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Actualités - OPINION

La loi électorale, un test de navigation serré pour la Syrie

Est-ce la trêve des confiseurs ? Peut-être pas tout à fait. Car, cette année, personne n’a trop le cœur à la fête. Ni le marché, plutôt ankylosé comme le prouve le déficit sensible des décorations de rue, ni la politique, trop accaparée par l’échéance capitale, vertigineusement proche, des législatives. Mais l’on dénote quand même une sous-trêve, des charretiers et de leur langage cru. En effet, à l’appel des dirigeants comme du patriarche Sfeir, les échanges d’aménités entre politiciens se traitant de tous les noms d’oiseaux ont décru. Les aboiements et les diffamations des roquets, les accusations de trahison à l’adresse des opposants, les menaces à peine voilées se sont estompés. Autant que les hauts faits d’armes de sbires intervenant en force pour torpiller, comme au Nord, les meetings de démocrates antiprorogation. Et, heureusement, l’on n’a plus enregistré d’attentats comme celui perpétré contre Marwan Hamadé. Bref, c’est l’apaisement, à défaut d’une vraie détente. Car les uns et les autres campent sur leurs positions de base. Et la polémique se poursuit aussi intensément, bien que sur un mode plus civilisé. Ce qui n’est pas très difficile, car l’on avait vraiment atteint un pic dans les comportements primaires. Le pouvoir, juge et partie, épaulé par la Syrie, s’est fixé un but clair : décrocher 90 sièges à la Chambre. Pour faire passer haut la main (et haut les mains) les projets qui lui tiennent à cœur. En damant le pion à une opposition qui ne disposerait pas du tiers dit de blocage. Un objectif essentiel en termes de micropolitique. Car les trois ans de la prorogation sont à peine entamés que les prosyriens songent déjà à la prochaine présidentielle. Qui sera (ou serait, selon que la 1559 aura ou non modifié le système) du ressort de la prochaine législature. Entre-temps, avec une majorité parlementaire confortable, les tenants de la ligne nationale pourraient continuer à former des gouvernements monochromes. Sans se croire obligés de réaliser le précepte de Taëf commandant la mise en place d’un cabinet d’entente. Tout passe, évidemment, par la loi électorale, dont la valeur pratique réside essentiellement dans le découpage des circonscriptions. Le problème n’est pas facile pour les gens du pouvoir, car la grande circonscription, si commode pour les parachutages et qui a les faveurs de Berry comme de Karamé, semble disqualifiée d’avance. Pour d’innombrables raisons. Dont la principale est sans doute que, globalement, Damas paraît ne pas vouloir jouer, comme en début septembre, la carte du défi jusqu’au-boutiste face à l’Occident et à l’Onu. Lesquels ont déjà indiqué, notamment par le truchement du Quai d’Orsay, qu’ils n’admettraient pas une loi privant les Libanais de toute possibilité d’exprimer leur vraie volonté. Les Syriens ont donc assez clairement fait entendre qu’il faut, cette fois, ménager avant tout Bkerké. Et on sait ce que parler veut dire. Puisqu’il est connu que le patriarcat milite pour un scrutin assurant une authentique représentation de proximité, loin des bus et autres bulldozers. Sur cette ligne de rapprochement, c’est le régime qui s’inscrit en tête. Ce qui est du reste logique car le chef de l’État, qui ira congratuler le patriarche samedi, n’a jamais coupé les ponts avec le prélat. De même, d’ailleurs, pour Sleimane Frangié, le ministre de l’Intérieur, qui ne cesse de répéter qu’il faut réparer les torts de discrimination flagrante causés aux chrétiens, notamment à Bécharré, à Beyrouth et à Jezzine. Il faut dire aussi qu’en se rabattant sur une formule réduite, on porterait un coup sévère au système des grands blocs parlementaires. Ce qui signifie, pour les Syriens comme pour les loyalistes locaux, que deux de ces trois grandes formations, celles de Rafic Hariri et de Walid Joumblatt, maintenant étiquetées hostiles, seraient rembarrées. Le prix à payer étant évidemment qu’il en irait de même pour le rêve impérial de Berry. Certes ce calcul peut se révéler tout aussi faux, côté résultats, que le découpage en trois, en