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Actualités - ANALYSE

Municipales - De nombreuses inconnues demeurent, mais les alliances se précisent À Jbeil, un pouvoir, des oppositions et beaucoup de changements depuis 1998

Jbeil, cité exemplaire, à la population politisée grâce notamment à l’action du Amid Raymond Eddé, est, comme la plupart des agglomérations libanaises, entrée désormais dans le tourbillon des élections municipales. Tiraillée entre divers courants, sur lesquels se greffent des considérations familiales et traditionnelles, la ville est en pleine ébullition, alors que dans les coulisses, les alliances se font et se défont et qu’une partie de la population se demande si l’expérience de 1998, qui avait vu l’élection remportée par les principaux courants avec une nette préférence pour le clan Cardahi, n’est finalement pas la meilleure. À Jbeil, comme dans les autres agglomérations, tous les contacts se faisaient dans les coulisses... Jusqu’à ce que la bombe Aoun-Eddé éclate. En annonçant leur accord, le général Michel Aoun et le Amid Carlos Eddé ont pris toutes les autres parties de court et ont donné un coup d’accélérateur aux négociations pour la formation de listes électorales. Tout comme ils ont poussé les différentes formations dans leurs derniers retranchements. Désormais, c’est par rapport à ce nouvel axe que les autres positions doivent se définir. Ce coup de théâtre est d’ailleurs intervenu après la rencontre des deux émissaires de Kornet Chehwane, MM. Farès Souhaid et Mansour el-Bone, avec le général Aoun à Paris, et alors que la formation opposante pensait pouvoir s’allier avec le général dans les municipales. Des sources bien informées révèlent à ce sujet qu’entre le général et ses interlocuteurs, les échanges étaient positifs, mais le premier a quand même émis certaines réserves, allant même jusqu’à fixer des lignes rouges qu’il ne peut franchir dans le cadre d’éventuelles alliances électorales. Sa politique à lui est en fait très claire : il s’agit de mener une bataille de principes, avec des listes ouvertement et clairement opposantes, sans aucune alliance possible avec des symboles des pouvoirs libanais et syrien. Il lui importerait en fait moins de gagner que de définir sa force et ses positions, en vue des élections législatives de 2005. Attaquer 2005 en force Selon les mêmes sources, Kornet Chehwane a une position plus nuancée. Pour ce Rassemblement, il s’agit d’occuper le maximum de sièges aux élections municipales, pour affirmer son existence politique et son assise populaire, face aux campagnes de discrédit dont il est l’objet. L’objectif, pour ce Rassemblement, est de remporter une victoire évidente qui lui permettra d’attaquer en force les élections de 2005, quitte pour cela à nouer quelques alliances avec des proches du ou des pouvoirs. Par contre, le général Aoun ne veut pas de la moindre concession, qu’elle soit dictée par des raisons politiques ou financières. Sans attendre que Kornet Chehwane se décide à adopter ses thèses, le général a donc conclu un accord avec le Amid du BN, M. Carlos Eddé, mettant toutes les autres parties au pied du mur. C’est donc la première coalition déclarée à Jbeil. La seconde n’a pas tardé à apparaître, officieusement, si ce n’est officiellement. Elle regroupe ceux qu’on appelle les ex-destouriens à leur tête Gino Kallab, proche du député Nazem Khoury, lui-même proche du commandant en chef de l’armée, le général Michel Sleimane, originaire de Amchit. Les ex-destouriens se sont alliés aux familles Chami-Hawat, ex-BN, ce qu’ils n’avaient pas fait en 1998, et comptent former une liste conjointe, considérée par une partie de l’opinion publique comme la liste du pouvoir. Même si, dans la réalité, la situation est un peu plus subtile et nuancée. D’autant qu’on ne peut pas parler du pouvoir comme une entité cohérente et unifiée. C’est en tout cas à cette liste que s’opposent le général Michel Aoun et le Amid Carlos Eddé. Un sans-faute, en 1998, pour le clan Cardahi Mais à Jbeil, il existe aussi d’autres forces, notamment le clan Cardahi, qui avait remporté les élections municipales de 1998, l’actuel