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Ce qu’ils en pensent LES DÉVELOPPEMENTS EN IRAK

Le Liban a passé le week-end sous le choc des derniers développements en Irak. Au-delà des mauvais souvenirs que l’enlèvement d’otages occidentaux ou asiatiques peut susciter chez nombre d’entre nous, c’est surtout le terrible sentiment de voir un pays frère, sinon ami, sombrer dans le chaos qui bouleverse les Libanais. Une fois n’est pas coutume, nous avons demandé à deux personnalités en vue ce qu’elles en pensent. Maan Bachour, président des ligues populaires Q : Que pensez-vous de la brève arrestation par les forces américaines de l’un des représentants de Moktada Sadr? R : « Il est certain que les Américains possèdent une suprématie militaire incontestable, mais ils ne cessent d’accumuler les fautes politiques. Ils avaient commencé par prétendre que la résistance se limitait au triangle sunnite. Cela s’est avéré faux, puisqu’ils ont aujourd’hui des problèmes avec les chiites et, en fait, avec tous les Irakiens. Ils ont aussi prétendu que la résistance était le fait d’anciens responsables du régime de Saddam Hussein. Or, Moktada Sadr est à l’opposé de ce profil. Enfin, par leurs agissements, ils sont en train de se mettre à dos les chiites et mettent leurs alliés au sein du Conseil national provisoire dans une situation intenable. En Irak, il y a désormais une résistance qui regroupe de plus en plus de gens et une intifada qui mobilise toutes les couches populaires. Arrêter un des représentants de Moktada Sadr à Bagdad en pleine réunion des chefs de tribu ne pouvait qu’enflammer encore plus les esprits. » Q : Comment expliquez-vous les accusations lancées par John Abizaid à l’encontre de la Syrie ? R : « Ces accusations ressemblent à celles portées il y a quelques mois contre la résistance irakienne et qui prétendaient que celle-ci était le fait de courants sunnites salafistes. De plus, M. John Abizaid a suffisamment de moyens pour contrôler la frontière syro-irakienne et y empêcher le vol d’un oiseau. À mon avis, lancer ce genre d’accusations à l’encontre de la Syrie et de l’Iran est l’expression de l’échec des Américains en Irak. Et chaque fois que quelqu’un doit faire face à un échec, il préfère en faire assumer la responsabilité à d’autres. La résistance est irakienne et les Irakiens sont un peuple fier. De plus, les agissements des Américains n’ont pas répondu à l’attente de la population qui se sent occupée et dépossédée de ses biens. En fait, la politique suivie par M. Bremer est le véritable allié de la résistance en Irak. » Q : Que pensez-vous de l’expression « libanisation de la situation en Irak » ? R : « Si, par libanisation, on entend unité contre l’occupant, alors cette expression est justifiée. Les derniers développements ont montré que ce qui unit les Irakiens est bien plus important que ce qui les divise. De plus, la situation en Irak influe sur le climat interne aux États-Unis : il y a un an, 80 % de la population appuyait la politique de M. Bush, aujourd’hui, 60 % de la population y est hostile. » Q : Selon vous, quelles sont les répercussions de la situation en Irak sur le Liban et la Syrie ? R : « Ce qui se passe en Irak ne peut que renforcer la position du Liban et de la Syrie par rapport aux pressions américaines. » Chebli Mallat, avocat international, professeur et spécialiste des chiites Q : Que pensez-vous de l’arrestation durant quelques heures par les soldats américains de l’un des représentants de Moktada Sadr ? R : « Il me semble que les règles du jeu en Irak sont aujourd’hui bien plus graves qu’elles ne l’étaient auparavant. Notamment il y a un an lors de l’assassinat de l’imam Abdel Magid el-Khoï à la mosquée de l’imam Ali, à Najaf. Les rapports établis à cette époque avaient été très sévères à l’égard de Moktada Sadr, surtout au sujet de son implication dans cet assassinat. Ce qui reste toutefois incompréhensible, c’est pourquoi les Américains ont attendu un an avant de réagir contre lui. Il aurait été bien plus normal et logique de prendre les mesures qui s’imposaient après l’assassinat et d’ouvrir une enquête sérieuse sur cet acte inacceptable, qui ne pouvait être passé sous silence. Mais les Américains n’ont rien fait et ce n’est que la mort de deux de leurs soldats, il y a un mois, qui les a poussés à réagir et à décider qu’ils ne pouvaient pas traiter avec Moktada Sadr. » Q : Pensez-vous qu’il existe un lien entre Moktada Sadr, Hassan Nasrallah et le Hamas ? R : « Il y a en tout cas des éléments de rencontre objectifs. La haine que Moktada Sadr voue aux Américains est essentiellement motivée par le fait qu’il a été écarté du pouvoir. Alors qu’il est le fils d’un grand ayatollah, tué par Saddam Hussein en 1999. Chez Hassan Nasrallah et le Hamas, la haine a été nourrie depuis des années par d’autres facteurs, liés à l’appui inconditionnel des Américains à Israël. Aujourd’hui, pour des raisons différentes, ces trois parties considèrent les États-Unis comme leur bête noire. Mais les choses sont bien plus subtiles qu’un simple sentiment de haine. » Q : Selon vous, où va la situation en Irak ? R : « Hélas, je dois dire qu’à mon avis, on se dirige vers une confrontation encore plus élargie. Il me semble qu’il est trop tard pour un compromis : Moktada Sadr ne peut pas accepter moins que son maintien en liberté et les Américains ne peuvent pas ne pas chercher à l’arrêter. La situation est devenue inextricable... » Scarlett HADDAD
Le Liban a passé le week-end sous le choc des derniers développements en Irak. Au-delà des mauvais souvenirs que l’enlèvement d’otages occidentaux ou asiatiques peut susciter chez nombre d’entre nous, c’est surtout le terrible sentiment de voir un pays frère, sinon ami, sombrer dans le chaos qui bouleverse les Libanais. Une fois n’est pas coutume, nous avons demandé à...