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Actualités - OPINION

Irakgate ?

Non seulement sa gestion de la crise irakienne s’avère défectueuse, mais il ne sait pas très bien où il va : pour la toute première fois, c’est ce que pense de George W. Bush une majorité d’Américains, même si les sondages continuent de le créditer de quelques points d’avance sur son rival Kerry. Good morning America, assez dormi comme cela ! Ce qui se passe aujourd’hui en Irak était prévisible. Et a été prédit, en long et en large, par de nombreux gouvernements comme par une grande partie de l’humanité descendue dans les rues, avant même que ne fut lancée sur ce pays la première bombe américaine. D’avoir eu raison sur toute la ligne ne peut qu’atterrer cependant tous ceux qui avaient dit non à cette folle guerre, tant les enjeux en effet sont devenus plus graves entre-temps : tant la question du terrorisme, pour mal traitée, pour dévoyée qu’elle ait été par les stratèges de Washington, est devenue l’affaire et la hantise de tous, comme vient de l’illustrer le massacre de la gare de Madrid. Vers l’Irak compliqué, les États-Unis sont partis au pas de charge avec des idées si simplistes, si primaires qu’elles en deviennent éminemment suspectes : un tyran sanguinaire promu ennemi public numéro un et qu’il fallait éliminer au plus vite, des populations reconnaissantes ovationnant les libérateurs, les dictateurs de la région ouvrant précipitamment les portes de leurs prisons pour se reconvertir en chantres de la démocratie, un Moyen-Orient appelé à vivre longtemps heureux à l’ombre rassurante du brave Oncle Sam. En fait de happy end, c’est un effarant inventaire des dégâts qui se profile aujourd’hui : lesquels dégâts, par un juste retour des choses, n’épargnent guère Washington. Après les révélations sur les manipulations dont ont été l’objet les renseignements collectés par la CIA avant et après les attentats terroristes de New York et Washington, les accusations de laxisme et de distorsion portées par Richard Clarke, l’ancien conseiller présidentiel en matière de lutte antiterroriste, ont sérieusement entamé la crédibilité de l’actuelle Administration, fortement suspecte de mensonge. Plus grave encore, c’est l’image même de l’Amérique, championne du « monde libre », et de sa société libérale qui pâtit des douteux desseins de George W. Bush : on pense au goulag de Guantanamo qui – soit dit sans aucune sympathie pour ses talibans de pensionnaires – n’a rien à envier à ceux de la défunte Union soviétique ; aux relents de maccarthysme qui accompagnent les contraintes sécuritaires inévitablement commandées par le traumatisme du 11/9 ; ou encore à la « censure d’honneur », risible à l’ère de la télévision satellitaire, qui a frappé les scènes de lynchage d’Américains à Falloujah. Que dire alors du sale boulot qui, à la suite d’une série d’erreurs monumentales, échoit aujourd’hui aux Marines stationnés en Irak ? Déjà confrontée à l’hostilité agissante des sunnites qui avaient la part belle sous Saddam Hussein, l’occupation américaine trouve moyen en effet de se fourvoyer dans une véritable guerre avec les milices chiites de Moqtada Sadr. Des milices assez puissantes pour tenir tête aux chars et aux hélicoptères Apache, onze mois après l’arrêt officiel des combats ? Oui, car on n’avait pas voulu les désarmer par petits groupes dans la foulée de l’invasion, laissant cette tâche à la future autorité irakienne alors qu’on s’empressait, en revanche, de dissoudre l’armée et la police. Puissantes et enflammées, car en fermant sa revue puis en le proclamant hors la loi comme un vulgaire malfaiteur dénué du moindre poids politique, on est en train de faire de Sadr une icône nationaliste dont le prestige se propage de ville en ville comme traînée de poudre, au point d’embarrasser le chiisme modéré, allié naturel de Washington. Le résultat en est que le Colosse yankee, embourbé jusqu’aux genoux, ne peut plus reculer, car ce serait perdre totalement contrôle de la situation à quelques semaines de l’échéance du 30 juin devant marquer le transfert du pouvoir à l’autorité autonome. Mais il ne peut progresser trop brutalement non plus de peur de s’aliéner l’ensemble des chiites, ce qui serait une bien étrange manière de réaliser l’unité nationale irakienne tant promise. Trop brutalement n’est d’ailleurs que façon de parler : les « raids ciblés » américains ont tué moins de combattants que de civils, femmes et enfants surtout, classés comme il est d’usage sous la rubrique « dommages collatéraux » ; on le savait, allez, que George W. Bush et Ariel Sharon étaient faits pour s’entendre. Les Marines n’ont pas hésité à bombarder une mosquée hier pour y anéantir les miliciens qui s’y trouvaient et ils ont tiré sur des manifestants : c’est exactement ce que faisaient les Russes en Afghanistan. Humanité souffrante cherche empereur qualifié. Issa GORAIEB
Non seulement sa gestion de la crise irakienne s’avère défectueuse, mais il ne sait pas très bien où il va : pour la toute première fois, c’est ce que pense de George W. Bush une majorité d’Américains, même si les sondages continuent de le créditer de quelques points d’avance sur son rival Kerry. Good morning America, assez dormi comme cela !
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