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Actualités - OPINION

Les bons comptes...

Plus que jamais, c’est le spectacle d’une paire en tout point extraordinaire – couple serait sans doute excessif – que donnent à voir les États-Unis et la Syrie : lesquels en effet, depuis des décennies, entretiennent des rapports marqués tout à la fois, comme chez certains amants terribles, par l’amour et la haine, l’attirance et la répulsion, la confiance et la plus voyante des suspicions. Rapports marqués surtout en réalité par le réalisme et le pragmatisme : par le fait qu’en dernière analyse, ils ont chacun besoin de l’autre, même s’il faut parfois hausser le ton ou casser un peu de vaisselle pour mieux se faire entendre. Orpheline de l’URSS, la Syrie n’a d’autre choix que de se placer sous une ombrelle américaine qui, parmi d’autres acquis, lui garantirait la sauvegarde de son propre statut régional. De leur côté et selon l’adage bien connu « pas de guerre sans l’Égypte, pas de paix en revanche sans la Syrie », les États-Unis attendaient de ce pays engagé, militant, radical et peu vulnérable aux surenchères arabes qu’il apporte son appréciable caution à l’ordre nouveau appelé à s’établir au Moyen-Orient dans le cadre de la pax americana. Les attentats terroristes de septembre 2001, la montée en puissance des néoconservateurs américains sont venus ajouter certes plus d’une note dramatique à ce vieux marchandage ; mais celui-ci n’est pas pour autant, pas encore, affaire classée. Entre autres objectifs souvent inavouables, la guerre d’Irak visait à acculer le régime baassiste de Damas à s’aligner sans conditions tout en se libéralisant, sous peine d’être balayé à son tour. Mais les déboires du Colosse yankee embourbé dans les opérations militaires comme dans les scandales moraux ont passablement émoussé son pouvoir d’intimidation et de persuasion, en sus de sa crédibilité. Voilà d’ailleurs pourquoi George W. Bush aura attendu cinq bons mois pour donner un début d’exécution au Syria Accountability Act en imposant à Damas un premier train de sanctions économiques plutôt mild et qui revêtent surtout, pour le moment, un caractère symbolique et psychologique. Voilà pourquoi ces sanctions, à peine décrétées, le même George Bush parle de les lever, pour peu que Damas se montre raisonnable. Voilà pourquoi aussi les Syriens, tantôt s’indignant et tantôt se gaussant des sanctions US, se disent désireux d’un dialogue objectif et constructif : cette dernière portion du message ayant été émise en direct par le président Bachar el-Assad à un groupe de journalistes américains qu’il recevait jeudi. C’est dire que le contact est maintenu, que le deal tant recherché reste sur le tapis, même si manœuvres, pressions, manipulations et autres moyens de subversion restent de mise dans les deux sens et sur tous les terrains d’action. C’est précisément là où notre pays, domaine syrien (et dont le nom est bien présent dans l’intitulé de cet élastique Accountability Act), devrait chercher à se prémunir contre les retombées éventuelles d’un bras de fer aussi chargé d’équivoques. Car le Hezbollah a beau jouer à fond l’intégration politique entre deux coups d’éclat sur les fermes de Chebaa – ses succès passés et à venir aux élections municipales en font foi –, sa neutralisation reste une exigence américaine prioritaire, pouvant donner lieu à une vaste opération israélienne sur notre territoire. De même pourraient être exhumés des dossiers embarrassants, tel celui des fonds irakiens qui, par malles entières convoyées parfois par des personnages politiques, auraient trouvé refuge au Liban à la veille de l’invasion. À l’inverse, le Liban attaché à retrouver pleinement le caractère cosmopolite, qui avant la guerre était le sien, pourrait représenter un bien tentant théâtre de pressions contraires pour les ennemis de l’Amérique et de l’Occident. Lointaine éventualité bien sûr ; éventualité que l’État est tenu de prendre en compte pourtant, à l’approche d’une saison estivale où nos hôtels, complexes touristiques, restaurants, pubs, discos et festivals de classe internationale s’apprêtent à accueillir des dizaines de milliers de touristes et vacanciers. Veiller sur tout cela ne peut être, à notre sens, affaire des seuls services de sécurité, aussi vigilants et performants puissent-ils être. C’est d’abord affaire de gouvernement responsable, crédible, jouissant de la considération internationale, un gouvernement dont les velléités de cohésion ne se limiteraient pas aux bêlantes proclamations de solidarité avec le tuteur syrien. Et dont les préoccupations, en cette période de turbulences, iraient tout de même plus loin que les échéances électorales et le calendrier des foires aux adjudications. Issa GORAIEB

Plus que jamais, c’est le spectacle d’une paire en tout point extraordinaire – couple serait sans doute excessif – que donnent à voir les États-Unis et la Syrie : lesquels en effet, depuis des décennies, entretiennent des rapports marqués tout à la fois, comme chez certains amants terribles, par l’amour et la haine, l’attirance et la répulsion, la confiance et la...