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Actualités - OPINION

EN DENTS DE SCIE L’ultime cartouche?

Quarantième semaine de 2004. Il y a des odeurs, des bruits, des images honnis, bannis, enfouis quelque part dans des tréfonds de mémoire, interdits de narines, de tympans, de rétines, mais qui, malgré toutes les forteresses, les précautions, les dieux, reviennent, resurgissent, ressuscitent. Le pire, c’est quand cela se produit au moment où l’on s’y attend le plus, quand un peuple pressent l’atroce, sait même comment et combien il guette. C’est encore plus terrible que lorsqu’on n’y pense pas – c’est cette primauté, monstrueuse et hitchckokienne en diable, du suspense sur la surprise. Le Liban dans sa totalité, dans son intégralité, se serait passé avec le plus grand des plaisirs de l’attentat d’hier, qui a visé l’un des hommes politiques les plus modérés et les plus fermes qui soient : Marwan Hamadé. Et au-delà de l’homme, le symbole. Celui d’un Liban de coexistence, d’ouverture au monde, d’acceptation de l’autre ; celui d’un Liban libanisé, en harmonie avec son environnement. Plus encore : c’est une ligne politique qui était surtout au cœur de la cible, hier, celle d’un Walid Joumblatt aux accents particulièrement sfeiriens, exhortant à la paix civile devant ses partisans légitimement exacerbés. Qui a commandité la tentative d’assassinat de Marwan Hamadé ? Pourquoi ? Quels vieux démons voulait-on réveiller ? Dans quel but a-t-on choisi le 1er octobre, date de la publication du rapport Annan sur le suivi de l’application de la 1559, pour se rappeler aux (très) mauvais souvenirs des Libanais ? Le problème n’est pas là. On a entendu tout et n’importe quoi, hier. Ce qui compte, c’est qu’avec cette voiture piégée, après Majdel Anjar, après Aïn el-Héloué, après Bourj-Hammoud, après Hay el-Sellom, après tout le reste, c’est la dernière cartouche, l’unique réalisation dont l’État libanais peut encore se prévaloir, qui vient de sauter. De se carboniser : la sécurité et la stabilité ont été des antiennes encore plus répétées, rabâchées par le régime, utilisées comme des outils de légitimation – et c’est dire... – que la stratégie des intérêts. Les voilà désormais caduques. Et cet État sécuritaire dont s’enorgueillissaient d’aucuns, à propos duquel fantasmaient d’autres – souvent à raison, il faut le reconnaître, puisque les instances internationales ont rarement manqué de souligner la qualité de la sécurité qui régnait au Liban, en comparaison avec celles de la région – n’est désormais qu’une illusion. Ainsi, sécurité et stabilité sont venues depuis hier grossir le rang des carences du pouvoir, incapable d’assurer démocratie, libertés, justice indépendante, souveraineté, autonomie, et État de droit, incapable de trouver une solution à l’hécatombe économico-financière qui menace, incapable, surtout, de rester sous l’ombrelle de la communauté internationale. Que reste-t-il désormais ? Rien. À moins de croire en un salutaire et national éveil ; à moins, en fouillant bien, de trouver une cartouche laissée pour morte : la prise de conscience. Ziyad MAKHOUL
Quarantième semaine de 2004.
Il y a des odeurs, des bruits, des images honnis, bannis, enfouis quelque part dans des tréfonds de mémoire, interdits de narines, de tympans, de rétines, mais qui, malgré toutes les forteresses, les précautions, les dieux, reviennent, resurgissent, ressuscitent. Le pire, c’est quand cela se produit au moment où l’on s’y attend le plus, quand...