Le prochain gouvernement face à trois défis Au menu du pouvoir : la dette publique, la loi électorale, puis les législatives

Trois défis attendent le prochain gouvernement. Pour espérer les affronter, il faudra qu’il soit bien soudé, et même extraordinaire. Son succès serait un viatique de confiance retrouvée, pour le pays et la population. Son échec compromettrait la marche du régime prorogé dès la première étape. – D’abord, la dette publique et son service (paiement des intérêts). Qu’il s’agit d’alléger de manière substantielle. Pour assurer la promotion des prestations sociales, consolider la stabilité politique, conforter la sécurité. Ces points constituent des priorités pour le président Lahoud. De leur côté, les organismes économiques réclament un plan de redressement pour les trois années à venir. En insistant, comme toujours, sur la nécessité de voir l’entente régner entre les présidents. Dont les querelles chroniques ont beaucoup coûté au pays économique et social. Le ministre Siniora a répondu aux instances du chef de l’État concernant la dette publique par un projet de budget quasi révolutionnaire. L’intéressé indique que cette fois, contrairement à la dernière qui était un aveu d’impuissance, on va administrer au malade un vrai traitement, et non plus de simples tranquillisants. Il faudra voir s’il n’est pas trop tard. Car, techniquement, pareil budget aurait dû être appliqué tout de suite dans la foulée de Paris II. Les tiraillements entre grands l’ont empêché. Est-ce qu’ils ne vont pas reprendre ? Est-ce que le brouillage politique, ou politicien, ne va pas bloquer les mesures de compression ? Ces coupes sombres dans les cadeaux consentis aux députés, aux anciens députés, au système de mise à la retraite, au statut des fonctionnaires, à la Sûreté de l’État, aux surnuméraires, aux recrutements de l’armée et des FSI, au ministère des Déplacés, au Conseil du Sud, etc. Pourra-t-on fermer les robinets ? Pourra-t-on se passer d’imposer de nouvelles taxes ? Pour l’année en cours, certains députés ont reproché à Siniora d’avoir établi un budget insipide, incolore. Les mêmes commencent à grogner parce qu’il s’est enfin résolu à préparer un budget réparateur. Ils ne veulent pas qu’on touche à leurs crédits régionaux, surtout à l’approche des élections. Il faut cependant que tout le monde réalise la nécessité du sauvetage, de la réforme, qui est une responsabilité commune. Surtout que le Liban, déjà en grande difficulté sur le plan économique, pourrait pâtir encore davantage, par suite des retombées de la 1559. – Le deuxième challenge pour le prochain gouvernement se situe au niveau de la loi électorale. Sans prétendre pouvoir satisfaire tout le monde, il devra élaborer un texte qui garantisse à la fois la régularité du scrutin et une saine représentation parlementaire de proximité. Le problème, c’est qu’un tel projet de loi devra être approuvé par une Chambre qui n’y trouverait pas son intérêt. Car, comme on ne le sait que trop, elle est majoritairement composée de parachutés et de grands blocs téléguidés. Beaucoup de soi-disant députés actuels risqueraient fort de ne plus retrouver leurs strapontins, à l’ombre d’une loi électorale digne de ce nom. Mais il y a de l’espoir. Car la majorité obéit à des chefs de file qui, en principe, devraient être représentés au sein du gouvernement. Et qui sont censés favoriser une loi juste, car l’opinion exerce une forte pression dans ce sens. – Enfin, il faudra que le prochain gouvernement supervise, au printemps 2005, des législatives qui pourraient constituer un tournant majeur dans la vie politique, et institutionnelle, du pays. Un test de démocratie qui sera suivi de près par la communauté internationale. Émile KHOURY