l’an 2000, de Beyrouth. Dans le but de contrer Hariri, qui n’en avait pas moins remporté un triomphe total en se payant le luxe de battre à plate couture le Premier ministre en place, Sélim Hoss. Mais par le jeu des pressions larvées comme des alliances que la puissance étatique facilite, aussi bien d’ailleurs que par le zèle de services publics tout acquis à la cause des 20 ministres-candidats, le pouvoir et les tuteurs espèrent empêcher l’opposition d’obtenir plus de 35 sièges. Sans braquer l’Occident, car il n’y aurait pas eu d’abus flagrants. C’est dans cet esprit que se comprennent les doux yeux que les responsables font depuis quelque temps à Michel Aoun, réputé pour disposer d’une assez solide assiette populaire. Mais le général répond qu’il ne se laissera duper par personne. Il est probable que les FL, que l’on approche également en leur faisant risette, en utilisant par des sous-entendus de relaxe le cas de Geagea, ne voudront pas non plus briser l’unité des rangs opposants, cimentés autour de l’axe Kornet Chehwane-Joumblatt. Il faut dire que le pouvoir s’appuie, dans ses visées, sur d’innombrables expériences malheureuses antérieures, dont les dernières municipales, montrant qu’il n’y a pas plus diviseur efficace que les ambitions électorales. C’est bien pourquoi Omar Karamé se dit intimement convaincu que les résultats des prochaines législatives vont constituer un plébiscite anti-1559 et montrer que la majorité des Libanais se tient aux côtés des loyalistes, face aux opposants. Qui lui répondent qu’il est vain, en tout cas, de vouloir rejeter la légalité internationale, en rappelant que Terjé Roed-Larsen va débarquer bientôt et qu’il ne faudra pas lui en conter. Les opposants soulignent également que si jamais le pouvoir parvient à décrocher la timbale, côté élections, ce serait par des expédients peu avouables. Dont la loi électorale en gestation, mais aussi la présence d’un gouvernement manifestement partial, dont ils réclament le départ. L’épreuve, répétons-le, est aussi importante, sinon plus, pour la Syrie. Richard Armitage, le numéro deux partant du département d’État, a ainsi martelé récemment que s’il doit y avoir confrontation au sujet de la 1559, ce serait entre la Syrie et la communauté internationale. Soulignant que la résolution, ainsi que la déclaration onusienne qui l’a suivie, traduit la volonté expresse de l’ensemble du Conseil de sécurité. Et indiquant que la Syrie ne doit pas tenter de faire croire qu’elle n’a en face d’elle que les USA. Tandis que Bush lui-même traitait la Syrie de « pays très faible », Armitage adressait à Damas ce coup de semonce péremptoire : « Nous exigeons que le Liban soit laissé aux Libanais, qui doivent eux-mêmes tracer leur avenir, sans influence étrangère. » Sur le plan concret, la Syrie sait donc que les législatives libanaises constitueront un test pour sa bonne volonté aux yeux des Grands. Il faudra qu’elle montre qu’elle est prête à donner corps à la 1559. En prouvant qu’elle ne cherche plus à faire la pluie et le beau temps sur la scène politique libanaise. Et en retirant ses troupes. De son côté un pilier de l’opposition souligne que les revendications d’indépendance et de conformité aux lois internationales, comme le déploiement de l’armée au Sud, sont très antérieures à la 1559. L’opposition ne se sert donc pas de cette résolution pour initier une politique qu’elle a toujours suivie. Et le pouvoir devrait y réfléchir à deux fois avant de défier la communauté internationale en considérant les législatives prochaines, comme l’affirme Karamé, comme une riposte à la 1559. D’autant plus, répète ce pôle, que l’équipe en place est manifestement partiale. Qu’il faut donc la remplacer, si l’on veut montrer patte blanche, côté régularité, liberté et probité du scrutin. Philippe ABI-AKL
Est-ce la trêve des confiseurs ? Peut-être pas tout à fait. Car, cette année, personne n’a trop le cœur à la fête. Ni le marché, plutôt ankylosé comme le prouve le déficit sensible des décorations de rue, ni la politique, trop accaparée par l’échéance capitale, vertigineusement proche, des législatives. Mais l’on dénote quand même une sous-trêve, des...