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Actualités - OPINION

L’article 49 de la Constitution : l’esprit et la lettre

Ce dont le Conseil des ministres a fait bon marché, en décidant d’allonger de trois nouvelles années le sexennat du président Lahoud, et ce que la majorité parlementaire s’apprête à violer allègrement ce n’est pas tant le texte de l’article 49 de la Constitution que son esprit. En effet, de 1926 à aujourd’hui, les législateurs qui se sont penchés sur la durée du mandat présidentiel et les conditions de son éligibilité ont confirmé, de façon répétée, le principe de la non-rééligibilité avant l’expiration d’un délai équivalent à un mandat. L’historique des présidences confirme que l’aspiration à une reconduction peut fausser la conduite des affaires publiques et pousser un président à faire élire une majorité parlementaire qui lui soit favorable. Ainsi, le président Béchara el-Khoury a fait la sourde oreille aux conseils de Michel Chiha, Moussa de Freige et Henri Pharaon, avec les fâcheuses conséquences que l’on sait. Quelques années plus tard, le président Camille Chamoun devait également céder à la tentation de faire élire une majorité parlementaire qui assurerait la reconduction de son mandat. C’est au tour aujourd’hui du président Émile Lahoud de compter sur une majorité parlementaire orientée par la Syrie pour se faire réélire. Or, si la Chambre disposait de sa liberté, les partisans d’un amendement constitutionnel ne dépasseraient pas les trente députés, comme le prouve bien le nombre de ceux qui se sont rendus à Damas avec des idées bien arrêtées et en sont revenus avec des idées d’une tout autre nature. L’historique de l’article 49 de la Constitution fait foi de la volonté du législateur de le défendre contre la tentation d’un amendement sous des pressions externes ou des falsifications internes. Dans la Constitution de 1926, le mandat présidentiel était de trois ans, renouvelable une fois, le président n’étant rééligible que passé un délai égal à la durée d’un mandat présidentiel. En 1929, ce délai de rééligibilité passa à six ans, soit la durée de deux mandats successifs, un amendement bien dans l’esprit de la non-rééligibilité. Dans une troisième étape, sous la présidence de Charles Debbas, les deux mandats de trois ans furent réunis, et l’on opta pour le mandat présidentiel de six ans, non renouvelable, avant l’expiration d’une période égale à sa durée. Le président Debbas insista pour que l’amendement n’eût pas un effet rétroactif et qu’il ne puisse en profiter, toujours dans l’esprit de la non-rééligibilité. À Taëf, les députés refusèrent une proposition visant à écourter la durée du mandat présidentiel et à le rendre renouvelable. Motif : empêcher le chef de l’État d’user de ses pouvoirs et des services de l’État pour assurer sa réélection, et rester fidèle à l’esprit de la Constitution, qui interdit notamment à un fonctionnaire de la première catégorie de se faire élire s’il n’a pas démissionné de ses fonctions deux ans avant la date de l’élection. En conséquence, les députés réunis à Taëf confirmèrent l’article 49 dans la forme et l’esprit que nous lui connaissons. Et pour confirmer cet esprit, la phrase traditionnelle fut maintenue : le président « ne peut être réélu qu’après un intervalle de six années ». Pour contester ce point de vue, on avance l’exemple de la France et des États-Unis, où le principe de la rééligibilité d’un président en exercice est admis. C’est oublier que dans ces deux pays, et c’est le plus important, le président est élu au suffrage universel et que les élections y sont libres. Émile KHOURY
Ce dont le Conseil des ministres a fait bon marché, en décidant d’allonger de trois nouvelles années le sexennat du président Lahoud, et ce que la majorité parlementaire s’apprête à violer allègrement ce n’est pas tant le texte de l’article 49 de la Constitution que son esprit.
En effet, de 1926 à aujourd’hui, les législateurs qui se sont penchés sur la durée du...