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Actualités - OPINION

Sur les Campus Quelques éléments pour un renouveau estudiantin

Il ne faut pas juger trop sévèrement les étudiants. Ils sont ceux qui ont consenti le plus de sacrifices durant les quinze dernières années pour contribuer à la libération du pays de l’occupation syrienne. Ils n’ont manqué aucune occasion d’investir l’espace public de la rue et de mettre leur santé (et leur liberté) en danger pour dire tout haut ce que très peu osaient à peine murmurer, lorsqu’ils ne se muraient pas dans un silence complaisant. Puis, après l’assassinat de Rafic Hariri, les étudiants ont été les premiers à affluer vers la place des Martyrs, à y planter leurs tentes et à entamer un sit-in de longue haleine, avec un double rejet à la clé. Il s’agissait d’abord de faire front contre la résurgence de la violence et du crime, lié dans l’inconscient collectif à l’état de guerre. Et, évidemment, l’objectif était aussi de s’opposer à l’occupation syrienne en exprimant une revendication plurielle, et donc légitime sur le plan national, pour réclamer le départ des troupes syriennes et la fin des ingérences des services de renseignements dans la vie politique. Les étudiants ont donc été à l’avant-garde du système politique dans la résistance à l’occupation : il faut dire que la place était à prendre, puisque nul sur la scène politique n’a réellement cherché à l’occuper durant quinze ans. Les uns étaient empêchés pour des raisons diverses, et sur lesquelles il n’y a pas lieu de revenir, et la plupart des autres étaient soit trop patients, et parfois trop permissifs, soit littéralement consentants, pour ne pas user d’autres vocables trop avilissants. Il ne fait pas vraiment bon de jeter la pierre aux étudiants, déboussolés par l’après-14 mars. La désillusion endurcit. L’expérience de fraternisation, par le biais du camp de la place de la Liberté, a volé en éclats avec le retour à la realpolitik des uns et des autres. Ou bien il convient plutôt de dire qu’elle n’a pas disparu, mais qu’elle est désormais enfouie comme un vieux rêve, un idéal, dans la tête des chefs des sections estudiantines. Ces derniers pourront se dire un jour, en parlant du camp de la Liberté, que « c’était le bon temps ». Le résultat des désillusions des uns par rapport aux autres a été la scission à l’intérieur de l’équipée du 14 mars. Mais cette scission n’est pas venue de chez les étudiants, mais des chefs politiques. Là où le bât blesse, c’est que les étudiants se sont contentés de s’aligner et de prendre parti, dans le cadre du repositionnement-rééquilibrage général sur la scène politique nationale. Une piste pour expliquer cette attitude particulière, plutôt suiviste, des jeunes serait le manque de culture démocratique. Il ne suffit pas en effet qu’il y ait des structures démocratiques (pour peu qu’elles le soient) pour que l’attitude des jeunes soit démocratique. Comme l’après-14 mars semble affaiblir la position des candidats et mouvements indépendants dans les universités et marquer le grand retour des partis « organisés », c’est d’abord à ce multipartisme (heureusement) retrouvé, et pour l’instant quelque peu anarchique et déboussolé, qu’il convient de s’intéresser. L’un des éléments moteurs pour la diffusion d’une culture démocratique au sein des partis, et en même temps l’un des indices les plus révélateurs, serait l’émergence, au sein de chaque formation, d’une contestation des orientations de la direction, du « zaïm ». Et qui pourrait tenir mieux que les jeunes ce rôle contestataire au sein des structures partisanes ? Quant aux indépendants, qui ont une marge de liberté toujours plus grande que les partis à tous les niveaux – mais moins de moyens –, c’est à eux en priorité qu’il revient de prendre les initiatives fraîches et nouvelles pour initier de nouvelles dynamiques démocratiques sur le terrain, orientées sur des projets concrets et intéressant directement les étudiants (droit de vote à l’âge de 18 ans, mariage civil optionnel, fondation d’un statut d’étudiant, etc.). Cela ne signifie pas pour autant faire la guerre, une guerre stupide et stérile, aux partis. Cela suppose plutôt de jouer un rôle régulateur et rationnel, sinon rassembleur sur certains thèmes, là où les calculs de la politique partisane empêcheront probablement toujours tout aboutissement. L’apport des indépendants sera civique et constructif, et pourra orienter les partis vers des actions communes de ce type. Il reste qu’on ne saurait jeter la pierre aux étudiants seuls, s’ils se comportent de cette manière sur les campus, parce que c’est le politique tout entier qui est en crise, au plan national. Pour autant, l’université ne saurait être autre qu’un lieu de développement d’une culture politique différente, aspirant sans relâche à la démocratie et à la citoyenneté. Michel HAJJI GEORGIOU Les étudiants qui souhaitent s’exprimer sur les problèmes estudiantins doivent adresser leurs commentaires par fax (01/360390) ou par mail: redaction@lorientlejour.com
Il ne faut pas juger trop sévèrement les étudiants. Ils sont ceux qui ont consenti le plus de sacrifices durant les quinze dernières années pour contribuer à la libération du pays de l’occupation syrienne. Ils n’ont manqué aucune occasion d’investir l’espace public de la rue et de mettre leur santé (et leur liberté) en danger pour dire tout haut ce que très peu osaient à peine...