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Actualités - OPINION

analyse La surprise des loyalistes le dispute à l’étonnement des opposants Un message syrien de désescalade assez clair à l’adresse de Washington

Il y a d’abord l’effet de surprise. Il y a ensuite l’étonnement. Certes, le lendemain même du fameux (certains disent du déplorable) 3 septembre, on apprenait que les cadres militaires libanais et syriens s’étaient réunis pour parler d’un redéploiement. Mais on pensait qu’il s’agirait d’un mouvement minime, un de plus. De circonstance pour ainsi dire. Et on n’imaginait pas qu’il serait aussi étendu, ni aussi rapide. Voilà donc pour la surprise. Quant à l’étonnement, il s’exprime face aux assertions de certains loyalistes. Qui répètent, après certains décideurs, que l’initiative n’a rien à voir avec le contexte extérieur. Entendre avec les pressions franco-US et avec la 1559 de l’Onu. Des dénégations qui peuvent prêter à sourire. D’autant que le soin d’annoncer le retrait a été confié, signe révélateur, à l’ambassadeur syrien aux États-Unis, Imad Moustapha. Ce qui signifie que l’on a voulu, assez clairement, lancer un message de désescalade en tout premier lieu à l’adresse de Washington. En tant que principal joueur, et jouteur, occidental sur la scène régionale. En post-scriptum, pour ainsi dire, le diplomate a précisé que la coopération syrienne avec les gardes-frontières américains déployés en Irak allait s’instaurer désormais sur base de nouveaux mécanismes. Mais la Syrie ne veut évidemment pas donner l’impression qu’elle recule face aux pressions américaines. Moustapha explique ainsi que si elle se désengage militairement, sécuritairement (et partiellement) au Liban, c’est parce que maintenant elle éprouve plus de confiance à l’égard de la situation dans notre pays. Façon de laisser entendre que la prorogation est un coup réussi tout à fait rassurant. Ce qui procède d’une logique assez étrange. Dans la mesure où l’on se demande ce qu’il peut y avoir de mieux, de plus rassérénant, à l’ombre d’un pouvoir inchangé. Retour à l’effet de surprise. Un peu décontenancés, un peu dépités sans doute aussi, des ministres loyalistes avouent qu’ils n’avaient rien vu venir. Qu’on ne les avait pas du tout mis au parfum. Et qu’on les laissait tranquillement continuer à défendre, avec bec et ongles, l’intangibilité de la présence militaire syrienne. Et son rôle sécuritaire, entendre policier, indispensable. Ces ministres croient de plus savoir que mêmes les autorités politiques les plus proches de Damas, qui savaient évidemment qu’il y aurait quelque chose, n’avaient été informées de l’ampleur du mouvement. Et, partant, de sa portée politique. Ajoutant qu’à leur sens, il eut mieux valu préparer et présenter le repli d’une manière qui donnerait moins à penser qu’il résultait des pressions US. On ne voit pas trop comment cela aurait été possible, en pratique. Ces cadres, qui se sentent donc un peu trahis, relèvent toutefois qu’on aurait dû avertir les amis de la Syrie. Afin qu’ils n’aillent pas aussi loin qu’ils l’ont été dans le rejet de la 1559. On sait en effet que la campagne orchestrée contre cette résolution faisait valoir que les Syriens ne bougeraient pas. Parce que leur présence est légitimée par des accords bilatéraux et par des impératifs dits stratégiques etc. Sans compter, soulignaient il y a encore deux jours les zélés loyalistes, que seul le gouvernement libanais se réservait le droit de demander aux Syriens de dégager. Tout ce château de cartes, tout ce fatras d’arguments, s’écroule d’un seul coup. On s’aperçoit qu’en définitive les décideurs tiennent aussi peu compte de leurs fidèles que des remontrances des évêques maronites. Les ministres cités, ulcérés, subodorent en chœur un nouvel accord syro-américain, un nouveau bazar, conclu dans leur dos. C’est sans doute aller un peu trop loin dans la suspicion. En effet d’autres responsables rappellent que l’on avait déjà eu largement vent de ce qui se préparait. Ajoutant que si le Conseil des ministres n’en avait pas été averti, c’est à cause de diverses considérations techniques. En tout cas, la logique la plus élémentaire veut qu’avant le rapport Annan, dans dix petits jours, les Syriens devaient donner quelque chose. S’ils voulaient éviter le défi définitif, après le coup pendable du 3 septembre. De leur point de vue sans doute, ils avaient le choix : ou aller à Canossa, s’humilier, désavouer la décision du président Assad en priant le président Lahoud de renoncer à la prorogation. Ou ordonner, comme ils l’ont fait, un repli militaire substantiel au Liban. Dans l’espoir qu’on y verrait le signe de leur volonté de respecter toujours la légalité internationale. Bien sûr, beaucoup pensent que l’optique syrienne est déphasée. Dans ce sens que les Américains ne considèrent pas que la Syrie leur donne quelque chose quand elle souscrit à leurs conditions. Mais qu’en réalité, elle s’évite bien des tracas ultérieurs. Point à la ligne. Précautions D’autant que Damas prend des précautions qui pourraient ne pas beaucoup plaire à Washington. On apprend en effet, de source tout à fait fiable quoique non officielle, que le redéploiement avait été décidé quelques jours avant la visite en Syrie de l’émissaire US, William Burns. Venu répéter, sur un ton encore plus ferme, les injonctions lancées en 2003, sur les bords du Barada, par Colin Powell. D’après cette source, le scénario établi prévoyait un communiqué conjoint des états-majors libanais et syrien, conforté par une proclamation politique dont la divulgation aurait été confiée au ministre de l’Information, Michel Samaha. Dans le cadre d’une conférence de presse commune tenue à Damas avec son homologue syrien, à l’occasion de la conférence arabe organisée le 12 septembre à Damas. À ce moment-là, dans ces mêmes colonnes, nous livrions à nos lecteurs l’existence d’un plan de redéploiement. Mais finalement le ton comminatoire adopté à leur encontre par Burns et ses remontrances publiques avaient conduit les Syriens à tout ajourner, pour ne pas avoir l’air de capituler piteusement. D’ailleurs aujourd’hui même leurs fidèles continuent donc à soutenir que tout cela n’a aucun rapport avec la 1559. Et ne se trouve lié qu’aux accords bilatéraux entre les deux pays. Mais ces mêmes fidèles ne cachent pas qu’on leur a également demandé de ne plus se déchaîner contre la résolution de l’Onu. Pour ne pas agacer Annan au moment où il prépare son rapport. Un document que Damas autant que Beyrouth aimerait qu’il soit souple, compréhensif et ne recommande pas des mesures d’escalade, du genre passage au chapitre sept, qui autorise des sanctions. Il reste que, selon des opposants, la Syrie aurait été également sensible à l’insistance française pour le retrait. Ils ajoutent que Damas devra, pour se dédouaner, donner encore d’autres gages. Comme la mise sous contrôle, via les autorités libanaises, des camps palestiniens. Et comme le désarmement du Hezbollah et le déploiement de l’armée au Sud. Philippe ABI-AKL
Il y a d’abord l’effet de surprise. Il y a ensuite l’étonnement.
Certes, le lendemain même du fameux (certains disent du déplorable) 3 septembre, on apprenait que les cadres militaires libanais et syriens s’étaient réunis pour parler d’un redéploiement. Mais on pensait qu’il s’agirait d’un mouvement minime, un de plus. De circonstance pour ainsi dire. Et on...