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Alors que l’affaire al-Manar se politise de plus en plus Le Conseil d’État français expose en détail les griefs reprochés à la chaîne du Hezbollah

Paris, d’Élie MASBOUNGI Dans un climat tendu marqué par la tournure de plus en plus politique prise par l’affaire al-Manar, le Conseil d’État a clos samedi sa procédure de débat contradictoire concernant le dossier de la chaîne satellitaire du Hezbollah dont le CSA demande l’arrêt de la diffusion en France par Eutelsat. Le CSA se base dans sa décision sur les manquements à l’éthique professionnelle et d’autres violations de la convention signée avec l’organisme supérieur de régulation et de contrôle de l’audiovisuel en France. Selon le président Bruno Genevois qui présidait la séance, l’arrêt sera rendu demain (aujourd’hui, lundi) en fin d’après-midi et la tendance est plutôt à la suspension d’al-Manar, si l’on en juge par les interventions des représentants des parties en présence, c’est-à-dire le directeur général du CSA, les avocats d’al-Manar (Mes Garraud et Nassib Chédid), accompagnés du n° 2 de la chaîne, M. Nasser Akhdar, l’avocat d’Eutelsat et un représentant du cabinet du Premier ministre qui avait enfoncé le clou depuis quelques jours, estimant que les émissions d’al-Manar sont incompatibles avec les traditions et les valeurs de la République. Au cours de l’audience, qui a duré deux heures, le président Genevois a entendu les diverses parties en présence, rappelant d’abord les antécédents de l’affaire, c’est-à-dire la plainte déposée il y a quelques mois par le CRIJF (Conseil représentatif des institutions juives de France) et une première saisine du Conseil d’État suite à l’impuissance du CSA de contraindre Eutelsat à suspendre le signal de la chaîne libanaise qui n’était pas conventionnée auprès de lui. En novembre dernier, le CSA avait approuvé un dossier de conventionnement présenté par le CSA, et ce pour une durée d’un an au lieu des cinq ans accordés habituellement. Quelques jours après la signature de cet accord, nouveau tollé dans les milieux des associations juives de Paris et nouvelle demande de suspension d’al-Manar pour incitation à la haine raciale et à la violence. Une perception différente Sur la forme, aucune des parties en présence n’a protesté sur la matérialité des faits reprochés à la chaîne, mais lorsque le président a énuméré les griefs et cité des émissions incriminées (un programme intitulé « Flambeau sur la route de Jérusalem », une série intitulée « Le Prince du paradis » et un certain nombre de clips promotionnels contenant, selon le CSA, des images choquantes), les avocats d’al-Manar ont argué du fait que la perception des émissions par le public européen était différente de l’évaluation et de l’appréciation des dirigeants de la chaîne laquelle, après avoir obtenu son conventionnement, avait modifié sa ligne politique et rectifié ses programmes dans ce sens. Le président ayant estimé que s’il y avait eu changement, c’est qu’il y a eu reconnaissance des infractions, Me Garraud a repris la parole pour réaffirmer l’existence de décalages entre les vues des dirigeants de la chaîne et ses détracteurs et plaignants français. Le président devait lire des extraits traduits et des explications relatives à des programmes et jeux, tels que la couverture par al-Manar de l’attentat de Beersheva, des jeux télévisés et des commentaires, «même dans le journal télévisé en langue française», a-t-il dit, auxquels il est reproché un caractère antisémite ainsi qu’une incitation à la violence et à la haine raciale. L’audience de la chaîne Le débat devait s’engager par la suite sur l’estimation de l’audience d’al-Manar en France et une représentante du CSA a lancé des chiffres (trois millions d’auditeurs) que l’avocat d’al-Manar s’est empressé de minimiser, les réduisant à quelque dix mille adultes. Débat également sur les conditions techniques dans lesquelles on peut capter la chaîne libanaise et les liens contractuels entre Eutelsat et Arabsat, diffuseur satellitaire dont le siège est à Ryad et qui fournit au satellite français un bouquet de neuf chaînes qu’il est impossible de dissocier. Et l’avocat d’Eutelsat d’affirmer qu’en cas de demande de suspension du signal d’al-Manar, son client s’exécuterait, mais serait dans l’obligation d’interrompre les signaux des huit autres chaînes qu’il reçoit. Avec toutes les conséquences matérielles et morales que cela impliquerait du fait des réactions négatives des chaînes qui seraient privées de signal conséquemment à une éventuelle condamnation d’al-Manar. Avant de déclarer la procédure contradictoire close, le président Genevois a affirmé qu’il rendrait son arrêt lundi. Sur le plan politique, l’affaire al-Manar mobilise de plus en plus de personnalités et d’associations arabes et françaises qui soulignent la gravité du précédent que représenterait une condamnation de la chaîne libanaise. Des journalistes français qui suivent cette affaire pensent que les associations juives ne s’arrêteront pas à ce stade, mais continueront de poursuivre en justice d’autres médias audiovisuels et des magazines qui diffuseraient ou publieraient des éléments jugés antisémites ou à caractère incitatif à la haine raciale. D’ores et déjà, la chaîne iranienne arabophone al-Aalam, serait dans la ligne de mire du CRIJF et de l’Association des étudiants juifs de France. Enfin, le CSA et les milieux officiels français refusent de commenter les mesures de rétorsion contre les médias français brandies par des responsables libanais tout en se montrant conscients des possibilités de concrétisation de ces mesures. Dans une telle éventualité, des médias français tels que RFI (RMC-MO compris), TV5 et des chaînes publiques et privées françaises captées au Liban pourraient en pâtir, estiment des confrères français présents hier dans la salle de l’ancien palais royal où siège le Conseil d’État de la République.
Paris, d’Élie MASBOUNGI
Dans un climat tendu marqué par la tournure de plus en plus politique prise par l’affaire al-Manar, le Conseil d’État a clos samedi sa procédure de débat contradictoire concernant le dossier de la chaîne satellitaire du Hezbollah dont le CSA demande l’arrêt de la diffusion en France par Eutelsat. Le CSA se base dans sa décision sur les...