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Qui roule pour le réchauffement climatique ?

Les États-Unis sont fréquemment montrés du doigt par les défenseurs de l’environnement, notamment pour avoir refusé de ratifier les accords de Kyoto favorables à une réduction des émissions de gaz responsables du réchauffement climatique. Cet ostracisme, dont est frappée la dernière superpuissance, s’explique en partie par la méconnaissance du public de l’empire américain. Les États-Unis sont un pays fédéral, et la façon dont ce pays fonctionne est différente de celle observée dans les États-nations monoblocs comme la France ou le Liban. Le gouvernement fédéral constitue une entité, mais ne représente qu’une association d’États, eux-mêmes constitués de comtés et de villes attachés à leur indépendance, et n’octroyant au gouvernement des États-Unis qu’un nombre de tâches bien définies. Ainsi, si le pays au niveau fédéral a refusé de prendre des engagements fermes pour lutter contre le réchauffement climatique, arguant qu’ils seraient contre-productifs au niveau de la croissance américaine ou que le rôle de l’homme dans le changement du climat n’est pas prouvé, plusieurs États, de nombreuses villes et d’innombrables comtés ont pris des mesures promouvant des solutions comme les énergies alternatives ou des voitures moins polluantes. L’État de Californie est, à cet égard, exemplaire. Lorsqu’Arnold Schwarzenegger s’est présenté à l’élection qui devait désigner le nouveau gouverneur, il y a deux ans, les beaux esprits ont ri à gorges déployées : que pouvait bien connaître en matière de gestion de la sixième puissance économique mondiale un ancien acteur de films d’action, bodybuildé et n’ayant d’autre expérience politique que son mariage avec une fille du clan Kennedy, Maria Shriver ? La Californie, État en avance par rapport au reste du monde en matière de technologie, de protection de l’environnement ou d’éducation, a pourtant choisi cet émigré autrichien allié aux Républicains pour la gouverner. Et elle s’en porte fort bien notamment en ce qui concerne le combat contre le réchauffement climatique. Schwarzenegger, pourtant propriétaire d’une flotte de Hummer, ces 4x4 énormes, antisociaux et dévastateurs pour l’environnement, a adopté des mesures drastiques et agressives pour combattre les dangers grandissants qui menacent le fragile écosystème planétaire. Rolling Stone, magazine démocrate américain peu réputé pour ses sympathies républicaines, rapporte dans son numéro de mi-novembre les mesures concrètes du « Governator ». En juin, Arnold Schwarzenegger a décidé que les émissions réchauffant le climat seraient réduites, dans son État, de 80 % d’ici à 2050. Il a également soutenu une motion visant à ce que les voitures vendues en Californie émettent un tiers d’émissions toxiques en moins d’ici à dix ans. Le gouverneur fait installer des dizaines de station-service pouvant fournir de l’hydrogène sur les autoroutes californiennes, et les services publics de Californie sont fortement invités à puiser 20 % de leur besoin en électricité dans les énergie renouvelables. L’ex-star hollywoodienne a également décidé de vendre ses mythiques Hummers et travaille avec la compagnie GM à élaborer un 4x4 hybride fonctionnant conjointement à l’essence et à l’électricité. Quelles que soient les raisons qui poussent Schwarzenegger à combattre résolument le réchauffement climatique, que ce soit par sens du devoir ou calcul politique, ses mesures sont saluées dans le monde entier comme intelligentes, efficaces et courageuses. Le symbole d’un homme ayant toujours apprécié les grosses cylindrées se tournant vers les véhicules hybrides est fort : il est de nature à faire changer d’avis les nombreux Américains et autres conducteurs de 4X4 à faire un geste pour l’environnement et à délaisser leurs mauvaises habitudes de conduite pour une réflexion plus globale sur l’avenir de la planète. Mais aux arguments de Schwarzenegger s’ajoutent d’autres raisons de combattre le réchauffement climatique, d’ordre politique cette fois. Car certains conducteurs considèrent comme un droit inaliénable de consommer de l’énergie en quantité déraisonnable. À cela, Jim Woolsey, un réaliste républicain, apporte une réponse imparable dans le climat actuel américain pour inciter les conducteurs à changer de conduite : la lutte contre le terrorisme. Woolsey n’est pas un militant écologiste ou un hippie attardé. Il a été directeur de la CIA et a eu accès aux informations les plus protégées du gouvernement