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Le fondamentalisme s’est accru à la fin du XXe siècle et au début du XXIe Le dialogue islamo-chrétien de plus en plus nécessaire et urgent, constate Boutros Labaki

Le dialogue islamo-chrétien a fait, des années durant, couler beaucoup d’encre, mais ce n’est qu’après les attentats du 11 septembre 2001 que ce dossier a pris une dimension autre et s’est imposé, non plus comme un outil d’échanges entre intellectuels, mais comme un moyen fondamental pour comprendre les causes du terrorisme, qui secoue le monde aujourd’hui. Depuis le 11 septembre, ce thème est abordé sous un angle politique, stratégique, économique et social. Boutros Labaki s’y est penché, dans un article qui a été publié dans le bulletin interne du centre Lebret à Paris. Il remonte à la source du dialogue islamo-chrétien, dont il retrace les principales étapes historiques et évoque, entre autres, les doctrines de l’Église à ce sujet, au cours des deux siècles derniers. Nous reproduisons ci-après de larges extraits du texte. « Le 11 septembre 2001 a réveillé la question du pourquoi. Pourquoi ces attentats ? Pourquoi des “fondamentalistes islamiques”? Pourquoi les auteurs et instigateurs présumés viennent-ils de pays arabes et musulmans ? Quelles liaisons y a-t-il entre le “terrorisme” et la situation des mondes arabe et islamique ? De quoi seraient accusés les États-Unis, en particulier, et les pays occidentaux (ou industrialisés), en général ? Quelles affinités y a t-il entre les “hérauts” de la “croisade” antiterroriste, et la mouvance idéologique des théoriciens du “choc des civilisations”? Ou de la “fin de l’histoire”? Comment en est-on arrivé là ? Y aurait-il des relations entre “le terrorisme islamiste” et le fait que les musulmans constituent une part importante de la population du “Sud”, des “pauvres”de la planète, et que leurs pays aient été colonisés, pillés et soumis à diverses formes de domination des pays industrialisés ? » s’interroge l’auteur. «Des penseurs et des hommes d’action chrétiens et leurs Églises ont pensé, écrit, pris position et agi à ces sujets depuis près d’un demi-siècle. Cela pour nous cantonner dans la période contemporaine. Ils ont suscité et développé un dialogue avec des musulmans à divers niveaux et dans divers pays. D’autres ont réfléchi, écrit et agi en faveur et avec des populations et institutions du “Sud” de la planète », écrit-il, avant de rappeler les efforts menés au niveau des relations islamo-chrétiennes, des relations Nord-Sud et de leurs imbrications. En retraçant l’ historique du dialogue islamo-chrétien contemporain, M. Labaki s’arrête, après une introduction générale, sur le début de ce dialogue au Liban, avant et après le concile Vatican II, ainsi que sur l’évolution de ce dialogue à la fin du siècle dernier et les difficultés auxquelles il est confronté. « Depuis l’émergence de l’islam, souligne-t-il, les échanges intellectuels entre les penseurs chrétiens et musulmans n’ont presque jamais cessé. Ils ont été particulièrement denses au Moyen Âge, entre les penseurs chrétiens orientaux dans les empires omeyyades et abbassides et leurs confrères musulmans, ainsi qu’avec les califes. Ces échanges avaient un ton parfois polémique, apologétique, ou explicatif. De nombreux écrits, qui sont en train d’être recensés et publiés depuis un certain temps dans l’Orient arabe et en Europe, les ont ponctués. Ils s’adressent surtout aux cercles académiques et théologiques des deux grandes religions. » « Dès le milieu du XIXe siècle, des penseurs arabes chrétiens, comme Boutros al-Boustani et Ibrahim al-Yazigi, ont essayé de promouvoir des relations islamo-chrétiennes dans l’Orient arabe, basées sur la culture arabe commune des chrétiens et des musulmans, et le destin commun des Arabes d’Orient, quelles que soient leurs appartenances religieuses. Ils se sont efforcés de développer l’idée de patries communes, et de modernisation de la société et de la culture », poursuit l’ancien vice-président du CDR. Concernant les débuts du dialogue islamo-chrétien contemporain au Liban avant et dans la mouvance du concile Vatican II, il affirme ce qui suit : « Dès le milieu du XXe siècle, plusieurs penseurs libanais, en particulier, et de l’Orient arabe, ont consacré de laborieux et éclairants écrits sur les relations islamo-chrétiennes: Michel Hayek, Youakim Moubarak, Samir Khalyl, Georges Khodr, Moussa Sadr, Soubhi el-Saleh, Mohammed Mehdi Chamseddine, Mohammed Sammak, Saoud el-Mawla et tant d’autres. » « Le Cénacle Libanais à Beyrouth était un des forums les plus actifs dans ce domaine, animé