Et pourtant, le directeur de la chaîne, M. Mohammed Haïdar, avait reconnu le caractère condamnable de certains propos véhiculés par sa chaîne, et avait jugé...
Actualités - OPINION
Encore le cas al-Manar
Par Jihad C. NAMMOUR, le 25 janvier 2005 à 00h00
Ainsi donc al-Manar est banni en Occident. En quelques jours, cette chaîne libanaise proche du Hezbollah s’est vu interdire l’accès à l’espace audiovisuel européen et américain. Une cascade de condamnations officielles a renversé une décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) français qui l’autorisait à émettre en Europe. Cette autorisation était assortie d’une condition: al-Manar devait respecter un certain nombre de dispositions prévues par la convention qu’elle avait signée le 19 novembre avec le CSA. Cette convention semblait augurer une dynamique nouvelle, fort prometteuse, qui malheureusement a été étouffée dans l’œuf.
Et pourtant, le directeur de la chaîne, M. Mohammed Haïdar, avait reconnu le caractère condamnable de certains propos véhiculés par sa chaîne, et avait jugé regrettable la diffusion d’un feuilleton aux relents antisémites. Il engageait sa chaîne à ne pas inciter à la haine, à la violence ou à la discrimination pour des raisons de race, de sexe, de religion et de nationalité, et admettait qu’al-Manar devait apporter des modifications à ses programmes, notamment des changements au niveau du vocabulaire, de l’image et de la symbolique qu’elle manipule et qui touchent aux juifs.
Pour les spectateurs avertis de cette chaîne, cette admission n’avait rien d’une révélation. On pouvait suivre, il y a quelques mois encore, un jeu télévisé où la caricature du juif n’avait rien à envier à celles faites par les nazis, tous les ingrédients y étaient: les papillotes, les protocoles des sages de Sion, les accusations d’hypocrisie et de sauvagerie, la dénonciation du complot ourdi par cette communauté... On pourrait également citer la diffusion du feuilleton syrien, La Diaspora, qui dépeignait un complot sioniste visant à la domination du monde.
On ne peut que regretter que le Conseil national de l’audiovisuel (CNA) libanais n’ait rien trouvé à redire à ce genre d’émission et propos. Sous couverts de la non-reconnaissance d’Israël et du soutien de la cause palestinienne, les discours les plus irresponsables sur le plan politique, les plus inadmissibles du point de vue juridique, et les plus condamnables du point de vue éthique sont autorisés au Liban tant qu’ils vont dans le sens de la (con)damnation d’Israël. L’État libanais, sous tutelle syrienne, a oublié que la communauté israélite est l’une des dix-sept communautés historiques du Liban. Il lui dénie certaines protections que lui garantissent la constitution et la loi: les pires insultes peuvent être proférées à son encontre, et à l’encontre de ses coreligionnaires quelles que soient leur nationalité ou leur appartenance politique. Ils peuvent tous, à titre individuel ou collectif, être soupçonnés de collusion avec un ennemi accusé sans discernement de tous les torts.
À travers la signature d’une convention avec le CSA, al-Manar s’engageait à rendre son discours compatible avec les valeurs libérales et humanistes que le Liban est censé partager avec l’Europe. En reconnaissant ses errements passés et en s’engageant à ne pas les répéter, le plus militant des médias libanais marquait son adhésion de manière volontaire à une certaine déontologie, et promettait de réajuster son discours aux normes internationales. En somme, le CSA français s’apprêtait à jouer le rôle du CNA libanais défaillant. Mais les changements exigés par le CSA et acceptés par al-Manar ne pouvaient se produire du jour au lendemain. Le décalage entre les discours européen et libanais sur la question israélo-palestinienne est tel qu’il aurait fallu trouver d’autres mesures pénalisantes que l’interdiction d’émission et la résiliation de la convention au premier manquement à l’engagement.
En empêchant la chaîne proche du Hezbollah d’émettre en Europe, le CSA opte pour la politique de l’autruche. Il enferme ce discours qu’il estime très justement intenable et choquant dans un espace propice aux amalgames et à la surenchère verbale et à une rhétorique insensée où toutes les accusations et les licences sont permises, sans exigence de preuves, de cohérence ou même de vraisemblance à conditions qu’elles soient dirigées contre Israël. Au lieu d’appeler al-Manar à plus de responsabilité, de rationalité, de cohérence et de mesure, le CSA lui permettait de continuer de jeter de l’huile sur le feu, de nourrir un discours irresponsable.
Ce n’est pas en rejetant un discours par la grande porte qu’on l’empêche de revenir par de petites fenêtres.
Jihad C. NAMMOUR
Ainsi donc al-Manar est banni en Occident. En quelques jours, cette chaîne libanaise proche du Hezbollah s’est vu interdire l’accès à l’espace audiovisuel européen et américain. Une cascade de condamnations officielles a renversé une décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) français qui l’autorisait à émettre en Europe. Cette autorisation était assortie d’une condition: al-Manar devait respecter un certain nombre de dispositions prévues par la convention qu’elle avait signée le 19 novembre avec le CSA. Cette convention semblait augurer une dynamique nouvelle, fort prometteuse, qui malheureusement a été étouffée dans l’œuf.
Et pourtant, le directeur de la chaîne, M. Mohammed Haïdar, avait reconnu le caractère condamnable de certains propos véhiculés par sa chaîne, et avait jugé...
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