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Actualités - OPINION

Conférence De l’Olympe au trône du Ciel, une seule paix en marche

Le 11 août, soit à la veille des Jeux olympiques, se tenait à Athènes une conférence sur le thème de « La religion, la paix et l’esprit olympique ». Convié à y prendre part, Mgr Boulos Matar, archevêque maronite de Beyrouth, a prononcé à cette occasion une intervention remarquable dont nous reproduisons ici de larges extraits. Nous remercions du fond du cœur le patriarche œcuménique Bartholomeos 1er de nous avoir invités à cette rencontre dont le but est de servir la cause de la paix dans le monde, à un moment de l’histoire où jamais la paix n’a autant été menacée. Depuis le 11 septembre 2001, et mû par un souci pastoral et humanitaire aux dimensions de la planète, Sa Sainteté ne cesse de prendre des initiatives dont la nature est de permettre aux hommes de bonne volonté, appartenant à toutes les religions et à toutes les cultures, de débattre entre eux sur le vrai rôle des religions dans la construction et le maintien de la paix dans le monde. La rencontre de Bruxelles, où il était question de mettre en valeur le rôle des religions abrahamiques au service de la paix mondiale, s’inscrit parfaitement dans ce cadre. Elle s’est déroulée quelques semaines après la grande tragédie de New York, donnant l’occasion à des leaders juifs, musulmans et chrétiens de désamorcer la crise et d’empêcher que des déraillements fondamentalistes et terroristes ne se transforment en conflit de religions ou de cultures qui embraseraient la planète (...). La relation inhérente, spirituelle et historique entre les manifestations olympiques et la paix mondiale nous permet de considérer l’esprit qui les inspire comme un facteur d’importance dans la recherche et l’instauration de la paix entre les peuples. D’où le titre général des débats qui nous occupent ici, « La religion, la paix et l’esprit olympique ». À ce sujet, il nous semble indispensable, pour découvrir le lien entre ces trois réalités à la fois historiques et relevant du domaine de l’idéal sans cesse à incarner, de considérer le lien entre religion et esprit olympique, et cet autre lien entre les religions réunies et l’instauration de la paix durable et universelle. Religion et olympisme Quand on lit dans l’histoire que les Jeux olympiques ont duré de l’an 748 AC jusqu’en 392 après le Christ, soit 1 140 ans, et que leur interruption a été décrétée par l’empereur Théodose ; que ce même empereur est allé jusqu’à donner l’ordre de détruire les temples et édifices consacrés à cet effet et que des hordes barbares et des tremblements de terre ont parachevé cette destruction, on est en droit de se demander comment et pourquoi les protecteurs antiques de la religion nouvelle ont pu avoir de telles pensées négatives vis-à-vis de ce culte dit païen. L’étonnement ne fait que s’accentuer à la pensée que Platon, ce fleuron de la culture grecque antique, a été adopté par saint Augustin et le néoplatonisme, et qu’Aristote a été baptisé par saint Thomas d’Aquin, alors que la flamme olympique fut considérée dangereuse et capable d’incendier le nouvel ordre établi et menacer l’esprit de foi auquel les citoyens de l’empire ont adhéré. Les historiens nous rappellent aussi une désaffection généralisée qui a dominé tout le Moyen Âge par rapport à la littérature antique et au naturalisme des valeurs prônées aux époques anté-chrétiennes. À tel point que ces mêmes historiens lient le commencement des temps modernes au retour vers la civilisation gréco-romaine de l’Antiquité, c’est-à-dire à ces mêmes valeurs qui magnifient le corps et les recherches autonomes de la raison dans les différents aspects de la vie. En réponse, nous disons tout de suite que le christianisme n’est pas d’une époque, surtout que chaque époque le reçoit à partir de sa propre situation et de ses propres structures. Mais nous disons aussi qu’il y a vraiment à concilier entre une certaine théologie de la religion et une certaine philosophie de la culture. Pour préciser davantage notre réflexion, nous disons que si l’Antiquité a développé un certain sens de la nature, et que si la religion chrétienne a magnifié la vie surnaturelle ou la vie de grâce, rien ne dit qu’il faille opposer nature à surnature, ni qu’il faille inévitablement détruire une de ces réalités pour conserver ou favoriser l’autre. Cela dit, il importe aussi de préciser que le régime de la Grâce surnaturelle, qui achève et parfait celui de la nature, prendra en charge cette nature, dans le respect de son être, car elle aussi est une créature bénie de Dieu. Les valeurs de la nature sont élevées par l’Esprit sans être aliénées. C’est pourquoi le christianisme s’adresse et doit s’adresser