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Actualités - CHRONOLOGIE

Société - Une grande partie de la communauté vit encore « dans le placard » Les homosexuels turcs font tomber les murs à Berlin

Nuit de fête sur une piste de danse à Kreuzberg, la « Petite Istanbul » de Berlin: deux bruns moustachus aux tee-shirts moulants vibrent joue contre joue sur une musique orientale aux côtés de danseuses du ventre aux bras un peu trop velus pour être féminins. Un samedi par mois, le « SO36 », discothèque mythique du Berlin alternatif, ouvre ses portes à la communauté homosexuelle turque, faisant salle comble. La musique varie entre classiques arabes revisités, pop turque, grecque et même israélienne, à l’image de la tolérance qui règne en ce lieu. Une fois par mois, Hakan Tandogan répond au doux nom de Fatma Souad, un travesti danseuse du ventre. Coorganisateur des soirées « Gayhane » (« Espace Gay » en turc), il se réjouit qu’au moins une fois par mois la communauté puisse se retrouver le samedi soir dans un endroit aussi connu. « Si nous étions à quelques rues au nord ou au sud d’ici, je me ferais taper dessus », dit-il, en agitant ses boucles d’oreille grosses comme des sous-tasses. Dans sa robe noire suggestive, il assure se sentir ici « libre et à l’abri ». « Au début – je vous parle de ça il y a huit ans –, tout le monde menait une double vie », poursuit-il. Homos et lesbiennes turcs feignaient d’être hétérosexuels, se mariaient parfois et vivaient leur sexualité en secret. « Mais comme de plus en plus d’entre nous sortent au grand jour, nous réalisons que nous ne sommes pas seuls », ajoute Tandogan, l’un de ces quelque 15 000 homos et lesbiennes d’origine turque qui osent s’afficher en Allemagne. Un grand nombre vit encore « dans le placard », affirment les nombreuses associations de la communauté. Plus de deux millions de personnes d’origine turque vivent en Allemagne, souvent des enfants de travailleurs immigrés arrivés dans les années 1960. Beaucoup sont venus d’Anatolie, une région rurale de l’est de la Turquie où s’afficher comme homosexuel est impensable. Même en Allemagne, des familles turques forcent encore certains ou certaines d’entre eux à l’expulsion ou au mariage quand elles apprennent leur homosexualité, explique Deniz Guvenc, qui travaille pour une association berlinoise. Même si la Turquie compte un petit milieu gay à Istanbul et Ankara, l’homosexualité reste globalement toujours perçue dans la société turque conservatrice au mieux comme une maladie, affirment les associations. Hakan Tandogan a déménagé en Allemagne à l’âge de 14 ans et garde toujours un contact étroit avec sa famille au pays. Pour lui, il ne faut pas s’attendre à ce qu’un pays essentiellement musulman puisse être aussi tolérant que l’Occident à l’égard des minorités sexuelles – pour l’instant. « Le mouvement gay et lesbien n’y existe que depuis une douzaine d’années. Tout ça est très neuf », ajoute ce journaliste de 37 ans, sorti du placard il y a une vingtaine d’années en Allemagne. « Pourtant, je ne vois pas pourquoi il n’y aurait pas de mouvement de libéralisation aussi dans une société islamique », dit-il encore. Mais même dans cette oasis de liberté qu’est l’Allemagne, tout n’est pas rose. Certes, le milieu homosexuel turc d’Allemagne, avec ses sites Internet, ses groupes de lutte contre le sida, ses magazines et même son propre cortège de la Gay Pride berlinoise, n’est pas en reste. Mais beaucoup de Turcs et Turques dénoncent une discrimination latente. « Nous sommes toujours victimes du racisme dans le milieu homo », déplore le journaliste. Les Turcs sont souvent assimilés à des « voleurs ou des prostitués », selon lui. « Il y a toujours plein de bars homos qui ne laissent même pas entrer les Turcs », renchérit Hakan Tandogan. À l’inverse, « le Gayhane, qui a commencé pour les Turcs, a fini par attirer toutes sortes de gens », ajoute Tandogan. Comme lors du traditionnel halay, une danse en cercle où se mêlent bras dessus bras dessous Turcs, Allemands, homos, hétéros et quiconque veut faire la fête.
Nuit de fête sur une piste de danse à Kreuzberg, la « Petite Istanbul » de Berlin: deux bruns moustachus aux tee-shirts moulants vibrent joue contre joue sur une musique orientale aux côtés de danseuses du ventre aux bras un peu trop velus pour être féminins.
Un samedi par mois, le « SO36 », discothèque mythique du Berlin alternatif, ouvre ses portes à la communauté...