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Actualités - OPINION

Mémoire en péril

Il y a quelques mois, il avait déjà été question, l’espace d’un instant, de déloger la statue de Riad el-Solh de sa place pour la recaler au fond d’un jardin. Mais l’affaire n’avait finalement pas eu de suite, et le monument représentant l’ancien Premier ministre et père de l’indépendance est heureusement toujours bien à sa place. Et puis il y a eu l’affaire du monument aux Martyrs. Pauvres martyrs, martyrisés une nouvelle fois par un pouvoir ultraparalysé, rachitique et plus que jamais fragmenté. Transportés en quatrième vitesse de Kaslik, où ils avaient été littéralement oubliés, ils ont d’abord été jetés à terre en pièces détachées, comme une sous-œuvre d’art du dernier amateur venu, avant d’être « embastillés », coincidence ô combien symbolique et expressive, dans une caserne. On avait promis leur retour à la place des Canons pour « bientôt », le temps que leur socle soit reconstruit. Mais, comme toujours, les promesses ne sont jamais suivies d’effets, et c’est à se demander si, dans les cercles des décideurs de tout bord, on ne préfère pas garder un trou béant dans la mémoire collective des Libanais. Et ce n’est pas fini : il y a aussi le buste de l’ancien Premier ministre Sami el-Solh, autre symbole du Liban consensuel de 1943, qui n’a toujours pas fait sa réapparition à sa place, dans l’avenue du même nom. Sans oublier le monument à la gloire du premier président de l’indépendance, Béchara el-Khoury, que le Liban officiel ne contribue guère à ramener à sa place. Mais les décideurs ne se contentent apparemment pas d’occulter la mémoire collective libanaise par le biais d’une politique du vide visant les symboles du Liban du pacte – que ce soit ceux du passé, en escamotant leurs statues – ou les actuels, ceux qui sont encore bien vivants. Car, derrière la politique du vide, il y a aussi un remplissage. Par une autre mémoire, d’autres symboles, d’autres statues et autres obélisques, qui renvoient, on peut le dire, à une autre culture, une autre histoire de substitution. Ainsi, ce portrait des présidents Émile Lahoud et Bachar el-Assad, poing levé et regardant dans la même direction, en lieu et place du buste de Béchara el-Khoury. Réaction du principal concerné, cheikh Michel el-Khoury : « Cela m’enchante... Je ne suis pas étonné. Cela s’inscrit logiquement dans la ligne visant à effacer toute histoire et toute souveraineté. Il vaut mieux garder le silence : tout propos ne ferait qu’atténuer la teneur insultante de cet acte. » Réaction du député Farès Souhaid aussi, qui évoque une « volonté de falsifier l’histoire et les spécificités du Liban ». À ces commentaires révélateurs, nous n’ajouterons rien. Michel HAJJI GEORGIOU
Il y a quelques mois, il avait déjà été question, l’espace d’un instant, de déloger la statue de Riad el-Solh de sa place pour la recaler au fond d’un jardin. Mais l’affaire n’avait finalement pas eu de suite, et le monument représentant l’ancien Premier ministre et père de l’indépendance est heureusement toujours bien à sa place.
Et puis il y a eu l’affaire du monument aux Martyrs. Pauvres martyrs, martyrisés une nouvelle fois par un pouvoir ultraparalysé, rachitique et plus que jamais fragmenté. Transportés en quatrième vitesse de Kaslik, où ils avaient été littéralement oubliés, ils ont d’abord été jetés à terre en pièces détachées, comme une sous-œuvre d’art du dernier amateur venu, avant d’être « embastillés », coincidence ô combien symbolique et expressive, dans une caserne....