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Actualités - OPINION

Funestes fuites en avant Mario B. HÉLOU

Depuis que l’hystérie meurtrière a cédé la place à une période de retenue sur le plan des opérations militaires entre Israël et le Hezbollah, on assiste à une résurgence des tiraillements au sein de la classe politique libanaise, toutes tendances confondues, qui marque un retour à la situation qui prévalait dans les années 1980 et, plus particulièrement, en 1990. On dirait que nos politiciens sont atteints d’amnésie à les voir omettre de retenir les leçons d’un passé tout récent et dont les séquelles ne sont pas près d’être effacées de nos mémoires. On peut se rendre compte qu’au Liban il existe des hommes capables de créer des problèmes mais incapables de leur trouver des solutions. C’est la faillite totale au niveau de la caste politique dont une grande partie, sortie de l’anonymat, formée à l’école arafato-assadiste durant des décennies, a fini par s’identifier à un système incompatible avec la vocation indépendantiste du Liban duquel elle s’était éloignée. Il n’est pas difficile de le constater à travers certaines pratiques inspirées de l’ère syrienne telles que l’exclusion, la marginalisation, les procès d’intention accompagnés d’accusations infondées de part et d’autre, allant jusqu’aux insultes, en se servant des tribunes et des divers moyens mis à leur disposition par les médias pour déverser leur venin par des déclarations tendancieuses ou des discours hargneux, dans le seul but d’attiser les haines. Le spectacle auquel on a eu droit en janvier dernier illustre parfaitement l’instinct démagogique et rancunier qui guide les attitudes aussi bien des loyalistes que des opposants, qui se livrent un combat sans merci au détriment des intérêts d’un peuple assoiffé de liberté, de stabilité et de paix. Nul ne peut nier que l’occupant syrien, en quittant le Liban, y a laissé un climat malsain et pollué par toutes sortes de corruption, à l’image de ses pratiques durant son «règne». La présence de ses multiples agents, suite à l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, était devenue plus discrète en attendant de nouveaux développements qui viendraient leur ouvrir le chemin du retour sur l’échiquier politique. Malheureusement, le 14 Mars fut l’occasion attendue, car, immédiatement noyauté par les figures de marque de l’époque de la «collaboration» et du «massar et massir». Ce mouvement n’était pas encore assez immunisé pour résister à l’habileté de ces hommes qui ont réussi à le placer sous leur tutelle, en s’appropriant des slogans qui n’étaient pas les leurs, et en le déviant de son véritable objectif qui consistait à nous débarrasser de tout ce qui pouvait nous rappeler le visage d’un Rustom Ghazalé, conjointement avec celui des « habitués » de Anjar. La dynamique que la révolution du Cèdre a injectée dans l’esprit des Libanais s’est vue immédiatement amortie par la vénalité de ces politiciens – et surtout de ceux qui gravitent dans leur orbite – et qui n’a d’égale que leur habilité incroyable à se mouvoir dans le jeu des magouilles qui ont été et qui demeurent à l’origine de tous nos maux. Ces fauteurs de troubles ont tôt fait de provoquer la défection de l’une des ailes les plus radicales de la révolution du Cèdre, en l’occurrence le CPL. Lequel, par instinct de survie et après s’être trouvé contourné par ceux qui étaient censés être ses alliés, a vite entrepris de se ranger du côté de l’allié indéfectible de l’axe syro-iranien, le Hezbollah, avec lequel un document d’entente a été signé. Tous les discours et déclarations mettant en exergue les avantages d’une telle entente n’ont pas encore réussi à provoquer la décrispation nécessaire, surtout au sein d’une partie de la communauté chrétienne du pays, qui continue à voir, à tort ou à raison, dans cette entente un abandon par le général de tous les principes qu’il prônait et pour lesquels ils lui avaient accordé leur confiance. Ces appréhensions se justifient par le fait que la société chrétienne s’est subitement trouvée entraînée vers un camp auquel elle n’avait jamais appartenu ni idéologiquement, ni culturellement, ni politiquement. Les chrétiens n’avaient jamais participé à des meetings destinés à crier, poings levés, «Mort à l’Amérique!» ou «À bas le grand Satan!», arracher des arbres ou brûler des pneus. Il n’existe pas