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Actualités - CHRONOLOGIE

Correspondance - Installations et performances originales au Festival In d’Avignon «L’insulte faite au paysage» occupe l’église des célestins(photos)

AVIGNON, d’Aline GEMAYEL Jean-Michel Bruyère et 17 jeunes de l’association LFK-La Fabriks investissent l’église des célestins avec une performance offrant à la fois du théâtre, de la musique, de la vidéo et des arts plastiques. Les «fioretti» de l’errance et de l’extermination qui composent L’insulte faite au paysage sont autant de portes ouvertes sur le chaos. L’église des célestins, autrefois la plus riche d’Avignon, est, depuis la Révolution française, un bâtiment en décrépitude. Ses fenêtres, dont les vitraux ont disparu depuis longtemps, sont obscurcies de planches en bois. Le peu de lumière du jour qui tente encore de s’infiltrer par les fentes latérales est masqué par de grandes toiles noires. C’est dans cet espace sombre, au sol recouvert de terre, où le spectateur est invité à déambuler. De recoin en recoin, au détour de chaque pilier, il y a quelque chose à voir. Comme un puzzle géant, les pièces de cette œuvre semblent s’écarteler pour occuper la totalité des lieux. Les jeunes qui ont signé ces œuvres sont assis sur des chaises, immobiles. Ils semblent monter la garde… Trente-deux courts-métrages occupent chacun un pan de mur. Projetés à même les pierres, en boucle et simultanément, chaque film retrace dans une libre adaptation la tragédie d’Actéon selon Ovide, l’histoire d’une meute qui massacre et dévore son chef avant d’errer sans but… Outre les films, des installations-chapelles, des sculptures actives et des sculptures sans acte occupent l’espace. Tous les sons se croisent, s’entrechoquent sans jamais se mêler dans un brouhaha assourdissant. Les étudiants de Man-Keneen-Ki, école d’art contemporain des enfants et jeunes errants de Dakar (Sénégal), ont signé ces œuvres, sous la direction de Jean-Michel Bruyère. «Cette œuvre n’est pas chargée de représenter l’Afrique», précise Jean-Michel Bruyère. «À La Fabriks, on travaille toujours sur des genres hors catégories», insiste le réalisateur. «L’insulte faite au paysage n’est pas une exposition, c’est du théâtre et ça parle toujours d’errance», précise-t-il. Dans ses réalisations, Jean-Michel Bruyère cherche à impliquer le spectateur qui a «la liberté et la responsabilité dans la construction poétique de l’œuvre». Bien qu’ayant du mal à utiliser cette liberté, tant est ancrée l’habitude des formes classiques du théâtre, le spectateur sort de cette expérience étourdi d’images, d’impressions fortes. À Dakar où il travaille en partie, «la maison-clinique accueille toujours de nouveaux enfants». La Fabriks développe pour la scène, depuis 1994, un théâtre documentaire. LFK présente au Festival In d’Avignon 2005 deux pièces réalisées au Sénégal avec la participation des étudiants de Man-Keneen-Ki: Si Poteris Narrare, Licet (pièce créée en 2002 et reprise à Avignon) et L’Insulte faite au paysage, créée à Avignon et spécialement conçue pour l’église des célestins. Avec Karine Saporta, le «Sujet à vif» Outre les grandes productions, le Festival d’Avignon accueille en son sein diverses manifestations parallèles, souvent accessibles gratuitement. Les planches s’ouvrent ainsi à d’autres artistes travaillant dans une même mouvance ou qui donnent une autre lecture des œuvres présentées. Ainsi, la chorégraphe française Karine Saporta signe L’enveloppe, une installation-performance originale. Dans une enveloppe, que tout un chacun pouvait retirer et envoyer à qui il voulait, Karine Saporta a glissé plus d’une vingtaine de planches cartonnées avec textes et photos – tous d’elle –, très esthétisantes. Le propos? «Une proposition de spectacle, mais qui ne se fera jamais», explique la chorégraphe. «Yan Fabre et moi sommes deux artistes avec des univers très marqués, nous ne pourrons jamais travailler ensemble. Mais quand on sent qu’on a un jumeau dans la création, on peut se permettre de fantasmer», lance-t-elle. Cette enveloppe est un manifeste. «Nous ne nous exprimons pas assez les uns sur les autres», déplore-t-elle. «Écrire sur Yan, c’est écrire aussi sur mes conceptions artistiques», affirme encore Karine Saporta. Ce qui lui plaît chez l’artiste flamand associé de la 59e édition du Festival In d’Avignon, c’est «qu’il est très en décalage par rapport à une vision du monde désacralisée, en vogue en Occident». Pour elle, «la culture française instaure la raison et la mesure. Yan Fabre, lui, est démesuré, mais pas déraisonnable». Également photographe et cinéaste, ses travaux font l’objet de nombreuses expositions. Par ailleurs, Karine Saporta est, depuis huit ans, en charge du «Sujet à vif», un espace de création et d’expérimentation dans le cadre duquel viennent s’exprimer des artistes du spectacle vivant: chorégraphes, danseurs, musiciens, mimes, acteurs, artistes de cirque… Coproduites par la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques), dont elle est la vice-présidente, et le festival, cinq performances d’une heure chacune ont ainsi été à l’affiche au Jardin de la Vierge du Lycée Saint-Joseph pendant neuf jours. «Créer au sein du festival un endroit protégé qui privilégie la rencontre entre artistes venant de disciplines et d’univers différents», c’est le but que s’est donné Karine Saporta. Actuellement, elle travaille sur une chorégraphie pour l’Opéra du Caire. Ce projet pourrait peut-être intéresser d’autres festivals au Moyen-Orient. «Walid Aouni, le directeur du Festival de danse contemporaine du Caire, avait invité ma compagnie à présenter Charmes, pièce créée en 2000 à Palerme et qui explore à travers l’histoire les grandes figures féminines de la culture méditerranéenne », raconte Karine Saporta. La pièce chorégraphique présentée au Caire en juin dernier remporte le prix de la critique. La chorégraphe française et sa compagnie se voient donc invitées pour une création pour le festival 2006. «Je voudrais collaborer avec la formation des musiciens de l’Opéra du Caire», souligne Karine Saporta. Pour ce projet qui devrait voir le jour en avril prochain, les dates du Festival du Caire seraient d’ailleurs exceptionnellement avancées. «Le thème que je voudrais explorer dans cette création, c’est le trait d’union. Avec tout un travail sur le bâton comme force qui relie», explique la chorégraphe.

AVIGNON, d’Aline GEMAYEL

Jean-Michel Bruyère et 17 jeunes de l’association LFK-La Fabriks investissent l’église des célestins avec une performance offrant à la fois du théâtre, de la musique, de la vidéo et des arts plastiques. Les «fioretti» de l’errance et de l’extermination qui composent L’insulte faite au paysage sont autant de portes ouvertes sur le...