à toutes les cultures. Il dialogue et doit dialoguer avec elles et leur procurer une vision plus complète d’elles-mêmes à la lumière de l’Évangile. D’ailleurs, c’est pour notre bonheur que le christianisme s’est exprimé pour la première fois en dehors du monde syriaque en s’investissant et en s’incarnant dans la belle et riche culture grecque. C’est pourquoi lorsque le baron François de Coubertin a prôné de reprendre les Jeux olympiques à partir de 1894, l’Église a salué son initiative. Elle y voit aujourd’hui un facteur privilégié de paix… Religion et paix Il ne fait pas de doute que la trêve olympique signifie un désir universel de paix, enfoui au cœur de chaque homme, et que le respect qu’elle suscite pendant la célébration des Jeux, dans le passé comme dans le présent, crée un espoir de paix pour l’humanité entière. Il y a là tout ce qui ressemble à une religion naturelle inspirée par Dieu et qui trouve pour nous son achèvement dans la religion révélée. Toutefois, un problème se pose aujourd’hui pour le monde désireux de paix et menacé par les fléaux terribles des guerres et des terrorismes. Les religions constituées aident-elles à la construction de la paix si elles sont en conflit entre elles ou si leurs adeptes les interprètent dans un sens conflictuel ? Ou bien faudrait-il se contenter d’une religion naturelle ou d’une synthèse de toutes les religions capables de dépasser les oppositions confessionnelles dont l’histoire est remplie ? Aucune réponse à cette question n’est possible ni suffisante si elle ne tient pas compte de l’unité de l’inspiration religieuse, unité qui provient de la source commune à toute religion, du Dieu unique Lui-Même. Dans ce sens, la trêve olympique ne peut être que d’inspiration divine même si elle est née dans un monde à référence païenne. Quant aux religions qui croient à la révélation directe de Dieu, ou à une parole qu’Il adresse personnellement aux hommes, elles ne peuvent exister sans une providence qui les porte comme elle porte toutes les réalités de l’histoire. De ce fait, toutes les religions sont respectables même si pour ma part je crois à une religion que je considère être l’achèvement de toute révélation. Le Saint Esprit travaille dans toutes les âmes, et toutes les révèlent à chacun selon des formes variées. Cependant, le problème du conflit entre les religions et la paix surgit lorsqu’une religion se met à exclure les autres et cherche à s’imposer par la force aux consciences créées pour demeurer libres, même face à l’appel de Dieu. Dans ce sens, toute religion risque de connaître le fondamentalisme, non que ce dernier soit conforme à la vocation religieuse, mais parce qu’il est suscité par une vision fausse et étriquée de la religion. C’est pourquoi l’histoire humaine a été remplie de conflits religieux ayant dégénéré en guerres « saintes » et en déstabilisations civiles, du fait que les adeptes de telle ou telle religion en ont fait un usage erroné (...). Il y a une attitude religieuse à adopter dans le monde d’aujourd’hui pour aider les croyants à ne pas manipuler le don de la foi déposé dans leurs cœurs. Nous devons tous et chacun prôner la liberté religieuse pour nous-mêmes et pour les autres. Chaque religion a le droit d’être prêchée, de vivre sa mission et de se propager, mais dans le respect de la liberté totale des consciences, liberté qui ne doit être violée pour aucune raison et sous aucune condition (...). Il est permis de comparer les héros olympiques et les saints, car les uns et les autres font un effort sur eux-mêmes pour cultiver au mieux la performance du corps et de l’esprit et devenir à même de servir, chacun à sa place, la paix de la cité. N’est-ce pas d’ailleurs avec les pierres humaines que la cité des hommes est construite ? Elle sera en paix, si elle est agencée et si l’ensemble en elle fait corps. Mais c’est aussi avec les cités humaines qu’est bâtie la grande Cité de Dieu. Celle-ci est surtout bâtie par les mains du Seigneur, car cette Cité sera elle-même la Jérusalem céleste, faite de beauté éclatante et d’harmonie parfaite. Nous croyons que de l’Olympe à Sion et jusqu’au trône du Ciel, l’humanité connaît une seule ascension, une seule paix en marche, tout d’abord semée comme un grain de sénevé puis grandissant comme un arbre où les oiseaux du ciel se plaisent à faire leurs nids. Mgr Paul MATAR Archevêque maronite de Beyrouth


Le 11 août, soit à la veille des Jeux olympiques, se tenait à Athènes une conférence sur le thème de « La religion, la paix et l’esprit olympique ». Convié à y prendre part, Mgr Boulos Matar, archevêque maronite de Beyrouth, a prononcé à cette occasion une intervention remarquable dont nous reproduisons ici de larges extraits.

Nous remercions du fond du cœur le...