Des spécialistes se sont déjà penchés – un peu trop...
Actualités - OPINION
Le point Le facteur Bush
Par MERVILLE Christian, le 09 novembre 2006 à 00h00
Les Américains n’ont pas plébiscité le Parti démocrate, nous disait-on dès hier soir, ils ont désavoué George W. Bush. C’est là une double évidence ; c’est aussi une piètre consolation pour des candidats républicains qui s’étaient ingéniés, tout au long de la campagne, à prendre leurs distances avec qui vous savez, au point de préférer s’inscrire aux abonnés absents quand d’aventure la Maison-Blanche appelait pour leur proposer ses services sous la forme d’apparitions présidentielles à l’occasion de leurs tournées. Les voici aujourd’hui tenus de se démarquer de leur mentor s’ils veulent améliorer leur image de marque aux yeux d’un électorat qui vient de désavouer le maître du pays d’une manière qui ne laisse place à aucun doute.
Des spécialistes se sont déjà penchés – un peu trop tôt peut-être – sur le scrutin du 8 novembre. Mais c’était pour établir les moyennes depuis 1914 des gains et pertes du camp au pouvoir, à l’occasion des «Mid Term ». À la première consultation, ont-ils rappelé, 27 sièges à la Chambre des représentants changent de titulaires et trois autres au Sénat, une proportion qui passe à 34-6 quatre ans plus tard, ce qui, calculé sur les deux échéances, donne 30 congressmen et quatre sénateurs invités par le peuple à s’en aller tailler les rosiers de leur jardin. Commencé en 1994, l’intermède républicain aura, en définitive, duré quatorze années, succédant à quatre décennies de totale domination démocrate. Il y a tout lieu de penser que Nancy Pelosi et Charles Schumer, les principaux artisans de la victoire de leur formation, ont déjà élaboré une stratégie à moyen terme dont l’actuelle Administration fera les frais. La représentante depuis 1987 du 8e district de San Francisco est appelée en outre à accéder au « perchoir », devenant ainsi la première femme à occuper un poste dévolu il y a douze ans à un collègue du parti, le flamboyant Newt Gingrich. Le sénateur de New York, lui, avait le premier vu la faille dans l’armure bushienne jadis fabriquée à partir de trois fois rien par Karl Rove : sous son impulsion, le cheval de bataille du président – cet « Axis of Evil », formule élaborée par David Frum et utilisée pour la première fois le 29 janvier 2002 dans le message sur l’état de l’Union – a été ramené à sa dimension véritable, soit un gigantesque échec couvrant l’Irak (transformé par les soins de Donald Rumsfeld en un sanglant marécage), l’Iran (intronisé nouvelle superpuissance proche et moyen-orientale) et la Corée du Nord, réservoir de toutes les expérimentations asiatiques. Au fil des ans, on prendra soin d’allonger la liste en y ajoutant la Syrie, le Hamas, le Hezbollah, sans compter d’autres États et organisations.
Les adversaires du Grand Old Party se garderont bien, à tout le moins faut-il l’espérer, de pavoiser. Même si le chef de l’Exécutif n’est plus, pour les grands dossiers, le seul maître à bord après Dieu grâce à deux Chambres complaisantes, il lui reste l’arme absolue du veto, la menace constamment présente d’un blocage, enfin la prérogative de la conduite des opérations militaires. À ce sujet, l’autre camp a eu beau critiquer l’expédition en terre irakienne, il peut difficilement prêcher un retrait inconditionnel sans risquer un désaveu national. Tout comme ses membres y regarderont à deux fois avant d’approuver la poursuite de l’occupation du pays et de voir alors la patate chaude leur échoir entre les mains une fois qu’ils auront remporté, espèrent-ils, la bataille pour la présidentielle... On le voit : une fois passée la griserie de la victoire, la partie est plus ardue à disputer qu’il n’y paraît.
On peut être certain dès lors que, tout au long des vingt-quatre mois à venir, chacun va s’ingénier à abuser de l’estrade, des colonnes des journaux et des minutes d’antenne pour faire valoir son point de vue sur les grands thèmes appelés à continuer de dominer l’actualité. Avec la possibilité, de temps à autre, d’initier des enquêtes parlementaires agrémentées de moult citations à comparaître, ce qui donnera à l’opinion publique l’illusion que l’on avance. Rien de pareil à espérer s’agissant du conflit palestino-israélien, un dossier devant lequel – on vient de le voir hier encore avec la dernière en date des boucheries commises par l’État hébreu à Beit Hanoun – Washington s’obstine à se voiler pudiquement la face, tout comme il l’avait fait en juillet-août derniers à propos du Liban. Grise perspective, que viendrait agrémenter, nous promet-on, un décompte de voix « à la floridienne », comme en 2002, pour le scrutin sénatorial.
C’est dire si, pour quelque temps encore, le « canard boiteux » va continuer à claudiquer, tandis que le monde, lui, continuera à faire du surplace. Que voulez-vous, l’inflexibilité, même stérile, cela se paye.
Christian MERVILLE
Les Américains n’ont pas plébiscité le Parti démocrate, nous disait-on dès hier soir, ils ont désavoué George W. Bush. C’est là une double évidence ; c’est aussi une piètre consolation pour des candidats républicains qui s’étaient ingéniés, tout au long de la campagne, à prendre leurs distances avec qui vous savez, au point de préférer s’inscrire aux abonnés absents quand d’aventure la Maison-Blanche appelait pour leur proposer ses services sous la forme d’apparitions présidentielles à l’occasion de leurs tournées. Les voici aujourd’hui tenus de se démarquer de leur mentor s’ils veulent améliorer leur image de marque aux yeux d’un électorat qui vient de désavouer le maître du pays d’une manière qui ne laisse place à aucun doute.
Des spécialistes se sont déjà penchés – un peu trop...
Des spécialistes se sont déjà penchés – un peu trop...