Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

ANALYSE - La balance des rapports de force se précise Syrie-Amérique : le faux malentendu

Il y a la sœur, et l’oncle (Sam). Suffisant pour laver le linge sale. Car voici venu le temps de la buanderie, du blanchissage. De l’apuration, sinon du règlement, des comptes. Pourquoi maintenant, pourquoi pas hier ou demain ? Simplement parce que la carte géopolitique se trouve désormais modifiée. À partir du haut, de l’Irak, comme du terrorisme islamiste parti de l’Arabie heureuse. Ou de la ceinture de républiques orientales nouvelles bordant la Grande Catherine. Il faut donc redistribuer les cartes. D’autant qu’avec un baril de pétrole à 53 dollars, et qui monte, qui monte, on voit mal qui pourrait résister à l’ascendant US. Les donnes changent, la main aussi. Parmi les joueurs, il en est un, la Syrie, qui semble ne pas réaliser qu’il y a mutation. Ou plutôt, ne pas vouloir l’admettre et s’y adapter. Malgré, entre autres, les avertissements successifs, très clairs nets et précis, non seulement de l’Onu mais de pays frères comme le Koweït, ou amis comme la Russie. Manifestement, la marge de manœuvre syrienne rétrécit de jour en jour. Or Damas n’en tient, tout aussi manifestement, aucun compte. Son ministre des Affaires étrangères traite les pressions subies de triviales. Oubliant que la politique mérite rarement un autre épithète. Et que Trivial, c’est aussi Pursuit, la traque. Est-ce de l’aveuglement obtus ? Est-ce que les Syriens comprennent vraiment ce qui se passe ? La question s’étale partout dans les analyses de chancelleries ou de journaux. La réponse est que la question, justement, n’est pas là. Car cette présumée cécité découle d’une absolue nécessité. Qui a pour nom pérennité. Pérennité de ce système raréfié comme l’oxygène dans les grandes villes envahies par le gaz carbonique. Régime qui ne vit et ne survit, forcément, que sur des bases de stricte rigidité. Du temps des deux grands blocs antinomiques, le climat était plus propice aux excroissances autoritaristes, de gauche ou de droite. Elles fleurissaient à foison partout dans le vaste monde. En Chine (on y reviendra), en Amérique latine, au cœur même du vieux continent européen, comme au Moyen-Orient. Apparences Dans cette équation, et par la chance paradoxale du conflit israélo-arabe, la Syrie avait un rôle de choix. Par chance aussi, la disparition de l’URSS a pratiquement coïncidé avec la guerre du Golfe. Dirigée par un maître tacticien, la Syrie a paru saisir l’occasion pour opérer en douceur son aggiornamento. Mais ce n’était là qu’incidence superficielle. Car par nature même, la Syrie du Baas reste toujours condamnée à une stratégie (un terme qu’elle affectionne) aussi étroite que frileuse. Pourquoi ? Parce qu’elle n’obéit qu’à un seul mot d’ordre, une seule obsession : la protection rapprochée du régime. Comme, à certains égards, la France de De Gaulle, les circonstances ont permis pendant assez longtemps à la Syrie de bénéficier d’un volume de puissance gonflé comme un moteur de Mini Cooper. Un atout, une force centrifuge qu’elle a tenté d’exploiter au maximum. Toujours sous la baguette d’un chef d’orchestre virtuose, elle pratiquait régulièrement un efficace exercice contrasté : de constantes surenchères verbales, masquant un solide réalisme de terrain fondé sur d’habiles tractations en coulisses. Pas question, par exemple, de faire du Golan un point chaud, quand il est tellement plus commode, et moins dangereux, de se servir du levier Liban-Sud. Dans la même ligne de recherche d’une épaisseur accrue du blindage, la Syrie de Hafez el-Assad s’est efforcée d’établir son hégémonie sur les petits voisins. Elle a échoué avec les Jordaniens et avec les Palestiniens. Mais elle a brillamment réussi avec les Libanais. En fait, c’est le prix qu’elle a pu percevoir, quand le monde a basculé, pour son opportunisme. La fin Il était cependant précisé qu’il s’agirait là d’un bail résiliable après épuisement de tolérance. Ainsi, c’est à la condition expresse de reconnaître formellement l’entité libanaise indépendante que Hafez el-Assad, qui s’était immédiatement exécuté, avait pu rafler le contrat de location à terme. Maintenant c’est justement terminé. Après la fin de l’ordre mondial ancien, un ordre nouveau se met progressivement en place. Peut-être plus lentement que notre impatience nationale ne le souhaiterait. Mais assez sûrement pour que nous nous sentions rassurés. Car dans le système en gestation, les configurations trop antidémocratiques sont rejetées comme autant de redoutables poisons. À partir de ces observations, se pose quand même une interrogation élémentaire : du moment qu’on traite de rapports de force, l’Amérique est-elle vraiment en mesure d’imposer ses vues ? Et puis, quel danger peut bien représenter à ses yeux un régime syrien qui serait cantonné dans ses frontières ? Albanisé à l’ancienne ? La réponse se situe à un niveau de principe clinique théorique : pourquoi s’encombrer d’un corps étranger qui peut métastaser, dans un Orient déjà si difficile à faire évoluer vers une docilité, dite démocratique, facilement contrôlable. Saddam non plus n’était pas vraiment un danger. On l’a éliminé en premier parce qu’il perturbait le haut primordial, pétrolier et stratégique, de la zone. On ne peut ensuite négliger le bas du tableau. Comme il reste centré sur le conflit israélo-palestinien, que ce dernier n’est pas réglable avant des années, que la solution militaire est contestée par des pressions internationales, la Syrie bénéficie d’un délai de grâce. Avantages De plus, dans le fond, la configuration syrienne présente aux yeux des Américains quelques avantages. Elle n’est pas, il faut le souligner, rattachée profondément à ce sunnisme qui sert de vivier au nouvel ennemi numéro un des States du 11 septembre, le terrorisme genre Ben Laden. Elle ne constitue évidemment pas, non plus, une menace proche à l’Allende. Mais pour que son dossier soit réexaminé favorablement, comme Satterfield l’a dit il y a deux jours, il lui faut s’adapter à la mentalité du changement adoptée en Amérique. Par tous les think tanks académiques, ceux de Kerry comme ceux de Bush. Il lui faut donc, impérativement, souscrire à deux conditions : renoncer à son apanage, à son bouclier, libanais. Puis se réformer en profondeur. Ce qui semble difficile, pour ne pas dire impossible. Le modèle de sagesse chinoise, d’évolution prudente mais certaine, n’est en effet pas du tout copiable. Pour un système où l’immobilisme est absolument fondamental, à cause des dosages, des clivages, ethno-confessionnels. Bouger quoi que ce soit dans le château de cartes, c’est le faire tomber immédiatement. Pour tout mouvement, Damas a dû toujours se rabattre sur le tactique. Un expédient utile, important ponctuellement, mais jamais pérenne. Même si on se montre prêt, comme récemment, à tous les compromis, à toutes les compromissions, pour obtenir un répit dans le statu quo. Il semble cependant impossible qu’elle puisse éviter de lâcher du lest. À l’Ouest, c’est-à-dire au Liban. Jean ISSA

Il y a la sœur, et l’oncle (Sam). Suffisant pour laver le linge sale. Car voici venu le temps de la buanderie, du blanchissage. De l’apuration, sinon du règlement, des comptes. Pourquoi maintenant, pourquoi pas hier ou demain ? Simplement parce que la carte géopolitique se trouve désormais modifiée. À partir du haut, de l’Irak, comme du terrorisme islamiste parti de...