ministre des Télécommunications ayant été élu président de la municipalité, avec un important écart de voix face à ses rivaux. En 1998, le clan Cardahi avait d’ailleurs mené un sans-faute, misant sur des jeunes instruits et nouant un large éventail d’alliances qui lui avait permis de remporter une grande victoire, avec dix élus (sur 15) au conseil municipal, dont le président, alors que les autres parties importantes se sont partagé les cinq sièges restants. Mais lorsqu’il a été nommé ministre des Télécommunications, Jean-Louis Cardahi avait démissionné, en demandant aux membres du conseil d’élire un successeur et ce fut M. Raphaël Sfeir, proche de M. Cardahi, qui a remporté l’élection. C’est dire qu’à Jbeil, il faut compter avec le clan Cardahi. D’autant que le portefeuille ministériel a encore renforcé la crédibilité de Jean-Louis Cardahi, augmentant son capital sympathie au sein de la population, grâce au dossier des téléphones cellulaires. Son cousin, Kamal, compte former sa propre liste. Mais face aux deux autres puissants courants, il n’est pas dit qu’il pourra remporter seul les élections. D’ailleurs, le ministre ne s’est pas encore prononcé sur la question, ses proches laissant entendre qu’il ne serait pas d’accord avec ce qui se passe. En tout cas, M. Raphaël Sfeir s’est rendu il y a quelques jours à Paris, pour y rencontrer le général Aoun. Initiative personnelle ou possibilité d’accord, rien n’a encore filtré. Même si les proches du général réitèrent son refus d’une alliance avec des symboles du pouvoir. Seulement, le clan Cardahi, et plus particulièrement le ministre Jean-Louis, en est-il un ? Une fois de plus, tout est dans les nuances et le ministre, de son côté, se cantonne dans le silence, refusant pour l’instant de déclarer son appui à une liste qui serait formée par des membres de son clan et n’ayant pas encore choisi de nouer des alliances avec des forces de l’opposition. Le silence des familles Un autre puissant groupe est composé de quelques grandes familles de Jbeil, notamment les Tawilé, les Sfeir, les Hajj, les Beyrouthi et les Bared. Ces familles-là, qui évoluent dans un climat général d’opposition, souhaiteraient en fait que les municipales apportent à leur ville une équipe jeune, cultivée et dévouée, tout autant que représentative. L’idéal, pour elles, serait que les grands courants de l’opposition s’unissent pour former une liste conjointe, en mesure de battre celle « du pouvoir ». C’est pourquoi ces familles guettent avec intérêt l’issue de la réunion de Kornet Chehwane qui doit se tenir aujourd’hui, au siège du PNL à Sodeco. Selon des sources bien informées, des représentants du courant aouniste devraient y assister, dans une volonté évidente de montrer que le climat positif qui s’est dégagé de la réunion Souhaid-el-Bone avec le général Aoun ne s’est pas dissipé et que le Rassemblement mènera, à Jbeil notamment, la bataille des municipales aux côtés de l’axe Aoun-Eddé. En fait, la réunion, initialement prévue pour mardi, a été reportée à aujourd’hui, dans l’attente du retour de M. Gebran Bassil de Paris, où il s’est entretenu avec le général. Il devrait ainsi communiquer aux personnes présentes les réponses de l’ancien Premier ministre à certaines questions, notamment s’il souhaite une alliance avec le clan Cardahi ou bien s’il considère celui-ci comme une émanation du pouvoir. Ce qui permettrait aux autres parties impliquées dans la bataille à Jbeil de mieux définir leurs positions. Dans cette ville, comme dans les autres agglomérations, les inconnues restent encore nombreuses. Mais, ce qui ressort jusqu’à présent, c’est que le général Aoun s’impose de plus en plus comme un pôle incontournable au sein de l’opposition, voire même son principal acteur. Scarlett HADDAD

Jbeil, cité exemplaire, à la population politisée grâce notamment à l’action du Amid Raymond Eddé, est, comme la plupart des agglomérations libanaises, entrée désormais dans le tourbillon des élections municipales. Tiraillée entre divers courants, sur lesquels se greffent des considérations familiales et traditionnelles, la ville est en pleine ébullition, alors que...