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Pire que le Vietnam ? Par Dominique Chevallier*

Des membres des Nations unies ont adressé un quasi-ultimatum à l’Iran pour que cet État souverain arrête sa production d’uranium enrichi. Les délais accordés s’épuisent théoriquement ce mois-ci. Si les États-Unis et Israël attaquent l’Iran à partir de mars, les conséquences seront-elles pires que, jadis, celles de la guerre au Vietnam ? Il ne s’agit pas de prendre parti pour ou contre les différentes autorités iraniennes, mais de mesurer la portée d’actions militaires, aériennes, navales ou terrestres, qui provoqueront d’abord un sursaut national des Iraniens autour de leurs dirigeants les plus excessifs. Après les bombardements des sites nucléaires de l’Iran, suivra la destruction de ses industries, de ses raffineries et installations pétrolières, de ses voies de communication, de ses centrales thermiques et de tout ce qui assure la vie d’un vaste peuple. Un tel déferlement n’épargnera ni la Syrie ni d’autres pays de la région, même si plusieurs d’entre eux souhaitent rester neutres ou se limiter à un double jeu diplomatique. L’Administration américaine voudra-t-elle mettre à contribution les gouvernements arabes ? Elle a déjà dressé contre elle leurs opinions publiques. Une question tourmente l’ami du Liban que je suis : les ambitions des Libanais sont-elles de plus en plus réduites dans le temps ? Parmi ceux qui ont acquis l’expérience du pouvoir et qui détiennent encore les moyens d’orienter les choix, certains sont gagnés par la lassitude de « vivre au jour le jour ». D’autres, dont la pensée et l’action restent précieuses à l’avenir du Liban, s’interrogent sur l’utilité de rester dans leur pays alors qu’une partie de leur famille est déjà installée en Amérique ou en Europe. Des chefs politiques ou religieux placent leur pouvoir au sein de leur communauté pour s’imposer dans le cadre territorial de l’État. Ils veulent y affermir leur rôle et le garantir grâce à leurs assises confessionnelles intérieures, mais aussi grâce aux soutiens extérieurs que celles-ci peuvent leur apporter. Où se résout exactement leur appel à l’unité ? Des affrontements communautaires s’inscrivent-ils dans des remodelages régionaux qu’exacerbent de multiples interventions étrangères ? Quel rôle sera-t-il assigné à Beyrouth dans un remembrement du Moyen-Orient ? L’étau américain et israélien écrasera-t-il les mouvements islamistes ou, au contraire, en fera-t-il son axe pour broyer tous les autres courants politiques et finalement tous les États ? L’échec des ambitions américano-israéliennes n’est nullement exclu, bien qu’elles comptent des alliés aussi nombreux que divers. Or comment distinguer les extrémistes vainqueurs des extrémistes vaincus à l’ère de l’informatique ? Les vainqueurs comme les vaincus gardent leur outil, le perfectionnent, et continuent à agir grâce à lui. Ils sont pourtant eux-mêmes dépassés par son usage qui tend à les dominer. Pour le maîtriser, neutraliseront-ils tout ce que la sagesse, l’équilibre et la modération peuvent encore leur opposer ? Croire à la survie n’empêche pas la mort. En politique internationale, des fous et des idéologues ont souvent le dernier mot. Ils n’hésitent pas à mêler leurs propres ambitions et leur aveuglement à l’égard des réalités pour susciter des peurs ou des enthousiasmes populaires pour lesquels ils justifieront leurs engagements agressifs, jusqu’à leur chute dans des flots de sang. Le XXe siècle s’en est allé avec ses rêves et ses horreurs. Le XXIe siècle patauge dans ses mythes et ses techniques. Steppes initiatiques ? Amas urbains ? Il nous reste l’espoir d’être solidaires pour la vie. * Professeur émérite à la Sorbonne. Article paru le Mardi 13 Février 2007
Des membres des Nations unies ont adressé un quasi-ultimatum à l’Iran pour que cet État souverain arrête sa production d’uranium enrichi. Les délais accordés s’épuisent théoriquement ce mois-ci. Si les États-Unis et Israël attaquent l’Iran à partir de mars, les conséquences seront-elles pires que, jadis, celles de la guerre au Vietnam ?
Il ne s’agit pas de...