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Actualités - OPINION

Travaux d’Intérieur

Un directeur d’hôpital à la Santé, un magistrat à la Justice, un ingénieur à l’Industrie, un journaliste à l’Information et un professionnel du renseignement à l’Intérieur: la spécialisation n’est pas, comme on voit, un vain mot en Syrie. Jamais, en tout cas, remaniement ministériel dans ce pays n’aura davantage retenu l’intérêt des Libanais que celui intervenu sans crier gare lundi, et qui a disputé la vedette à la laborieuse, douloureuse gestation du premier gouvernement de l’ère Lahoud-II. La cause de cette inhabituelle émotion est le retour en force, sur l’avant-scène, du général Ghazi Kanaan qui dirigeait depuis deux ans les services de la sécurité politique, l’une des polices secrètes de Syrie. Une super-barbouze à la tête des Affaires intérieures, cela n’a pas trop de quoi surprendre, dans tout pays à système autoritaire, et cette nomination paraît répondre au souci du régime de consolider le front interne face aux pressions de toute sorte dont il est actuellement l’objet. En tête de celles-ci figurent bien sûr l’Accountability Act édicté par les États-Unis, de même que la résolution 1559 de l’Onu relative à la présence militaire et aux ingérences politiques syriennes au Liban. Prodige de la realpolitik toutefois, la Syrie et les mêmes États-Unis sont depuis peu des partenaires œuvrant de concert, à la faveur notamment de patrouilles militaires mixtes, au bouclage de la désertique frontière avec l’Irak face aux combattants, islamistes ou autres, s’en allant guerroyer contre les Marines. Si bien que la surveillance et la neutralisation de ces militants, naguère tolérés sinon sciemment manipulés, deviennent désormais l’une des priorités sécuritaires internes du régime, développement qu’annonçait déjà la sanglante fusillade survenue au début de l’été en plein quartier des ambassades dans la capitale syrienne. Cette vigilance accrue ne devrait naturellement pas exclure les Kurdes de Syrie, que de violents accrochages avaient opposé, au printemps dernier, aux forces de l’ordre et aux tribus arabes du Nord-Est syrien : tout cela sans parler du délicat problème que pose la présence à Damas, en dépit de la fermeture formelle de bureaux du Hamas, de responsables radicaux palestiniens dont l’un périssait tout dernièrement dans l’explosion de sa voiture, vraisemblablement piégée par le Mossad israélien. Ce qu’il importe de savoir, dès lors, est si cette tâche de remise en ordre domestique confiée à Kanaan s’arrête ou non au poste-frontière de Masnaa. L’interrogation s’impose en effet, compte tenu de la fâcheuse propension de la Syrie à tenir les affaires libanaises pour siennes propres, à nous inclure – avec un sens beaucoup trop poussé de l’hospitalité – dans son univers « intérieur ». Le fait est que vingt ans durant le nouveau ministre a régné en maître dans notre pays, faisant et défaisant présidents, ministres, députés et hauts fonctionnaires avant d’être relayé par l’actuel chef des SR syriens opérant au Liban, le général Rustom Ghazalé. Si la relève se trouve parfaitement assurée (et on l’a bien constaté avec la reconduction tambour battant du mandat du président Émile Lahoud), l’entrée en jeu de facteurs nouveaux n’est pas à exclure pour autant ; car bien des nuances, découlant de sympathies ou d’intérêts de clans, peuvent être notées au sein d’un régime baassiste finalement moins monolithique qu’il n’ y paraît, du moins pour ce qui est de la gestion au quotidien du fief libanais. Le hasard aura voulu que Rafic Hariri, qui s’échine à enrôler l’opposition dans un hypothétique gouvernement d’union, se trouve à Damas le jour même où était annoncé le remaniement du cabinet Otri. Le chef du gouvernement libanais n’était pas là, on s’en doute, pour s’instruire de la spécialisation des tâches en matière de gouvernement. Et encore moins pour donner son avis sur le choix des nouveaux ministres syriens: la procédure est à sens rigoureusement unique. Si bien qu’ en fait de spécialisation, l’État libanais vassal excelle, tout compte fait, dans la sienne. Issa GORAIEB
Un directeur d’hôpital à la Santé, un magistrat à la Justice, un ingénieur à l’Industrie, un journaliste à l’Information et un professionnel du renseignement à l’Intérieur: la spécialisation n’est pas, comme on voit, un vain mot en Syrie. Jamais, en tout cas, remaniement ministériel dans ce pays n’aura davantage retenu l’intérêt des Libanais que celui...