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Toujours lancinant, le dilemme des prérogatives au sein du pouvoir

Qui dirige le Liban ? Le président de la République, le président du Conseil, l’étranger, le système parlementaire, la Constitution, les personnes ? Le problème n’a jamais été vraiment réglé. Ni par la Constitution de 1926, ni par le pacte de 1943, ni par Taëf. Cependant, jadis le président de la République disposait de pouvoirs tellement étendus qu’il en rétrocédait de lui-même, par souci des équilibres internes. Ainsi, la Constitution l’autorisait à former tout seul un gouvernement et à choisir parmi les membres un Premier ministre. Mais il n’usait jamais de ce droit, procédait à des consultations, désignait une personnalité et formait le gouvernement en accord avec elle. Il avait quand même, ensuite, toutes les prérogatives en main. Au point qu’on l’appelait le roi sans couronne. Tandis que, d’après la formule imagée de Sami Solh, le chef du gouvernement se trouvait réduit à un rôle de bache-kateb, de clerc d’office. Il reste qu’évidemment les structures politiques d’un pays composite appelaient à l’entente de cohésion entre les leaders. Cheikh Béchara el-Khoury souligne que l’on tentait fréquemment de le brouiller avec Riad Solh. En reprochant au chef du gouvernement de contourner les souhaits de la présidence de la République. Mais quand Henri Pharaon avait soutenu que Solh allait trop loin dans l’arabisme, l’intéressé a montré qu’il se souciait avant tout de l’exception libanaise. Et du respect du pacte voulant que les Libanais n’iraient ni vers la France, d’un côté, ni vers la Syrie, de l’autre. Pharaon avait protesté contre le protocole d’Alexandrie paraphé en 44 par Solh. Qui pourtant, lors de la séance de l’adoption de la Charte de la Ligue arabe, avait martelé que le Liban est avant tout attaché à son indépendance propre, à la coopération entre chrétiens et musulmans, qu’il est prêt à tout sacrifier pour sa souveraineté, aussi bien face à l’Occident que contre des coups provenant de l’Orient. Mais Pharaon avait développé son opposition. Il avait relancé des leaders sunnites comme Abdel Hamid Karamé, Saadi Mounla, Saëb Salam et Abdallah Yafi. Un parti de l’Indépendance avait été créé. Pharaon ne cessait de demander à Béchara el-Khoury : qui donc gouverne le Liban, vous ou Riad Solh ? Ce dernier a cédé la place à Sami Solh. En comprenant qu’en occupant lui-même le Sérail il faisait de l’ombre, sur le plan populaire, au président de la République. Donc, dès le départ de l’ère de l’indépendance et malgré la stature d’hommes d’État des héros de l’époque, il y a eu de l’eau dans le gaz entre les présidents. Il y avait déjà, aussi, le clientélisme et la corruption. Pressenti pour former le gouvernement, Abdel Hamid Karamé avait posé comme condition de pouvoir donner un coup de pied dans la fourmilière et de nettoyer les écuries d’Augias. El-Khoury l’avait rappelé au réalisme, à la présence de forces politiques qu’on ne devait pas affronter abruptement, qu’il fallait choisir le timing pour engager la réforme administrative. Karamé avait rétorqué que pour être fort, un État devait être propre. Que la corruption et le clientélisme sont des facteurs affaiblissants dans les pourparlers en vue de l’évacuation des troupes françaises. Et il s’était récusé. Dans ses mémoires, le président el-Khoury rend hommage à son nationalisme. Mais regrette qu’il fût aussi prompt à s’emporter et avoir fait de la question des prérogatives son cheval de bataille. Aujourd’hui c’est l’un de ses fils, Omar Karamé, qui est appelé à la barre. Il succède à Hariri qui a connu, selon les vétérans, une expérience avec le régime un peu semblable à celle de Riad Solh jadis. La question continue en effet à se poser : qui doit tenir les rênes, dans ce pays ? Émile KHOURY
Qui dirige le Liban ? Le président de la République, le président du Conseil, l’étranger, le système parlementaire, la Constitution, les personnes ?
Le problème n’a jamais été vraiment réglé. Ni par la Constitution de 1926, ni par le pacte de 1943, ni par Taëf. Cependant, jadis le président de la République disposait de pouvoirs tellement étendus qu’il en...