OPÉRA La pièce «Angels in America», de l’Américain Tony Kushner, devient un opéra (Photo)

Angels in America, de l’Américain Tony Kushner, pièce-miroir de certaines névroses de la société américaine contemporaine dans les années quatre-vingt, est devenue un opéra avec le compositeur hongrois Peter Eotvos, qui en dirigera la création mondiale à Paris au Châtelet, du 23 au 28 novembre 2004. Trois chanteuses lyriques américaines aux personnalités bien affirmées – les sopranos noires Barbara Hendricks et Roberta Alexander, la soprano-comédienne Julia Migenes –, ainsi que le contre-ténor noir américain Derek Lee Ragin, spécialiste du répertoire baroque, figurent en tête de distribution. Celle-ci compte au total huit solistes vocaux dans différentes tessitures, jouant plusieurs rôles, et trois vocalistes. Le jeune metteur en scène français Philippe Calvario signe la production dans un décor du Français Richard Peduzzi. Angels in America, qui sera chanté en anglais, est le troisième opéra de Peter Eotvos après Trois sœurs, qui était en langue russe d’après Tchékhov (1998), et Le balcon sur un livret français d’après Genet (2002). Le compositeur prépare pour le Festival de Glyndebourne 2008 un opéra au livret inspiré par l’écrivain colombien Gabriel Garcia Marquez, Sur l’amour et autres démons. «Une action typique, mais aussi une langue propre sont essentielles pour moi, explique-t-il, car cela sous-tend un style musical spécifique». Ce qui a intéréssé le compositeur dans la pièce américaine, c’est le fait qu’«hallucination et réalité, dit-il, sont constamment imbriquées». Le protagoniste principal, Prior Walter (interprété par le baryton américain Daniel Belcher), contracte le virus du sida. À 40 ans, il sait qu’il doit mourir et imagine, pour vivre plus longtemps, un ange (Barbara Hendricks) sauvant le monde. Propulsé au ciel par sa vision, il s’oppose à l’ange et revient sur terre. Différents styles musicaux et vocaux «Autour des thèmes majeurs de la vie et de la mort, le sida crée une situation profondément dramatique, miroir de la société américaine», constate Peter Eotvos. La partition fait appel à différents styles musicaux et vocaux avec introduction de bruitages. Les chanteurs et les seize instrumentistes sont amplifiés, à l’aide de haut-parleurs disséminés dans la salle. Le metteur en scène Philippe Calvario a pour sa part abordé l’ouvrage avec le souci de «mettre en évidence, explique-t-il, la cohabitation entre divers univers qui y coexistent: celui des personnes du quotidien, celui des demi-dieux que sont les anges et “celui entre-deux” des infirmières des religieux». Philippe Calvario rappelle que la pièce de Tony Kushner est ancrée dans la période où le sida a connu les plus grandes hécatombes outre-Atlantique. «Cependant, selon lui, le personnage de Prior Walter, qui parvient à vivre avec sa maladie, incarne peut-être un temps nouveau. C’est cette coexistence des époques que j’ai voulu mettre en scène dans Angels in America».