américain. Woolsey souhaite que les États-Unis produisent suffisamment de biocarburants, comme l’éthanol ou le biodiesel, tout en ajoutant des batteries électriques à toutes les voitures actuelles pour les rendre hybrides afin de diminuer la dépendance énergétique des États-Unis. Partant du principe que le contrôle des hydrocarbures est ce qui pousse Washington à engager des guerres qui peuvent augmenter le risque terroriste, Woolsey propose un retrait de la superpuissance américaine des théâtres militaires internationaux. Selon Woolsey, en devenant indépendants des régimes qui contrôlent la production de pétrole et de gaz et en produisant suffisamment de biocarburants, la nation américaine lutterait non seulement contre le réchauffement climatique, mais également et surtout contre les attaques terroristes. Le raccourci paraît vertigineux, mais prend tout son sens quand on observe le Moyen-Orient et les intérêts qu’il suscite de la part des grandes puissances depuis la découverte des hydrocarbures en quantité massive dans la région dans les années 20. Sans dire que le pétrole fait les guerres, il y a largement contribué et la solution de Woolsey, se basant sur une analyse froide de la situation dramatique que prend l’interventionnisme américain, apparaît comme porteuse de bon sens à la fois pour la planète et pour les hommes. L’homme d’affaires Schwarzenegger comme l’ancien maître-espion Woolsey ne sont pas de doux rêveurs. D’autres, avant eux, ont tiré la sonnette d’alarme, et se profile aujourd’hui un combat qui s’annonce comme l’un des plus redoutables qu’ait eu à affronter l’humanité puisque c’est sa survie qui est en jeu. Quand le gouvernement ne veut pas prendre d’initiatives pour mettre en œuvre des mesures concrètes pour protéger son patrimoine naturel, il appartient au secteur privé de prendre le relais des organisations non gouvernementales qui ont à cœur la défense de l’environnement. Cette lutte peut avoir des aspects financiers très attractifs car protéger la nature, c’est aussi comprendre que l’environnement est un enjeu économique majeur : quels touristes ne sont pas dérangés par la présence d’une décharge massive près de leur hôtel ou par une mer à l’aspect saumâtre ? Outre le tourisme, ou l’éducation pour former des experts en environnement, le secteur industriel et technologique est également sollicité par le réchauffement climatique. Produire mieux, de façon moins polluante et en prenant soin de détruire le moins de ressources naturelles, représente un immense marché qui commence seulement à s’ouvrir. En mai, Jeff Immelt, le patron de la plus grande entreprise du monde, General Electric, a décidé de doubler le budget de son entreprise en recherche et développement sur les technologies « propres », c’est-à-dire non polluantes. Le but de Immelt est de doubler d’ici à 2010 le revenu généré par ses innovations en environnement jusqu’à représenter 20 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Pour General Electric, une des entreprises les plus polluantes du monde, l’environnement représente donc un investissement très rentable, et les autres entreprises risquent fort de suivre GE dans sa démarche profitable et écologique en même temps. Et si le réchauffement climatique était aussi une chance de comprendre l’effet papillon, qui pose qu’un battement d’ailes de papillon en Australie se transforme en typhon au Brésil ? Réfléchir sur l’environnement, c’est réfléchir sur le rapport que l’on entretient avec son voisin, puisque les tsunamis, les pollutions maritimes ou les nuages radioactifs ne reconnaissent pas les frontières humaines. La notion de tiers-monde, chère aux analystes politiques de la guerre froide, s’efface alors, de même que celle de nations développées. Devant un danger d’une telle ampleur, la planète entière est concernée et des personnalités fortes comme Schwarzenegger peuvent faire comprendre que le repli égoïste des nations riches n’est plus possible, pas plus que la détresse des pays pauvres, et que de nouvelles alliances mondiales s’imposent pour des enjeux communs. Étienne Augé Directeur du département de communication de masse Université de Balamand
Les États-Unis sont fréquemment montrés du doigt par les défenseurs de l’environnement, notamment pour avoir refusé de ratifier les accords de Kyoto favorables à une réduction des émissions de gaz responsables du réchauffement climatique. Cet ostracisme, dont est frappée la dernière superpuissance, s’explique en partie par la méconnaissance du public de l’empire américain. Les...