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Actualités - REPORTAGE

CORRESPONDANCE « Le prince », de Mohammed Zran Un fleuriste fleur bleue

PARIS, de Mirèse AKAR Il y avait trois bonnes raisons pour que l’Ima prenne sous son aile Le prince, film tunisien de Mohammed Zran, et parraine sa sortie en salles en lui offrant la caution d’une avant-première. D’abord Yves Guéna, son nouveau président, avait indiqué lors d’une récente conférence de presse qu’il souhaitait donner une plus grande place au cinéma dans la programmation de l’institut, et le service concerné a aussitôt obtempéré. Ensuite, l’ancien ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon, faisait à l’occasion de cette soirée sa première sortie en public de nouveau président de TV5, la chaîne multilatérale francophone dont la grille accueille tous les genres et qu’il a notamment présentée comme « la plus grande salle de cinéma internationale », insistant sur sa politique de préachats et d’achats de droits, destinée à soutenir le 7e art. Enfin, le directeur des programmes de TV5 se trouve être Frédéric Mitterrand, qui fut le commissaire de l’Année de la Tunisie en France et a toujours nourri pour ce pays une véritable passion. Cynisme et gouaille Mohammed Zran a fait en sorte que l’essentiel de l’action du Prince se situe dans la principale artère de Tunis. Il y a forcément du passage et même un va-et-vient de tous les instants sur cette avenue Habib Bourguiba où un fleuriste occupe une position stratégique. L’un de ses employés, Adel, n’a pas manqué de repérer dans la foule, où se mêlent avec bonhomie toutes les classes sociales, une jeune femme qui, par son quant-à-soi et sa beauté, semble figurer l’exception. Elle ne tardera pas à hanter les pensées de ce doux rêveur dont le côté fleur bleue tranche sur le cynisme et la gouaille insolente de ceux qui l’entourent. Le hasard d’une livraison lui révèle qu’il s’agit d’une dénommée Dounia, qui dirige avec autorité une agence bancaire. De quoi la rendre encore plus inaccessible. Adel doit-il payer d’audace et lui déclarer sa flamme, ou faire preuve de réalisme et renoncer à cet amour chimérique ? Il est écartelé entre des conseils contradictoires et, pour soigner son vague à l’âme, entreprend de déposer quotidiennement – et anonymement – au bureau de sa dulcinée des bouquets valant leur pesant de dinars. La belle finit par découvrir ce qu’on peut bien appeler, au sens propre, le pot aux roses, et l’amoureux démasqué pourra enfin dîner avec elle à visage découvert. Truculence et alacrité Ainsi résumée, cette bluette peut paraître grêlée, mais Mohammed Zran a tricoté autour d’elle toutes sortes d’intrigues secondaires, bifurquant sans cesse vers l’une ou l’autre d’entre elles au gré des rencontres sur l’avenue qui en devient bien plus qu’un simple décor. Ne ressemble-t-elle pas à s’y méprendre à n’importe quelle voie publique de n’importe quel pays arabe ? Il y a ceux qui l’arpentent pour se rendre à leur travail, mais aussi de sympathiques badauds, d’autres qui paradent, se lancent des saluts familiers et tonitruants, se tapent dans le dos, s’apostrophent ou vident des querelles sans se soucier de discrétion. Et encore ces jolies filles délurées, toisant des paumés ou narguant des séducteurs, ce financier véreux qui aligne tous les synonymes du mot argent : fric, oseille, pognon, blé... ou, encore à l’opposé, cet idéaliste épris de poésie et dont la revue littéraire a fait faillite, le contraignant à s’exiler au Canada. Tout ce petit monde plein de truculence et d’alacrité parle haut et fort et, détail notable, se fait dans un inénarrable sabir où se mêlent l’arabe et le français, équivalent troublant de notre « franbanais » que nous prenions à tort pour une spécialité beyrouthine. De quoi repenser à ce titre de Jean Tardieu, Un mot pour un autre, et se demander : pourquoi tel mot plutôt que tel autre, en français dans le texte et dans le contexte ?

PARIS, de Mirèse AKAR

Il y avait trois bonnes raisons pour que l’Ima prenne sous son aile Le prince, film tunisien de Mohammed Zran, et parraine sa sortie en salles en lui offrant la caution d’une avant-première. D’abord Yves Guéna, son nouveau président, avait indiqué lors d’une récente conférence de presse qu’il souhaitait donner une plus grande place au cinéma dans la...