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Actualités - CHRONOLOGIE

SOCIÉTÉ - Durcissement du conflit avec le patriarche Boutros Abdel Ahad, alors que certaines familles se soumettent Les habitants de Hay el-Syrian : de meilleurs logements, mais point de droits

Ils s’entassent à quatre, à cinq ou même à sept dans de minuscules taudis insalubres d’une dizaine de mètres carrés, aux murs rongés par l’humidité. Les plus privilégiés ont une cuisinière, un réfrigérateur et un coin Wc-douche. Les moins chanceux se contentent d’un simple réchaud et partagent les toilettes avec d’autres familles vivant dans des chambres contiguës. Divans, armoires et menus ustensiles constituent l’essentiel de leurs meubles, alors que çà et là, dans les entrées, derrière les portes, sur les armoires et dans les allées reliant les pièces, nombre d’objets hétéroclites s’amoncellent, n’ayant pas trouvé leur place dans ces logements provisoires. Un accord avec le précédent patriarche, Antoine Hayek Provisoires, car il y a neuf ans déjà, les habitants du bidonville de Hay el-Syrian, hébergés depuis des générations sur un terrain de 7 000 m2 faisant face à l’Hôtel-Dieu de France, généreusement offert à la communauté syrienne-catholique par de riches mécènes et baptisé « waqf syrien catholique des pauvres », ont été priés d’évacuer les lieux, pour permettre à l’État de construire l’autoroute reliant Achrafieh et Hazmieh. Relogés dans des habitations de fortune, dans l’arrière-cour du club sportif du quartier, mais aussi à l’entrée du cimetière, dans les locaux de l’église du patriarcat, dans des écoles, ou, dans le meilleur des cas, dans des habitations louées par la communauté, ils devraient obtenir, pour certains, dès aujourd’hui, les clés de leurs logements définitifs dans le nouveau complexe résidentiel « Mar Ephrem », dont la construction est quasiment achevée. Complexe comprenant 124 appartements de 100 m2, répartis sur 4 immeubles situés sur une partie de l’emplacement de l’ancien bidonville, sur une superficie de 2 700 m2 et qui a été bâti par le patriarcat à l’intention de ces familles déplacées grâce aux indemnisations promises par l’État suite à l’expropriation du terrain en 1973. « Indemnisations qui s’élèvent à 3 300 000 dollars, et dont les habitants se sont désistés au profit du patriarcat de leur communauté pour qu’il leur construise des logements », selon le comité des habitants de Hay el-Syrian, qui se compose du moukhtar Jean Nehmé et de MM. Ephrem Ghazal, Joseph Youssef et Edmond Manouk. C’était du moins la promesse faite par le patriarche Antoine Hayek à ces familles démunies, du temps où il était en charge de la communauté syrienne-catholique. Familles qui avaient, de leurs propres mains et de leurs propres deniers, transformé un bidonville en un lieu de vie plus ou moins décent, sans pour autant avoir le statut de locataires ni de propriétaires. « C’était plus qu’une promesse, c’était un accord en bonne et due forme entre le patriarche Hayek, l’État et les habitants », souligne le moukhtar d’Achrafieh, Jean Joseph Nehmé, qui s’était alors personnellement engagé auprès des parties officielles à obtenir le départ des habitants pour faciliter la réalisation du projet de l’État. Aujourd’hui, alors que la construction des quatre immeubles de « Mar Ephrem » (dont le coût est estimé à 5 100 000 dollars) touche à sa fin, et que le patriarche Boutros VIII Abdel Ahad, actuellement à la tête de la communauté, envisage de remettre à 10 heures les clés des appartements à quelques familles, les différends persistent. Le comité refuse net les conditions actuelles En effet, « une permission d’habiter est le seul contrat, non reconnu par la loi, que le patriarche tente de faire signer aux familles concernées, avant de leur permettre d’habiter les lieux », observe Sirine Younès, avocate du comité des habitants de Hay el-Syrian. Un contrat dans lequel le prélat leur demande de se désister de tous leurs droits, moyennant une permission d’habiter les appartements, et leur fixe quelques conditions préalables, notamment le montant des charges mensuelles, fixées à 50 dollars. « Ce papier implique qu’il peut renvoyer les habitants quand il le veut, sans aucune compensation financière, explique le moukhtar, car ils ne sont ni propriétaires ni locataires. » « Mais il ne faut pas oublier qu’avec les indemnités qu’ils auraient obtenues et dont ils se sont désistés, ils auraient pu acheter des appartements ailleurs », ajoute-t-il. Quant au nombre de familles concernées, il demeure un sujet de litige entre le patriarche et les habitants, malgré l’élaboration d’une liste avec le précédent patriarche Hayek. « En 1996, le nombre de familles s’élevait à 222, mais vu le nombre limité d’appartements, les habitants ont dû faire des concessions et sélectionner 124 familles », tient à préciser à ce propos le moukhtar Jean Nehmé, ajoutant que le patriarche Abdel Ahad réfute ce chiffre. Aujourd’hui, la majorité des familles démunies de l’ancien bidonville du quartier s’est regroupée derrière le comité des habitants de Hay el-Syrian, refusant de signer la permission d’habiter préparée par le patriarche de leur communauté. Ils lui demandent par ailleurs de spécifier les familles ayant droit, mais aussi la nature des relations entre ces familles et lui-même, autrement dit de reconnaître leurs droits. Ils se déclarent même prêts à recourir aux tribunaux pour obtenir satisfaction de ces droits, alors qu’une trentaine de familles ont déjà accepté de signer le document, de peur d’être privées de logement. Règlement à l’amiable ou recours aux tribunaux ? Dans l’attente d’une solution qui ferait l’unanimité, les deux parties campent sur leurs positions et le ton monte. D’une part, le comité des habitants de Hay el-Syrian tient aujourd’hui une conférence de presse, à 17 heures, dans la salle de conférences attenante au club sportif al-Nasr, située à Achrafieh, face à l’ancienne entrée de l’Hôtel-Dieu de France, afin de défendre les droits des familles. D’autre part, le patriarche, refusant de répondre aux questions de L’Orient-Le Jour, s’apprête à remettre la clé de leur appartement aux familles qui ont signé la permission d’habiter, devançant ainsi la date initialement prévue pour samedi. Anne-Marie EL-HAGE
Ils s’entassent à quatre, à cinq ou même à sept dans de minuscules taudis insalubres d’une dizaine de mètres carrés, aux murs rongés par l’humidité. Les plus privilégiés ont une cuisinière, un réfrigérateur et un coin Wc-douche. Les moins chanceux se contentent d’un simple réchaud et partagent les toilettes avec d’autres familles vivant dans des chambres...