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Actualités - OPINION

Perspectives Les relations étroites avec Damas ne sont pas incompatibles avec une autonomie de décision interne Un défi majeur pour le prochain président : concilier les impératifs régionaux et la nécessité d’une entente nationale

Au terme d’un entretien qu’il a eu jeudi dernier avec le métropolite de Beyrouth, Mgr Élias Audeh, M. Robert Ghanem, candidat déclaré à la magistrature suprême, soulignait à l’adresse des correspondants de presse qu’il ambitionnait de contribuer à un accroissement de la « marge libanaise » dans le choix du futur président de la République. Cette petite phrase paraît banale et constitue, en première analyse, un simple vœu pieux. Mais elle permet de soulever, en filigrane, un problème de base : nos responsables sont-ils encore capables de prôner une alliance avec Damas à l’échelle régionale tout en s’octroyant et en préservant une marge de manœuvre sensible au plan de la politique interne ? La déclaration de M. Ghanem serait à ce niveau digne d’intérêt au cas où elle refléterait réellement une velléité de s’engager sur une telle voie. D’une manière générale et bien au-delà des propos du député de la Békaa-Ouest, une question fondamentale se pose dans ce cadre, à quatre mois de l’échéance présidentielle : le prochain chef de l’État saura-t-il réitérer l’expérience de Fouad Chéhab avec Nasser ? L’ancien président avait alors réussi à conclure un « package deal » avec le « raïs » de l’époque : il s’était engagé à s’aligner sur la politique étrangère de l’Égypte nassérienne, mais il gardait les coudées franches dans les affaires libanaises. Une telle approche, appliquée au contexte présent, aurait au moins pour avantage de mettre un bémol à la fâcheuse tendance qu’ont certains Libanais d’être plus royalistes que le roi dans le seul but de préserver leurs intérêts politiciens. Tout au long des dernières décennies, on a vu ainsi des Libanais s’accrocher à des alliés externes en se montrant, au gré des circonstances historiques, plus nassériens que les nassériens du Caire, plus palestiniens que les Palestiniens de l’OLP, plus iraniens que les Iraniens de Khomeyni, plus syriens que les Syriens du régime d’Assad. À défaut d’une libanisation totale du « choix » du prochain président (il ne faut quand même pas trop rêver...), serait-ce trop demander que d’espérer, au moins, une « libanisation de la ligne de conduite et des pratiques » du futur chef de l’État, pour ce qui a trait aux contentieux internes ? Dans les circonstances régionales et internationales actuelles, il est peut-être normal que le successeur du général Lahoud soit agréé (pour ne pas dire « suggéré ») par Damas et par les grandes puissances, notamment les États-Unis et la France. Mais ne pourrait-il pas « aussi » être crédible aux yeux de l’opinion publique et s’inspirer, surtout, des principes établis par Bkerké, véritable conscience de la nation en période de crise ? Parmi les présidentiables les plus en vue, il en existe qui peuvent réunir l’ensemble de ces critères. Le tout est de savoir si le choix se portera finalement sur la personnalité maronite qui répond uniquement au premier paramètre (extérieur) ou si, parallèlement, les facteurs libanais seront également pris en compte. S’il s’agit de stabiliser le Liban politiquement, et non plus uniquement au seul plan de la sécurité, il est devenu, en effet, impératif de favoriser l’élection d’une personnalité qui ait la trempe d’un homme d’État pour être en mesure de s’attaquer, enfin, aux dossiers conflictuels qui demeurent toujours en suspens. Ceux de la réconciliation nationale, de l’entente interne et de la recherche d’un système politique qui reflète les réalités sociocommunautaires et qui puisse assurer un équilibre équitable au niveau du pouvoir. Depuis Taëf, les rapports entre les pôles de l’Exécutif et du Législatif ainsi qu’entre les principales composantes du pays sont tributaires de la raison d’État syrienne et du bon vouloir du régime en place à Damas. Une telle situation est, par essence, éphémère. Un nouveau président « libaniste » se devrait donc de substituer à ce fait accompli un consensus interne réel, si l’on désire réellement sortir le pays du gouffre dans lequel il se débat. Les combats ont cessé au début des années 90, mais à ce jour, non seulement la véritable réconciliation nationale se fait toujours attendre, mais aucun dialogue interne n’a encore eu lieu concernant les principaux sujets de discorde entre Libanais. Sous le poids de la tutelle, nos responsables locaux (si tant est qu’ils sont représentatifs) ont perdu l’habitude de régler leurs problèmes entre eux en recherchant les dénominateurs communs qui unissent. Aujourd’hui plus que jamais, les Libanais ont besoin de s’adapter à nouveau à la culture du dialogue, du jeu démocratique et de la recherche du consensus. Le prochain président devrait avoir les aptitudes requises, être suffisamment crédible, pour servir de catalyseur à une dynamique de ce genre. Et bénéficier de tels atouts n’est pas du tout incompatible avec le maintien d’une coordination régionale et de relations étroites avec Damas. Mais le contraire n’est pas vrai : un président dont le seul et unique critère serait d’inspirer confiance au régime syrien risquerait de constituer un sérieux handicap pour la nécessaire opération de redressement et de sauvetage politico-socio-économique du Liban. Le pays aurait-il droit, après quinze années de stagnation, à un président qui saurait rétablir un juste équilibre entre les considérations régionales et les impératifs d’une véritable entente interne ? Pour beaucoup de Libanais, c’est à ce niveau que se situe le véritable enjeu de la présidentielle. Encore faut-il que les décideurs ne commettent pas à cet égard, une fois de plus, une nouvelle erreur d’appréciation. Michel TOUMA
Au terme d’un entretien qu’il a eu jeudi dernier avec le métropolite de Beyrouth, Mgr Élias Audeh, M. Robert Ghanem, candidat déclaré à la magistrature suprême, soulignait à l’adresse des correspondants de presse qu’il ambitionnait de contribuer à un accroissement de la « marge libanaise » dans le choix du futur président de la République. Cette petite phrase...