Correspondance Un spectacle-exposition à Cathédrale d’images, au cœur des Alpilles (sud de la France) Un voyage en compagnie des « pèlerins de Saint-Jacques, à Lhassa » (Photo)

AVIGNON, d’Aline GEMAYEL Nichée au cœur du Val d’enfer, écrasée de chaleur et de lumière, Cathédrale d’images émerge dans un paysage provençal aride. Dans le sud de la France, sur la route qui part des Baux de Provence, où trône un magnifique château médiéval, vers le nord en direction d’Avignon, cette carrière de pierre désaffectée joue les musées interactifs depuis une petite trentaine d’années. Au programme pour 2005 un voyage en compagnie des « pèlerins de Saint-Jacques, à Lhassa ». Une fois passé le tourniquet, on se dirige vers l’entrée de la carrière. On s’y engouffre et c’est le choc. Il faut un temps pour que le regard s’accommode à l’obscurité, que le corps s’adapte à la fraîcheur humide qui règne dans le ventre de cette montagne, que les sens se laissent embarquer dans ce nouveau monde dont la sérénité tranche avec l’extérieur bouillonnant. On est littéralement téléporté, comme par magie, dans un univers aux antipodes de celui dans lequel on évolue au quotidien. Le voyage peut commencer. Un voyage à nul autre pareil : un tour du monde, en images, en musique et en trente minutes des lieux de pèlerinage. Les photos projetées sur les imposantes parois de pierre blanche se succèdent et se font écho. Des écrans géants qui s’étalent sur quelque 4 000 mètres et font plus de 20 mètres de hauteur. Comme un seul homme, la cinquantaine de projecteurs chargent les diapositives au rythme d’une chorégraphie bien synchronisée. Les « chlic-chlac » qui signalent le changement d’image jouent une musique au rythme régulier. Le spectateur déambule dans les dédales de la carrière, avance, revient en arrière, s’immobilise, se laisse emporter par les images qui défilent. Les photos revêtent différents sens en fonction du point de vue duquel on les regarde. Quelque 3 000 photos pour un spectacle en six séquences. Les chemins du pèlerinage commencent avec le christianisme et la route espagnole du périple de Saint-Jacques de Compostelle. Puis direction Rome, le centre de la chrétienté. Ensuite, c’est un retour vers le judaïsme, de Rome au mont Sinaï. Puis, c’est un détour par Jérusalem, ville sainte au cœur du monde. La quatrième étape emmène le spectateur vers La Mecque, à la découverte de l’islam. Puis vers les univers sacrés de l’hindouisme, aux bords du Gange. Et enfin, vers le sommet du monde, à Lhassa, à la découverte du bouddhisme tibétain. La pierre blanche rend très bien la majesté des images. Les photos des monuments et des paysages semblent s’incruster dans la pierre qui, tel un miroir, en reflète avec vivacité les couleurs et les ombres. Les visages des pèlerins offrent une galerie de portraits à la sérénité apaisante. Chaque lieu a sa musique, les notes qui s’égrainent magnifient le spectacle, lui donnant toute sa mesure. « Les pèlerins » est une réalisation signée Hubert Van Ruymbeck et Catherine Nyssens. Leur projet s’inscrit dans le concept de l’image totale, imaginé en 1977 par Albert Plecy, le metteur en scène du lieu. Ancien journaliste, passionné d’images, Albert Plecy inaugurait Cathédrale d’images en 1977 avec le programme « Les très riches heures du duc de Berry », aboutissement d’une réflexion sur l’image, menée au sein de l’association qu’il a fondée, Gens d’images. Après son décès soudain, sa femme Anne reprend le flambeau, jusqu’en 2002. C’est aujourd’hui leur petit-fils, Timothée Polad, qui est en charge de la SARL. Cathédrale d’images propose un spectacle-exposition par an. « De Bosch à Bruegel », « Portraits de Chine », « Impression de Van Gogh », « Ballade africaine », « Mémoires du cirque », « Alexandrie au cœur de la Méditerranée »… autant de thèmes qui ont jalonné l’affiche de cette cathédrale hors normes. Autant de voyages auxquels quelque 100 000 personnes ont participé chaque année. Pour 2006, les toiles de Cézanne s’accrocheront aux cimaises de pierre y faisant éclater les lumières du midi de la France.