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Une diversité marine bouleversée par la marée noire : les crustacés plus touchés que les poissons

De la biodiversité terrestre à la biodiversité marine. Combien cette dernière a-t-elle souffert de la marée noire qui a frappé le Liban en juillet, lorsque l’aviation israélienne a bombardé les réservoirs de fuel côtiers de la centrale électrique de Jiyeh ? Gaby Khalaf, du Centre d’études marines du Conseil national de la recherche scientifique (CNRS), a fait le point lors de la troisième conférence, se basant particulièrement sur une étude effectuée par le centre en collaboration avec Ifremer-France. M. Khalaf a commencé son exposé en dénonçant le bombardement israélien comme « un acte prémédité pour provoquer une marée noire, sachant que les courants vont du sud au nord en Méditerranée ». Les 10 à 15 000 tonnes de fuel qui se sont déversées dans la mer se sont dispersées à 80 % sur les côtes libanaises, a-t-il poursuivi, et les régions ont été touchées à divers degrés. « Dès avant la fin des hostilités, nous avons effectué des sorties en mer pour quelques premiers tests », a-t-il précisé. M. Khalaf a dressé un état des lieux des différents sites touchés. Il a commencé par les ports et marinas, englués dès les premiers jours. « Avec une intervention précoce, nous aurions pu limiter les dégâts, a-t-il estimé. Dans ces circonstances-là, tout ce qui était à la surface a été exterminé. » L’expert a ensuite abordé le sujet des plages sablonneuses, qui constituent quelque 20 % des côtes libanaises et qui ont été plus ou moins affectées selon les régions. « Le fuel qui polluait le sable était ensuite recouvert d’une nouvelle couche de sable ramenée par la mer, suivie d’une nouvelle vague de fuel, etc., a-t-il expliqué. Cela a créé un effet sandwiche et justifie pourquoi, après les tempêtes, des couches de fuel ont réapparu, comme à Ramlet el-Baïda. » Il ajoute : « Pour notre part, nous travaillons sur les micro-organismes qui sont de minuscules animaux indicateurs du taux de pollution. Or, selon nos observations, ces micro-organismes ont disparu. » M. Khalaf évoque ensuite les terrasses, ces formations géologiques rocheuses spécifiques au bassin méditerranéen oriental. « Ces plates-formes hébergent une faune et une flore très riches et spécifiques au Liban, révèle-t-il. Nous avons constaté la quasi-disparition de ces organismes et avons collecté quelques spécimens morts sur les sites. » Les côtes rocailleuses et les façades rocheuses ont également été engluées de pétrole. « Là aussi, nous avons compté sur des bio-indicateurs comme les galipots et les oursins, a-t-il précisé. Les animaux ont souffert sur ces rochers, surtout que les nappes de pétrole les ont frappés plus d’une fois, ramenées par les vagues à partir du large. » Le spécialiste a ensuite parlé des campagnes de dépollution, qui ont commencé chaotiques puis ont été centralisées au sein du ministère de l’Environnement. Il a soulevé le problème du fuel stocké sur les plages et qui serait réutilisable par les cimenteries, mais qui devrait être exporté pour être traité à l’étranger selon des informations qu’il a obtenues auprès du ministère. Abordant les conséquences sur la santé humaine, M. Khalaf cite la contamination directe (contact avec le pétrole) que risquent les baigneurs, causant des démangeaisons, des rougeurs, des problèmes respiratoires et des troubles digestifs. Quant à la contamination différée, elle ne peut que passer à travers la chaîne alimentaire : le pétrole, en effet, ne se décompose pas facilement et les hydrocarbures peuvent être cancérigènes, alors que les métaux lourds comme le plomb ou le mercure peuvent être à la source de problèmes de santé. Dans l’équation des opérations de lutte contre la marée noire, le CNRS a été chargé du volet scientifique et du suivi, en collaboration avec Ifremer. M. Khalaf a révélé que la stratégie de suivi devait connaître trois phases : l’une à court terme, qui s’est terminée en 2006, la seconde à moyen terme, pour 2006 et 2007, et la troisième à long terme, jusqu’en 2010. Selon lui, des analyses sur différentes espèces ont déjà été effectuées, montrant que les poissons ne présentaient pas de taux alarmants concernant les éléments les plus toxiques (voire nettement inférieurs à la moyenne), ce qui n’est pas le cas de certains animaux filtreurs, comme les crustacés. « On peut donc consommer le poisson sans crainte, mais pas les crustacés, a-t-il conclu, soulignant que les analyses allaient se poursuivre. Mais ce qu’on peut dire, c’est que l’écosystème a été bouleversé par la marée noire, et la diversité biologique perturbée. »
De la biodiversité terrestre à la biodiversité marine. Combien cette dernière a-t-elle souffert de la marée noire qui a frappé le Liban en juillet, lorsque l’aviation israélienne a bombardé les réservoirs de fuel côtiers de la centrale électrique de Jiyeh ? Gaby Khalaf, du Centre d’études marines du Conseil national de la recherche scientifique (CNRS), a fait le point...