CITOYEN GROGNON Histoire d’une réputation gâchée

La vallée est belle, verte, boisée, encore peu habitée. Le site est on ne peut plus apprécié des touristes, avec ses grottes fascinantes qui regorgent de stalactites et de stalagmites, curiosités uniques dans la région. La grotte de Jeïta accueille fièrement chaque année davantage de touristes de tous les coins du monde : 250 000 en 2002, 275 000 en 2003, assurément quelques bons milliers de plus en 2004. Le ballet incessant des bus de touristes et des voitures de location est là pour le prouver, en cette saison estivale pour le moins fructueuse. Mais bizarrement, la route qui mène à ce site si prisé n’est qu’un ramassis de détritus, jetés de part et d’autre de la chaussée. Papiers, canettes, boîtes en carton, sacs en plastique et autres saletés en tous genres, jonchent les bords de la route en une ligne ininterrompue, sur toute la longueur de cette voie étroite et cabossée, qui serpente en descendant jusqu’à l’entrée du site. Sans compter les herbes folles roussies par le soleil, qui poussent en toute liberté et que l’on ne daigne même pas arracher. Au gré d’un tournant, le regard plonge vers un tas d’ordures ménagères, déversées là par je ne sais quel camion, brûlées à la va-vite pour éviter les odeurs nauséabondes. Joli spectacle offert aux touristes, qui ne comprennent pas la raison de la saleté repoussante des lieux. Drôle d’accueil qu’ils reçoivent, dès leur arrivée dans la vallée qui mène à l’un des sites les plus visités du pays. Certains s’emportent spontanément contre les visiteurs qu’ils accusent de salir les sites, les rues et les centres de villégiature. Mais à leur tour, ces touristes eux-mêmes s’étonnent de voir ce ramassis d’immondices qui traîne là, dans l’indifférence générale. Que fait la municipalité du village ? Même si elle ne reçoit que 5 % des revenus de la grotte de Jeïta, au moment où d’autres municipalités, elles, reçoivent 50 % des recettes de leurs sites, rien ne justifie cette négligence. D’ailleurs, le problème semble dépasser la simple négligence. Allez savoir pourquoi ! Allez aussi savoir pourquoi c’est toujours le citoyen qui paie, et de surcroît, le touriste, nullement concerné par les querelles de chiffonniers entre les municipalités et le gouvernement. Entre-temps, la grotte de Jeïta est toujours aussi belle, mais son accès, toujours aussi sale, en gâche drôlement la réputation. Anne-Marie EL-HAGE