ambassade d’Allemagne au Liban et le Kulturzentrum, Beatrix Klein, née en 1983 à Bonn, et Anja Bokamper, née à Hurth en 1969, ont offert aux mélomanes libanais une performance exceptionnelle où brio, précision et complicité étaient des atouts majeurs. Différence d’âge certes, mais une même et commune maturité musicale. Un concert qui ne table pas sur une démonstration de bravoure vaine, mais un amour sincère et profond de la musique, doublé d’une indéniable maîtrise technique. De l’Autriche au pays de Goethe, en passant par la France pour finir outre-Atlantique, la musique, langage universel, a montré en un voyage harmonique fabuleux qu’elle est affranchie de toutes frontières. Dans un menu éclectique et subtil, ont résonné sous les voûtes boisées de l’Assembly Hall (AUB), devant un public hélas très restreint, des partitions de Hummel, Brahms, Ravel et Gershwin. Ouverture placée sous le signe et la grâce de Mozart avec l’Introduction et Rondo op posthume 5 de Johan Nepomuk Hummel aux tons modérément romantiques, malgré les premiers accords un peu grandiloquents. Finesse perlée de quelques arpèges d’une transparente limpidité avec des phrases d’une grande clarté. Des phrases qui, entre douceur, retenue et équilibre, rappellent en toute discrétion à quel point on est devant un brillant élève de Salieri et de Haydn! Plus résolument romantique est sans nul doute la Valse op 39 de Johan Brahms qui, avec ses volutes froufroutantes et ses mesures à trois temps par un inspiré riverain du Danube, lève le voile sur le paysage mondain de Vienne… Poésie diaphane et grandes envolées sémillantes qui ne sont pas sans rappeler, furtivement, les toniques et vivaces «tziganeries» des Danses hongroises. De Ravel à Gershwin, une même parenté Souffle ibérique à la française avec la Rhapsodie espagnole, transcrite pour deux pianos par Ravel lui-même. Quatre mouvements pour faire revivre la terre des toréadors, tant aimée du compositeur de Gaspard de la nuit, avec des accents véhéments, passionnés, déchaînés, flamboyants. Obsédantes et entêtées sont les premières notes nocturnes pour un prélude annonciateur de tous les sortilèges et incantations du pays de Lorca. Corsée, languide et habitée de toutes les ambiguïtés est cette Malaguena aux tonalités drues et sourdes. Sensuelle, chaloupée, mordue par des sonorités éruptives est cette Habanera dévoilant avec voracité les intermittences du cœur. Pour terminer en apothéose, une Féria pétillante, scintillante comme un feu d’artifice à la Darius Milhaud dans Scaramouche! Flot d’harmonies «raveliennes», enserrées dans un écrin original qui ne laisse pas de répit à l’auditeur. Les grands éclats de la tauromachie se reflètent dans les touches d’ivoire comme les peupliers se mirent au bord de l’eau par un temps ensoleillé et radieux. Petit entracte et, en prolongement à cette frénésie de rythmes, de cadences et de mélodies, place au monde coloré et dynamique de Gershwin, avec le célèbre Concerto en fa pour piano et orchestre, transcrit ici pour deux pianos par le compositeur d’Un Américain à Paris, lui-même éblouissant pianiste. Trois mouvements (allegro, andante con moto et allegro agitato) pour une expression qui n’est pas sans parenté avec Ravel, mêlant en toute délicieuse insolence jazz, gospel et négro spiritual. Tout feu et tout flamme pour une longue narration survitaminée et épicée aux senteurs de l’Amérique. Des champs de coton aux rivières où frétillent les poissons dans Summertime de Porgy and Bess, le mélo et la tristesse en moins, voilà ce concerto applaudi à tout rompre à Carnegie Hall le 3 décembre 1925 et qui ouvrait la voie royale à une expression musicale inédite. Longue, très longue ovation du public qui se vit gratifier en rappel d’un court mais vibrant Prélude de Gershwin. Pour que magie et charme demeurent dans la flaque de lumière sur scène… Edgar DAVIDIAN
Un vrai moment de bonheur pour les pianophiles. Un concert pour deux claviers est une belle variante du routinier répertoire pianistique où les touches d’ivoire ont davantage l’habitude de s’animer sous l’impulsion d’une seule paire de mains. Une prestation qu’on souhaite applaudir plus souvent à Beyrouth pour son amplitude et ses innombrables ressources et richesses...