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Actualités - OPINION

Ne partez pas !

Lu hier dans L’Orient-Le Jour, un papier signé Percy Kemp (jeudi 25 janvier 2007). Un vrai coup de gueule, pétri de sincérité, plein d’esprit, un pétard à faire exploser à la face de ceux à qui nous avons confié les rênes de notre pays. Cet article est si bien écrit, il exprime si bien le désarroi des Libanais que je crains l’impact qu’il peut provoquer dans l’esprit des jeunes qui l’auront lu ! Car, oui, M. Kemp, vous avez cent fois raison d’en avoir ras-le-bol ; mille raisons de penser que le pays est mal géré, au plan économique, au plan politique, au plan civilisationnel ; que les dignités, les valeurs sont bafouées ; les droits piétinés. Mais, de grâce, n’en tirez pas les conclusions qui achèveront le désastre et ne vous sous-estimez pas. Non M. Kemp, ne partez pas et n’incitez pas les jeunes à partir. Oh, que je vous comprends ; qu’ils sont méprisables ces marchands d’armes, ces voleurs d’âmes qui rallument les mèches à peine éteintes. Mais si M. Kemp, ce pays est le vôtre, le nôtre et son devenir dépend de nous. Ces hommes et femmes politiques qui nous gouvernent, nous les avons élus et il ne tient qu’à nous de les renvoyer chez eux : en restant accrochés à notre terre comme ce paysan que vous décrivez si bien, en écrivant, en militant, en votant, en travaillant. Je ne vis plus au Liban, depuis vingt ans ou presque. Facile de donner des leçons ? Je n’en donne pas, je veux juste dire, aux jeunes qui nous lisent, pourquoi je suis partie et pourquoi ils doivent rester. Je n’ai pas quitté le Liban par dégoût. Des sentiments plus tendres ont guidé mes pas. Et puis, vous savez ce que c’est : on s’installe, une vie sympa, des enfants à l’école, un appartement, un job, la vie quoi et puis le Liban n’avait pas besoin de moi. Des plus jeunes que moi étaient rentrés (avant d’avoir fondé des familles) des États-Unis, de France et d’ailleurs ; ils se sont établis comme médecin, comme avocat ou ont créé des start-up et d’autres entreprises, embauché des salariés, se sont mariés, ont eu des ribambelles d’enfants… et se sont beaucoup amusés. L’été, le pays bruissait de leurs fêtes, mais dès le lendemain matin ils étaient à l’heure au travail, perpétuant ce dicton qui veut que « quand on jette un Libanais à la mer, il en ressort avec un poisson dans la bouche ». Ils ont tant et si bien fait que le Liban renaissait de ses cendres. Les plus anciens étaient restés gardiens des lieux et de nos mémoires, nous rappelant à chaque fois que la tentation était forte, que notre port d’attache était ici. À chaque séjour, j’enviais la dolce vita des gens ici, la renaissance culturelle, la créativité artistique, le bouillonnement intellectuel, l’essor économique. Mais oui, vous en souvenez-vous ? C’était il y a moins de deux ans, et malgré des années de guerre civile, preuve, s’il en est qu’il est « des terres brûlées donnant plus de blé qu’un meilleur avril ». Me croirez-vous ? Je vous ai envié même dans la terrible épreuve que vous avez vécue l’été dernier, otages et victimes d’une guerre qui n’est pas la vôtre, si dignes, si courageux. J’ai rêvé d’être parmi vous, à vos côtés, héroïne parmi les héros que vous êtes. Ne vous l’avons-vous pas dit ? Vous avez forcé notre admiration. C’est au travers des épreuves que vous vivez que nous racontons l’histoire à nos enfants. Et l’histoire nous a appris que celui qui lâche sa terre est condamné à l’exil. Mon grand-père a écrit, il y a très longtemps, un ouvrage intitulé Ne gaspillez pas la terre du Liban. Durant toute mon enfance, j’ai frémi chaque fois que « jeddo », commentant son livre, me décrivait les risques qu’il y avait à abandonner ses biens, à les vendre à des étrangers. J’ai découvert l’été dernier que je pouvais être utile au Liban ; que la diaspora libanaise est utile à son pays d’origine. À l’instar de la communauté juive de France et d’ailleurs, qui s’est mobilisée pour justifier l’attitude d’Israël, dans la guerre qui l’opposait au Hezbollah, les Libanais de souche se sont montrés d’une efficacité redoutable, journalistes, intellectuels, hommes d’affaires, patrons d’industrie, chefs d’entreprise, artistes, créateurs de mode et salariés, nous avons été des milliers à nous mobiliser, pour relayer votre voix, faire connaître votre refus d’une guerre qui n’était pas la vôtre et qui était pourtant menée sur votre terre, pour récolter des fonds, mobiliser les aides et les associations, exercé notre lobbying au sein des institutions étatiques. La diaspora libanaise, de France, des Amériques, d’Australie et d’ailleurs n’existe que si vous existez ! Je repars. Depuis des mois, L’Orient-Le Jour est devenu une formidable tribune et des voix s’expriment, en toute liberté, dans ses colonnes, participant à un débat intellectuel salutaire. Pourquoi ne pas vous lancer à votre tour, vous les « jeunes d’hier » pour raconter, chacun à son tour, aux « jeunes d’aujourd’hui », comment vous avez démarré vos vies professionnelles et familiales au Liban, vos parcours, les difficultés rencontrées et les victoires remportées ? Marie ONEISSI Chef d’entreprise, ancienne journaliste à « L’Orient-Le Jour »

Lu hier dans L’Orient-Le Jour, un papier signé Percy Kemp (jeudi 25 janvier 2007). Un vrai coup de gueule, pétri de sincérité, plein d’esprit, un pétard à faire exploser à la face de ceux à qui nous avons confié les rênes de notre pays. Cet article est si bien écrit, il exprime si bien le désarroi des Libanais que je crains l’impact qu’il peut provoquer dans...