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Actualités - REPORTAGE

Sur les Campus - La vie estudiantine est-elle de tout repos ?

L’avenir. Un mot qui inquiète de plus en plus les jeunes, toutes catégories confondues, élèves sur le point d’achever leur formation scolaire, étudiants en premier et deuxième cycles, ou récents diplômés. L’exigence de la réussite, qui a toujours été – et qui est, par principe – le «must» estudiantin par excellence, se retrouve au centre des préoccupations de la jeunesse libanaise. Cependant, dans un pays en pleine dépression politique, économique et sociale, où le marché du travail rétrécit comme peau de chagrin, la réussite, voire l’excellence, devient obsessionnelle, frénétique. Un objectif en soi, pour lequel il ne faut pas hésiter à se donner, corps et âme, jusqu’aux limites de l’impossible. Et pour cause: si pour certains, excellence rime avec réussite sociale et/ou professionnelle, elle est pour d’autres un moyen de s’en sortir, de s’en aller, de s’extirper d’un réel souvent pervers et décoloré, pour aller poursuivre leur formation ou trouver un emploi décent sous des cieux jugés plus cléments. Il suffit de voir avec quelle frénésie certains étudiants préparent actuellement leurs examens pour se rendre compte de tout cela. En soi, le phénomène n’a rien de neuf. Partout dans le monde, on étudie pour réussir, pour se forger une carrière et un avenir. Pourquoi donc s’étonner de la détermination des jeunes Libanais à réussir brillamment leurs études? La question est légitime en soi. Pour y apporter des éléments de réponse, il convient d’examiner la situation sous différents angles. Académiquement, de plus en plus d’étudiants pensent, sans doute à juste titre – ils sont d’ailleurs fortement encouragés dans ce sens par leurs professeurs –, qu’il est nécessaire pour eux de poursuivre leur formation le plus loin possible. Mondialisation oblige, le marché du travail devient de plus en plus exigeant, et le diplôme de deuxième cycle n’a plus la valeur qu’il avait autrefois. Par ailleurs, beaucoup de jeunes pensent aussi qu’un diplôme obtenu dans une université locale ne suffit plus, même si cette université est réputée pour la valeur de ses diplômes, ce qui est le cas d’un grand nombre d’établissements libanais (loin des universités-boutiques qui ont foisonné ces dernières années, bien entendu, et qui ont sans aucun doute contribué à ternir un peu la réputation et à baisser le niveau du Liban en matière d’enseignement supérieur). C’est pourquoi les jeunes s’en vont à la recherche de diplômes prestigieux, dans des universités célèbres, pour leurs formations. Une expérience qui leur permettra de respirer un peu avant que le mal du pays natal ne les reprenne, d’acquérir une autonomie qui ne leur est pas donnée d’office dans un petit pays où une vie privée hors du cercle familial est toujours plutôt difficile à mener à cet âge, et, surtout, d’établir des contacts enrichissants avec des sensibilités et des logiques différentes, notamment au niveau du corps professoral. Mais la frénésie estudiantine n’est pas uniquement due à des affaires académiques ou professionnelles. Dans ce sens, une multitude de facteurs politiques et socio-économiques déteignent sur les jeunes. Certes, il est loin le temps de la guerre où les aînés devaient souvent aller suivre leurs cours sous les obus, en prenant soin d’éviter les balles des francs-tireurs. Mais la guerre, les étudiants en subissent les conséquences. Et, pire que tout, les générations qui font actuellement leur entrée sur les campus n’en connaissent rien, mais elles assument quand même les conséquences des événements qui ont ravagé le pays à tous les niveaux. Dans ce sens, ils sont appelés à faire face sur plus d’un front. En d’autres termes, ils sont souvent mobilisés pour défendre des causes qui les dépassent. Ce qui est d’ailleurs, entend-on souvent dire, le propre des étudiants, qui sont les seuls à pouvoir se mobiliser pour des idées en dehors de toute considération pratique (n’empêche que c’est bien souvent un raisonnement logique et pratique qui les incite à se mobiliser pour des causes qui les touchent de plein fouet). Le mouvement estudiantin est le fruit de son temps, de son époque. Il en était ainsi, d’une certaine façon, de mai 1968. Au Liban, les étudiants sont obligés de se battre aujourd’hui face à la crise sociale. De plus en plus de jeunes prennent le chemin de l’Université libanaise en raison de la dépression économique. Ceux qui sont déterminés à poursuivre leur formation dans les universités privées transitent chaque mois par le service social. Et il y a ceux qui travaillent jour et nuit pour pouvoir s’assurer un avenir. Cela n’a peut-être rien d’extraordinaire en soi, sur le plan mondial, en termes de comparaison. Mais il s’agit d’un phénomène qui, sans être neuf, prend des proportions gigantesques. Et il y a enfin le politique. Il existe un, sinon des mouvement(s) estudiantin(s) au Liban. Et depuis 1990, les jeunes se sont retrouvés embarqués dans une lutte pour la souveraineté (anti-israélienne ou antisyrienne, il s’agit quand même du même thème souverainiste) et les libertés publiques, voire dans un militantisme souvent risqué et difficile à concilier avec les études. L’on se souvient d’ailleurs du leitmotiv laconique du patriarche maronite, Mgr Nasrallah Sfeir, inlassablement répété aux étudiants qui venaient manifester devant le siège de Bkerké: « Retournez à vos études». Une formule d’empathie – pas d’antipathie – empreinte de pragmatisme. En fin d’année, les responsables estudiantins se retrouvent souvent au pied du mur, contraint de rattraper dans un sprint diabolique et essouflant toute une année d’étude. Certains le font pour le goût du politique, cela est net. Mais d’autres le font par sentiment de devoir. La vie de ces étudiants libanais n’est pas de tout repos. D’autant que l’État n’y met pas vraiment du sien, et tout particulièrement le ministère de la Jeunesse. Une politique destinée à créer au Liban ne serait-ce qu’une consolation – un statut réel d’étudiants – serait la bienvenue. Michel HAJJI GEORGIOU Les étudiants qui souhaitent s’exprimer sur les problèmes estudiantins doivent adresser leurs commentaires par fax (01/360390) ou par mail: redaction@lorientlejour.com
L’avenir. Un mot qui inquiète de plus en plus les jeunes, toutes catégories confondues, élèves sur le point d’achever leur formation scolaire, étudiants en premier et deuxième cycles, ou récents diplômés. L’exigence de la réussite, qui a toujours été – et qui est, par principe – le «must» estudiantin par excellence, se retrouve au centre des préoccupations de...