par le regretté Michel Asmar. Les Églises catholiques, orthodoxes et évangéliques dans l’Orient arabe y contribuèrent abondamment », poursuit M. Labaki. Concernant le concile Vatican II et le Conseil œcuménique des Églises, l’auteur de l’article explique qu’« entre 1957 et 1965, le concile Vatican II a largement contribué à ouvrir et à développer les voies du dialogue islamo-chrétien au niveau intellectuel par la parution de textes fondamentaux à ce sujet, d’une part, et par la création d’institutions au siège de l’Église catholique romaine, essentiellement consacrées à ce dialogue, d’autre part ». Il ajoute que « le Conseil œcuménique des Églises et le Conseil des Églises du Moyen-Orient ont agi aussi dans le même sens à Genève, Beyrouth et dans l’Orient arabe et méditerranéen. Des foyers et institutions de dialogue ont vu ainsi le jour, dans le Maghreb et dans le Machrek arabes, à Genève, à Rome et ailleurs ». Pour ce qui est de l’évolution du dialogue islamo-chrétien depuis le dernier tiers du XXe siècle, M. Labaki fait remarquer qu’« à partir du milieu des années 60, des institutions permanentes pour le dialogue islamo-chrétien se sont activées à partir de Rome et de Genève, de même que des centres de réflexion et de recherche, sans compter que des revues et de nombreux écrits y ont été consacrés ». « Les rencontres internationales, régionales et nationales se sont multipliées », a-t-il ajouté, rappelant que les papes Paul VI et Jean-Paul II ont entrepris de nombreuses visites dans des pays arabes et musulmans, de même que les patriarches œcuméniques Athénagoras et Dimitrios et les chefs de nombreuses Églises évangéliques et orthodoxes orientales. M. Labaki a en outre rappelé les rencontres internationales organisées dans le cadre du dialogue islamo-chrétien, notamment celles de la communauté Saint-Egidio, de l’Université al-Azhar du Caire, le Conseil des Églises du Moyen-Orient et le Groupe de recherche islamo-chrétien dans le Maghreb et le Machrek, et en Europe. Au Liban, un Comité permanent pour le dialogue islamo-chrétien s’active depuis le début des années 90. Il est formé de représentants officiels des diverses Églises chrétiennes et communautés musulmanes libanaises. À l’initiative du Conseil des Églises du Moyen-Orient, un Comité arabe permanent de dialogue islamo-chrétien s’active depuis les années 90 dans le monde arabe pour promouvoir le dialogue au niveau arabe, surtout en Égypte, au Soudan, en Jordanie, en Palestine, au Liban, en Syrie et en Irak. En évoquant les difficultés et la nécessité actuelles de ce dialogue, M. Labaki met l’accent sur la montée des fondamentalismes musulmans et chrétiens à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle. Il estime cependant que cette poussée de l’intégrisme rend également ce dialogue de plus en plus nécessaire et urgent. « Un grand nombre de pays témoignent de tensions qui prennent la forme de conflits plus ou moins aigus ou larvés entre des populations musulmanes et chrétiennes », dit-il en citant, à titre d’exemple, l’Égypte, l’Algérie, le Nigeria, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Tchad, le Soudan, la Palestine, le Liban, les pays de l’ex-Yougoslavie, la Bulgarie, la Fédération de Russie (Tchétchénie), et des pays de la CEI (Arménie, Azerbaïdjan), le Pakistan, l’Indonésie, les Philippines, les USA, Israël, Chypre, l’Éthiopie, certains pays d’Europe occidentale (France, Espagne, Hollande, Danemark, Royaume-Uni, Allemagne...) « Ces difficultés, insiste M. Labaki, rendent ce dialogue encore plus nécessaire et plus urgent, car il touche non seulement les aspects religieux, mais aussi toutes les relations économiques, politiques, sociales et culturelles entre des populations chrétiennes et musulmanes d’un même pays ». « Le fait que les musulmans soient une partie importante du “tiers-monde”, des “pauvres du Sud” de la planète, explique-t-il, et que les pays industrialisés qui ont dominé et dominent encore le “Sud” de la planète sont dans leur majorité des pays au moins de tradition chrétienne, aggravent ces conflits. » « C’est pour cela aussi, constate M. Labaki, que le dialogue islamo-chrétien est inextricablement lié au plan concret aux rapports Nord-Sud et souvent Sud-Sud. »
Le dialogue islamo-chrétien a fait, des années durant, couler beaucoup d’encre, mais ce n’est qu’après les attentats du 11 septembre 2001 que ce dossier a pris une dimension autre et s’est imposé, non plus comme un outil d’échanges entre intellectuels, mais comme un moyen fondamental pour comprendre les causes du terrorisme, qui secoue le monde aujourd’hui. Depuis le...