non plus dans cette société des partis politiques d’obédience étrangère tels que nassériens, Baas syrien, Baas irakien et bien d’autres, sans oublier les organisations palestiniennes et leurs camps qui abritent toutes sortes de mouvements alliés du Hezbollah, et dans le sillage desquels évolue le CPL. Il est donc évident que la place naturelle de ce courant, sans aucun doute farouchement indépendantiste, se trouve auprès de ceux qui incarnent effectivement l’esprit de la révolution du Cèdre avec lesquels il a mené un difficile combat pour la libération du Liban de la tutelle syrienne, car l’agenda purement libanais du général Aoun ne représente pas un poids considérable dans l’imbroglio politique actuel, tant régional qu’international, dans lequel le Liban est pris et qui dépasse de loin le cadre purement libanais. Sans prétendre minimiser les erreurs des forces du 14 Mars vis-à-vis du pays en général et du CPL en particulier et, dans ce même contexte, l’on est en droit de se poser des questions sur les perspectives du revirement du général: a-t-il vraiment réussi à «libaniser» le Hezb? En dehors des points énumérés dans le document d’entente avec ce parti, quels sont les objectifs communs qui le lient à ce parti en rapport avec le statut définitif du Liban? A-t-il réussi à le soustraire à sa totale obédience au principe du «Wilayat al-Fakih» iranien? Aurait-il reçu des assurances sur la disposition du Hezb à se dessaisir de son arsenal? En ce qui concerne le tribunal international, pourquoi ne procède-t-il pas à la signature d’un document, à l’instar de celui remis à Bkerké, signé conjointement avec l’ancien ministre Sleiman Frangié, par lequel il s’engagerait à confirmer son appui à la formation de ce tribunal en soulignant, s’il le juge nécessaire, les points qu’il trouve inadéquats? Cette initiative contribuerait énormément à lever le doute sur sa dépendance à l’égard du Hezb et à décanter le climat politique en général et dans les rangs chrétiens en particulier. Loin de vouloir entrer dans les méandres de la complexité du schéma politique interne et de ses ramifications tant au niveau régional qu’international, il est tout à fait naturel, pour nous Libanais, de nous poser des questions sur l’avenir de nos jeunes dans ce pays. Lorsqu’on constate, à chaque jour qui passe, que le Liban, pris en otage par les forces en présence, demeure toujours un champ idéal pour une nouvelle «guerre pour les autres», on arrive à la seule conclusion qu’on est gouverné par des cerveaux inaptes à gérer des situations aussi complexes que la nôtre et incapables de réagir en dehors des cadres du surplace et des fuites en avant qu’ils pratiquent avec brio en attendant que la solution leur tombe du ciel. Face aux défis auxquels ce pays est confronté, dans une région en ébullition, il est impératif pour la caste politique, et en particulier pour le gouvernement, de rectifier le tir en procédant à un changement radical dans sa ligne de conduite, partant du principe que le système oligarchique et totalitaire dans un pays comme le Liban ne ferait qu’élargir le fossé déjà existant au sein de la société; que l’actuel discours politique haineux doit cesser immédiatement, car ayant atteint le plus bas degré de l’indécence, il risque de dégénérer en dérapage difficilement contrôlable; que le pouvoir auquel il est cramponné n’est pas une propriété privée; que le temps où l’on contrôlait les consciences sans chercher à juger les actes est révolu; que l’installation d’un système politico-sécuritaire «nouvelle formule» n’est plus viable au Liban; qu’il faut, finalement, initier une politique d’ouverture vers l’autre afin de créer un climat de détente susceptible d’ouvrir la voie à un dialogue constructif dans un contexte purement libanais, en marge des interventions étrangères et des surenchères qui ont toujours constitué la pierre d’achoppement de tout règlement possible dans l’intérêt du Liban. Mario B. HÉLOU Fonctionnaire d’ambassade Article paru le Mardi 13 Mars 2007
Depuis que l’hystérie meurtrière a cédé la place à une période de retenue sur le plan des opérations militaires entre Israël et le Hezbollah, on assiste à une résurgence des tiraillements au sein de la classe politique libanaise, toutes tendances confondues, qui marque un retour à la situation qui prévalait dans les années 1980 et, plus particulièrement, en 1990. On...