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Actualités - ANALYSE

ÉCLaIRAGE L’un sans l’autre, l’un contre l’autre et l’un pour l’autre : dans tous les cas, les deux hommes ont épuisé leurs cartouches Lahoud et Hariri désormais ensemble au pied du mur

Ce que tout le monde prédisait, malgré les innombrables et les plus fantasques des rumeurs, est sur le point, en principe, d’être rendu public. À savoir que les deux pôles de l’Exécutif qui ont pratiquement paralysé le pays depuis quatre ans seront les mêmes pour les mois, et peut-être pour les années à venir. Sachant que l’histoire contemporaine n’a jamais connu un aussi improbable et contre-nature binôme politique, au côté duquel le tandem Chirac-Jospin, pour ne citer que lui, devient, avec le recul, le parangon de la cohabitation réussie. Émile Lahoud et Rafic Hariri, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, vont ainsi continuer à s’adonner, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, à l’une des activités les plus républicides qui soit : la guéguerre au sommet. Un enfant de quatre ans a conscience des galaxies qui séparent les deux hommes, tant dans la forme que dans le fond : inutile de revenir sur ce que les spécialistes de l’understatement appellent avec beaucoup de pudeur l’incompatibilité de points de vue entre les nos 1 et 3 de l’État. Le fait du jour est qu’après avoir régné séparément, l’un sans l’autre (1992-1998 pour Hariri, 1998-2000 pour Lahoud), après avoir gouverné l’un contre l’autre (2000-2004) et même l’un pour l’autre, pendant quelques rachitiques semaines, en 2004, au moment du triste et vite défunt lavage des cœurs, ces deux hommes sont aujourd’hui ensemble, presque menottés l’un à l’autre, et par une cinglante ironie du sort, au pied du même mur, d’un même Everest de missions impossibles. D’autant plus que, comble de l’infortune, l’un comme l’autre des deux hommes a imprudemment grillé toutes ses cartouches, prouvé l’étendue de son incapacité, dans les trois cas de figure, à trouver des solutions aux problèmes endémiques du Liban, perdu un maximum de crédibilité et de popularité au sein de l’opinion publique, et fini de démontrer l’urgence du sang neuf. Ainsi, tous deux sont désormais déterminés, pour des raisons et des motifs et avec des arrière-pensées et autres visions diamétralement opposés, à profiter au maximum de la reconduction et de ses conséquences. Tous deux, surtout, sont conscients que les crises qui n’en finissent plus de gronder risquent bien vite de les engloutir, l’un dans les oubliettes honteuses de l’histoire, l’autre dans les mondes parallèles et absolument hermétiques du pouvoir. Émile Lahoud veut utiliser cette rallonge de trois ans imposée au peuple libanais et à la communauté internationale par le tuteur syrien pour réaliser – il l’a souvent répété – tout ce qu’il n’a pas pu mener à bien durant les six années de son mandat. Pour cela, il exige « une équipe homogène », évoque « une nouvelle phase de travail » ; pour cela il souhaite, également, remercier – même si cela risque d’être onéreux pour le pays –, en les plaçant au gouvernement, tous ceux qui ont soutenu sa prorogation. Rafic Hariri, lui, fort de la certitude, malgré toutes les pressions qu’il a subies, que cette reconduction n’aurait pas été possible sans lui, estime être en droit de présider un gouvernement qui imposera au Liban et au monde respect et solidarité, capable d’apporter au pouvoir la légitimité qui lui manque désormais, et les soutiens de toutes sortes sans lesquels il se retrouvera fort dépourvu. Absolument pas du même avis dès qu’il s’agit de la manière de « sauver » le pays, les deux hommes se retrouvent sur la même longueur d’onde sur la certitude qu’il faut le « sauver ». Rien de bien nouveau finalement, puisque tout cela reste encore très théorique. Rien de bien rassurant non plus, au regard de la façon dont se déroule l’accouchement du futur gouvernement, et qui laisse présager de quelques retentissantes et insensées scènes de ménage lors des futurs Conseils des ministres. Qui laissent entrevoir déjà le prix de la vaisselle républicaine cassée dont devront tôt ou tard s’acquitter les Libanais. Seul embryon de satisfaction : l’incroyable Nabih Berry vient de se rendre compte, des heures, des jours, des semaines après, que l’institution qu’il préside, à la base du système politique libanais, le Parlement, continue de se faire allègrement humilier et anéantir. Fera-t-il seulement en sorte que cela cesse, dût-il faire une entorse à ces stratégiques mais néanmoins mortifères intérêts avec lesquels on continue d’enfoncer le Liban ? La troïka, visiblement incapable de la moindre évolution, a encore de beaux jours devant elle. Ziyad MAKHOUL

Ce que tout le monde prédisait, malgré les innombrables et les plus fantasques des rumeurs, est sur le point, en principe, d’être rendu public. À savoir que les deux pôles de l’Exécutif qui ont pratiquement paralysé le pays depuis quatre ans seront les mêmes pour les mois, et peut-être pour les années à venir. Sachant que l’histoire contemporaine n’a jamais connu...