Par Serge TOUR Sarkissian
Député de Beyrouth
La Turquie représentait une véritable mosaïque de populations chrétiennes et musulmanes, comme le Liban, mais la seule différence entre ces deux pays est que le premier a exterminé les populations chrétiennes tandis que le second les a protégées.
Pendant la période de 1894 à 1896, 300 000 Arméniens ont péri et le génocide a été déclenché, dans l’indifférence des grandes puissances, ce qui encourageait le sultan rouge à poursuivre son action.
La perte des provinces balkaniques incitait la Turquie à se tourner vers ses origines : la doctrine du panturquisme était née. Elle considérait la race turque comme supérieure ; les autres devaient être soit expulsées, soit exterminées.
En avril 1909, Adana fut le siège d’un second massacre organisé : plus de 30 000 victimes furent la cible de cette nouvelle vague de tuerie. Paradoxalement, cet événement se déroulait à une période où le Comité union et progrès, reléguant le sultan à un rôle symbolique, développa des idées démocratiques reposant sur des principes de laïcité.
Les Jeunes turcs, dirigeants du Comité union et progrès, profitaient de ce que la Première Guerre mondiale fut déclarée pour en finir radicalement avec leurs ennemis de l’intérieur (les Arméniens et d’autres minorités chrétiennes) sans être gênés par d’éventuelles interventions diplomatiques extérieures.
En septembre 1914, le ministre de l’Intérieur Talaat demande aux autorités provinciales de garder sous surveillance les dirigeants politiques et communautaires arméniens. Lorsque la Turquie entre en guerre aux côtés de l’Allemagne, elle prend des mesures d’urgence qui privent la population arménienne de ses biens. Les réquisitions et les exactions atteignent leur paroxysme lorsque le 24 avril 1915, des intellectuels et notables arméniens sont arrêtés puis exécutés.
Dans un mémorandum en date du 26 mai 1915, le ministre de l’Intérieur demande au grand vizir la promulgation d’urgence d’une « Loi provisoire de déportation ». Elle entraîna des déportations massives des populations arméniennes. Près de 1 500 000 Arméniens furent anéantis.
En trois mois, « l’affaire » était pratiquement réglée. En 1915, dans l’Empire ottoman, les corps des Arméniens s’entassaient le long des routes, peuplaient les déserts et emplissaient les eaux de l’Euphrate.
La détermination à mener le génocide, manifestée par Talaat, ministre de l’Intérieur, Envers, ministre de la Guerre, et Djemal, ministre de la Marine, fut énoncée dans une déclaration célèbre du premier le 15 septembre 1915. Talaat déclarait sans hésiter : « Il a été précédemment communiqué que le gouvernement a décidé d’exterminer entièrement les Arméniens habitant en Turquie, sans égard pour les femmes, les enfants, les infirmes, quelque tragiques que puissent être les moyens d’extermination. Sans écouter les sentiments de la conscience, il faut mettre fin à leur existence. »
Cette déclaration tristement célèbre n’est pas restée sans écho puisque le 22 août 1929, Hitler déclarait : « Notre force doit résider dans notre rapidité et notre brutalité. J’ai donné l’ordre à des unités spéciales de SS de se rendre sur le front polonais et de tuer sans pitié hommes, femmes et enfants. Qui parle encore aujourd’hui de l’extermination des Arméniens ? »
Quant aux preuves, et elles sont accablantes, les gouvernements turcs successifs ont œuvré pour les détruire majoritairement mais sans succès. En revanche, les archives allemandes et américaines sont nombreuses et relatent, entre autres, les témoignages de plusieurs témoins oculaires comme le pasteur allemand Johannes Lepsius, l’ambassadeur des États-Unis Henri Morgenthau, le consul américain Leslie A. Davis, pour n’en mentionner qu’une infime minorité.
Au Liban, notre Parlement a adopté une recommandation en mai 2000 dont voici la teneur : « Le Parlement libanais, à l’occasion de la 85e commémoration des massacres perpétrés par les autorités ottomanes en 1915, dont un million cinq cent mille Arméniens ont été victimes, condamne l’extermination collective contre le peuple arménien, exprime son soutien absolu à la requête de ses citoyens d’origine arménienne portant sur la reconnaissance internationale de cette extermination comme clause essentielle pour l’interdiction de crimes identiques pouvant avoir lieu à l’avenir. »
Nous souhaitons l’adoption au Liban d’une loi concernant la condamnation du génocide arménien.
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