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ART - Christiane Khaïrallah reprend une technique ancestrale ukrainienne La «pyssanka», ou la transformation d’un vulgaire œuf en pièce décorative (photos)

Imaginez des œufs de poules, d’oies ou encore d’autruches transformés en bibelots et trônant dans votre salon, juchés sur un petit socle en plexiglas. Eh bien, la chose est loin d’être impossible. Elle est même remarquablement réussie grâce au talent de Christiane Khaïrallah, qui s’est plongée depuis quelques années avec passion dans la «pyssanka», cette technique ancestrale ukrainienne qui consiste à orner des œufs évidés de délicats motifs miniatures en couleurs. Une technique introduite au Liban en 1998 par une Française, madame Zimmerman, qui avait auparavant passé trois ans en Russie. «En m’inscrivant à l’atelier donné par cette dame dans le cadre des activités de l’Association des Françaises du Liban, je ne savais pas que j’allais attraper le virus de la “pyssanka”», s’étonne encore aujourd’hui Christiane Khaïrallah. Cette Française mariée à un Libanais, qui jusque-là se consacrait à sa famille, est depuis non seulement passée du statut d’apprentie à celui d’artiste mais elle s’est littéralement vouée à la production de ce bel objet décoratif qu’est l’œuf teint. Teint et non pas peint, car pour obtenir les motifs colorés originaux dessinés au crayon mine sur la coquille et protégés par un tracé à la cire d’abeille, il faut tremper l’œuf dans des bains successifs de teinture. C’est après qu’on l’ait vidé et passé au four qu’il révèle, une fois la cire fondue, ses couleurs éclatantes. Une tradition orthodoxe «Cet art remonte au VIe siècle après J-C, explique Christiane Khaïrallah. On a retrouvé des fragments d’œufs teints en Grèce dans des urnes funéraires de cette époque. Ils faisaient office de présents que l’on offrait à l’occasion de certains événements et rituels, comme les naissances, les baptêmes, les mariages ou encore les décès...» Cette tradition s’est étendue au fil des siècles, à travers l’ensemble du monde orthodoxe, à toute l’Europe de l’Est, où elle ponctuait les fêtes religieuses. Elle est restée fortement ancrée en Ukraine en particulier jusqu’à l’arrivée du régime soviétique. Durant cette ère, elle a disparu, à cause du symbolisme religieux de la plupart de ces motifs, avant de réapparaître une fois la chape de plomb du communisme dégagée. Car aux États-Unis, où une importante communauté ukrainienne s’était établie, quelques membres avaient sauvegardé jalousement la transmission de ce procédé séculaire. «C’est d’ailleurs des États-Unis que j’importe le matériel et les pigments spécifiques à cette technique», souligne l’artiste. Pour les œufs, elle s’approvisionne sur place, bien sûr, sauf pour les œufs d’oies qui n’existent pas au Liban et qu’elle importe de France. «C’est dommage qu’il n’y ait pas d’oies ici, alors qu’on trouve des élevages de canards, pour la production du pâté de foie, et d’autruches au Sud.» Symbolisme des motifs Le caractère religieux des «pyssankas» se traduit par les motifs ancestraux associés au christianisme, tels que la croix, le poisson, le triangle (qui représente l’Esprit Saint) ou les étoiles (l’œil du divin). D’autres motifs, sans être forcément religieux, ont également une signification symbolique. Ainsi, le cheval est symbole de prospérité et de santé, l’arbre symbole de force et de bonne santé, les fleurs représentent la vie et la charité, le cercle est un protecteur contre le mal... De même, les couleurs ont leurs codes. Le rouge signifie le bonheur, l’espoir et la passion; le jaune, la sagesse; le vert clair, la jeunesse; le foncé la survie de l’âme... Armée de son «kistkas», sorte de stylet avec réservoir de cire incorporé, Christiane Khaïrallah consacre en moyenne cinq ou six heures quotidiennes à chaque œuf. Un travail tout en délicatesse, qui demande de la patience. «Le plus dur n’est pas le dessin très minutieux et fin, au crayon mine, mais l’organisation des couleurs, dont les teintes doivent être injectées au fur et à mesure, de la plus claire à la plus foncée.» Aujourd’hui, après plus de trois cents pièces décoratives ainsi réalisées, la dame reste plus que jamais passionnée de «pyssanka». «C’est un monde de motifs et de nuances. Aucun œuf n’est pareil à l’autre. Et puis c’est un bonheur de transformer un œuf banal en une pièce d’art.» Un bel objet décoratif, un peu comme une porcelaine peinte, mais avec ce symbolisme des motifs qui en fait une sorte de talisman... Zéna ZALZAL
Imaginez des œufs de poules, d’oies ou encore d’autruches transformés en bibelots et trônant dans votre salon, juchés sur un petit socle en plexiglas. Eh bien, la chose est loin d’être impossible. Elle est même remarquablement réussie grâce au talent de Christiane Khaïrallah, qui s’est plongée depuis quelques années avec passion dans la «pyssanka», cette technique...