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Actualités - ANALYSE

ÉCLaIRAGE Le Hezb se démarque d’avance du « million », baroud d’honneur d’un État en fin de règne

Le baroud d’honneur ? Le vœu semble légèrement pieux ; l’espoir peut-être un peu trop hâtif. Il n’en reste pas moins que la question se pose désormais, presque naturellement, à l’heure où les marionnettistes syriens et leurs pupilles libanais se retrouvent réduits à téléguider jusque dans la rue plusieurs centaines de milliers de personnes, toutes nationalités confondues et grâce à moult menus dollars ou autres douces menaces, en un simulacre de légitimité, de crédibilité, d’assurance, d’une force qui n’a décidément plus rien de tranquille. L’un peu prétentieux « million » promis par Beyrouth (et Sleimane Frangié) comme gage de bonne volonté au tuteur syrien dès le soir même de la manifestation indépendantiste d’une opposition plurielle en pleine santé, ce « million »-là censé s’étaler aujourd’hui aux quatre coins du pays ressemble certes à s’y méprendre à l’un des lapins préférés que des Fidel Castro ou autres Kim Jong-il aiment à exhiber, régulièrement, de leur chapeau de maîtres ès totalitarisme. Sans compter que ce nombre, même évoqué, même chuchoté, même (pour l’instant) virtuel, est un outrage flagrant à la Charte libanaise : parce que, brandi comme une menace, bandé comme un muscle de boxeur champion du monde, il devient purement anticonsensuel. Anticonstitutionnel donc. Sauf qu’à l’ombre du mandat Lahoud prorogé contre l’avis quasi général, ici comme ailleurs ; sauf qu’à la lumière de la détermination spontanée et volontaire d’une opposition dont l’ukrainisation ne devrait pas se faire attendre ; sauf qu’à l’aune de l’attachement onusien et international au « dé-téléguidage » et à la « dé-satellisation » des Libanais ; sauf qu’au vu de la confusion totale dans l’annonce des slogans et autres fils rouges censés résumer le rassemblement d’aujourd’hui, ce « million » sonne bien plus comme une avant-dernière et compulsive manifestation d’un État, d’un système et d’une tutelle en fin de règne, blafards, dorénavant contraints à gigoter, avec tout ce que cela comporte d’ostentatoire et de préfabriqué. Mais au-delà de toutes ces considérations, ce « million » pourrait, contre toute attente et très singulièrement, devenir une occasion en or pour le Hezbollah, terrorisé à l’idée de servir de monnaie d’échange d’un quelconque bazar syro-US, de se distinguer encore plus des autres marionnettes au service de Damas. Aux yeux des Libanais surtout, mais aussi par rapport à la Syrie elle-même, auprès de laquelle il est toujours logé, blanchi, nourri. Ainsi, parce que, au moment où un Nasser Kandil claironne, à l’adresse notamment de l’opposition plurielle, que le 30 novembre sera désormais la journée de la fidélité à la Syrie, la formation de Hassan Nasrallah, considérée par les promoteurs du « million » comme le véritable moteur et le pivot essentiel, quantitatif bien sûr mais aussi qualitatif, du téléguidage d’aujourd’hui, a dépêché hier à Bkerké une délégation de haut rang chargée de rassurer le patriarche, l’opposition et l’opinion publique sur ses véritables intentions. Ainsi, et contrairement à presque tous les autres manifestants, le Hezb insiste, « unité nationale » et « coexistence » répétés plusieurs fois, sur le fait que c’est contre le dehors, contre les « ingérences » de la communauté internationale, qu’il se mobilisera ; que cette mobilisation devrait être partagée par tous les Libanais. Et que s’il se mobilise, c’est pour « fédérer » ; que ce ne sera pas en réaction à certains de ses compatriotes, ni au mouvement souverainiste du dedans, mû par la nécessité de mettre fin à la tutelle syrienne. Principale cible de la résolution 1559 de l’Onu, le Hezbollah privilégiera aujourd’hui la charité bien ordonnée qui commence par soi-même, même si Mohammed Raad a jugé bon, de Bkerké, de souligner que la Syrie « a besoin de l’unité des Libanais » ; il cherchera aujourd’hui, bien plus qu’à défendre les ingérences syriennes qui heurtent de plein fouet la sensibilité de la très grande (même si encore silencieuse) majorité des Libanais, à s’opposer aux ingérences occidentales. Il fait ce qu’il a à faire, en prévision de son propre futur, de son propre devenir, surtout que les responsables du parti, qui ont bien entendu les dernières déclarations de Bachar el-Assad ou Farouk el-Chareh, doivent bien se douter qu’au rythme où vont les choses, la 1559 a de fortes chances d’être appliquée. En fuyant les extrémismes et les crispations, en martelant de Bkerké son attachement à la coexistence et l’acceptation de l’autre et en prenant la peine de rassurer, ne serait-ce que dans la forme, le patriarcat maronite, en se démarquant des autres, le Hezbollah a fait une belle opération marketing. Qu’il devra bien évidemment confirmer aujourd’hui, en rejetant toute forme de provocation. Mais pour éviter que tous ces efforts ne demeurent définitivement stériles, il ne reste plus au Hezbollah qu’à rendre les armes, de son propre chef, et à se consacrer à la seule action et résistance politiques, certes déjà entamées. Utopique conversion peut-être, mais désormais inéluctable. Et pas si compliquée que cela ne le paraît : le Sinn Féin l’a fait. Ziyad MAKHOUL
Le baroud d’honneur ?
Le vœu semble légèrement pieux ; l’espoir peut-être un peu trop hâtif. Il n’en reste pas moins que la question se pose désormais, presque naturellement, à l’heure où les marionnettistes syriens et leurs pupilles libanais se retrouvent réduits à téléguider jusque dans la rue plusieurs centaines de milliers de personnes, toutes nationalités...