Rechercher
Rechercher

Actualités

Tribune Un gouvernement neutre pour des élections libres

Par Samir FRANGIÉ Les élections législatives, qui doivent se dérouler en avril prochain, sont, de l’avis général, capitales pour l’avenir du pays. La question à laquelle les électeurs vont devoir répondre est la suivante : faut-il perpétuer la situation existante en maintenant la tutelle syrienne sur le pays ? Ou bien est-il temps pour les Libanais de reprendre leur pays en main et de le sortir de la crise dans laquelle il se débat depuis plus d’un quart de siècle ? C’est évidemment aux électeurs, et à eux seuls, que revient le droit de déterminer l’avenir de leur pays. Encore faut-il leur donner la possibilité de le faire. Cette possibilité existe-t-elle réellement ? Le gouvernement actuel peut-il assurer des élections libres et démocratiques au printemps prochain ? A-t-il réellement la volonté de promulguer une loi électorale qui permette aux citoyens de choisir librement leur représentants ? Peut-il mettre un terme à l’ingérence des services de renseignements libanais et syriens dans les affaires politiques et les empêcher de contrôler le déroulement du scrutin électoral à tous les niveaux ? Peut-il faire cesser les pressions exercées sur les moyens d’information et arrêter les menaces contre les opposants ? Depuis sa formation, le gouvernement n’a donné aucune indication positive. Il a, au contraire, multiplié les erreurs et les provocations. Les exemples ne manquent malheureusement pas. La « manifestation du million » parrainée par le pouvoir, la volonté du Premier ministre de faire des prochaines élections un « référendum » sur la résolution 1559, le refus obstiné d’observateurs étrangers pour contrôler les élections, la campagne d’insultes gouvernementale contre les « singes » et les « serpents » de l’opposition, les accusations de haute trahison formulées par le ministre de la Justice à l’encontre de l’opposition, les nominations clientélistes au sein de l’administration, l’âpre et difficile marchandage entre les tenants du pouvoir concernant le découpage électoral, les agressions dont ont été l’objet ces derniers jours quatre députés du Liban-Nord... Jamais un gouvernement n’a accumulé autant d’erreurs et de faux pas en un laps de temps aussi court. Comment avec pareil gouvernement assurer des élections libres et démocratiques ? L’opposition, réunie à l’hôtel Bristol le 13 décembre, a réclamé la formation d’un gouvernement formé de personnalités dont l’honnêteté et la probité sont unanimement reconnues et dont la tâche serait d’assurer le bon déroulement du scrutin en empêchant toute forme de fraude. L’idée n’est pas nouvelle. Les élections de 1951, de 1960 et de 1964 ont été supervisées par des gouvernements dont le seul objectif était d’assurer la neutralité du pouvoir après les expériences malheureuses de 1947 et 1957. Celui de 1951 qui est resté en charge pendant 113 jours était formé de trois membres, Hussein Oueyni, Édouard Noun et Boulos Fayad. Le gouvernement de 1960, dirigé par Ahmed Daouk, n’avait duré que 87 jours. Parmi ses membres, des noms prestigieux comme ceux de Georges Naccache, Edmond Gaspard, Amine Beyhum, Philippe Takla... Celui de 1964, présidé par Hussein Oueyni, était resté en charge pendant 218 jours et comptait parmi ses membres Charles Hélou, Fouad Ammoun, Reda Wahid, Fouad Najjar, Mohammed Knio ainsi que Georges Naccache, Amine Beyhum et Philippe Takla. Pourquoi le pouvoir qui affirme représenter l’écrasante majorité des Libanais réagit-il aussi nerveusement à l’idée d’élections gérées par un gouvernement dont les membres ne seraient pas eux-mêmes candidats et contrôlées par des observateurs étrangers ? Les quelques arguments qu’il a jusque-là avancés ne tiennent pas la route : où trouver, dit-il, des personnalités dont l’honnêteté et la probité sont unanimement reconnues ? La présence d’observateurs étrangers ne porte-t-elle pas atteinte à la souveraineté nationale ? Pourquoi ne pas donner sa chance au nouveau gouvernement ? Mais comment espérer, avec un gouvernement dont la majorité des membres a été nommée par les services syriens de renseignements, avoir des élections libres et démocratiques ? L’expérience syrienne dans ce domaine est-elle concluante ? Peut-elle servir de modèle ? La formation d’un gouvernement dont les membres ne sont pas candidats aux prochaines élections est nécessaire pour avoir une loi électorale qui ne soit pas taillée sur mesure, comme toutes celles qui ont été faites depuis 1992. Elle est également nécessaire pour remplacer les membres du Conseil constitutionnel dont le mandat est venu à expiration depuis de longs mois, pour mettre en application la décision du Conseil d’État concernant le décret de naturalisation et retirer la nationalité libanaise à ceux qui l’ont acquise sans en avoir le droit ou d’une manière frauduleuse, pour empêcher les différents services de police de poursuivre leur politique d’intimidation contre tous ceux qui refusent d’entériner les choix du gouvernement, pour permettre à la société civile d’exercer son rôle dans la surveillance des élections, etc. Les fins de règne sont toujours difficiles. Notre problème est de savoir comment assurer une transition pacifique entre une page de notre histoire qui se termine piteusement et une autre qu’il nous reste à écrire.
Par Samir FRANGIÉ
Les élections législatives, qui doivent se dérouler en avril prochain, sont, de l’avis général, capitales pour l’avenir du pays. La question à laquelle les électeurs vont devoir répondre est la suivante : faut-il perpétuer la situation existante en maintenant la tutelle syrienne sur le pays ? Ou bien est-il temps pour les Libanais de reprendre leur pays...