Courrier Dentisterie et sida

Au-delà de l’exploitation politique de l’humanitaire, la dernière donation de la Fondation el-Walid Ben Talal consiste en une clinique dentaire spéciale pour « sidéens », bravant ainsi tous les principes universels de non-discrimination et d’intégration des personnes atteintes du VIH/sida. S’il est vrai que la plupart des dentistes refusent (à tort) de traiter les patients séropositifs, l’effort devrait être axé sur la modification de cette attitude discriminatoire et stéréotypée. En tout état de cause, le dentiste est obligé de stériliser les instruments et l’équipement de façon à éliminer tous les risques infectieux, qu’il s’agisse du virus du sida ou de tout autre virus. Les dentistes sont tenus aussi de prendre toutes les précautions (gants, masques, etc.), avec tous les patients, pour se protéger. Le fait d’exclure les patients atteints de sida ne signifie en aucun cas une minimisation des risques de contamination. Les plus pragmatiques diraient que ce genre d’attitude existe partout. Possible. Mais il est anormal que la société civile (avec ses composantes humanitaire et syndicale, en l’occurrence) devienne complice de ce crime social. Que le Professeur Maalouf, président de l’Ordre des dentistes – dont l’élection a donné un nouvel espoir aux dentistes – inaugure cette clinique, que les ONG humanitaires acceptent de financer de tels projets, relève de l’absurde dans un pays qui se considère « à la pointe de la technologie et du modernisme ». Le plus pertinent et le plus utile serait de modifier les attitudes discriminatoires de la société libanaise, en commençant peut-être par les dentistes. Le Dr Élie Abouaoun Membre du groupe de rédaction du manuel Sida et droits de l’homme (Unesco, 2002)