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Actualités - CHRONOLOGIE

Budget - La « stagnation » gagne la Chambre Interventions tièdes et absence des ténors au deuxième jour du débat budgétaire

La diatribe du député Nicolas Fattouche contre le chef de l’État aurait-elle relancé les contacts qui avaient précédé la séance pour que les critiques contre le gouvernement et le pouvoir restent en deçà du seuil fixé par le tuteur syrien ? Si la question se pose, c’est en raison de la tiédeur du débat budgétaire, qui est censé prendre fin aujourd’hui et qui a été davantage caractérisé par l’absence, fort remarquée, des ténors de la Chambre de la tribune parlementaire (Nayla Moawad, Hussein Husseini, Nassib Lahoud et Boutros Harb, à l’exception de Omar Karamé) que par le ton mesuré des interventions. Même Karamé, dont le discours fait généralement vibrer l’hémicycle, n’a pas été plus virulent que ceux qui l’ont précédé à la tribune dans ses critiques contre le gouvernement. Dette publique, difficultés socio-économiques, réalisation de réformes sont des thèmes qui sont revenus dans la quasi-totalité des interventions qui reflétaient l’angoisse que cause le rythme auquel la dette croît. Elle augmentera de trois milliards de dollars l’an prochain, a soutenu Karamé. Les députés ont commenté moins que le veille les tiraillements politiques, mais semblaient s’être donné le mot pour contester les chiffres du budget, qu’il s’agisse du volume de la dette ou du taux du déficit. Cela n’empêchera pas, bien sûr, un grand nombre d’entre eux de voter un texte qui ne propose aucune solution aux problèmes qu’ils ont soulevés. « Nous sommes en pleine période de stagnation », a fait valoir Sélim Saadé, en commentant l’absence de réformes. Une stagnation qui a tout l’air d’avoir gagné le Parlement, mais doublée d’une bonne dose d’indolence et d’indifférence : moins que le quart de la Chambre a assisté au débat. Premier à prendre la parole, Abdel-Latif Zein met l’accent sur les charges qui accablent la population du fait de la hausse des taxes, en insistant particulièrement sur les tarifs élevés de l’abonnement au téléphone, à l’eau et à l’électricité, ainsi que sur le prix des carburants. Lui succédant à la tribune, Ghassan Achkar, un brin macabre, compare le débat budgétaire à « des obsèques organisées pour un mort insignifiant, qu’on a hâte de mettre en terre », alors que Georges Kassarji dresse un réquisitoire contre le gouvernement « de la division, de l’incapacité absolue, du passé qui menace le présent et compromet l’avenir ». Pour le député de Zahlé, l’absence de mesures susceptibles d’assainir la situation économique et financière n’est pas due aux tiraillements politiques « mais au fait que le Premier ministre n’a aucun plan pour cela ». Il réclame le départ du gouvernement, qu’il accuse d’avoir « délibérément » renoncé à la réalisation de réformes susceptibles de renforcer la croissance et de réduire les dépenses inutiles « pour des raisons politiques claires en rapport avec les échéances à venir, notamment l’échéance présidentielle ». Lorsque Saleh Kheir relève que les tiraillements politiques coûtent énormément à l’État et contraignent la Banque centrale à intervenir pour soutenir la livre, Hariri proteste vigoureusement et souligne que la BDL est en train d’acheter et non pas de vendre des dollars. Après Oussama Saad, qui juge « inutile de critiquer un gouvernement qui ne veut rien entendre », mais qui s’en prend quand même au cabinet Hariri, Ghassan Moukheiber annonce d’emblée qu’il votera contre le budget, avant de proposer un véritable chantier de réformes politiques nécessaires, explique-t-il, pour parvenir à réaliser les réformes économiques et financières requises et à redonner aux Libanais et au monde confiance dans l’État et ses institutions. Moukheiber insiste sur le fait que le succès de ces réformes dépend principalement de leur dépolitisation et de l’établissement d’un mécanisme de travail qui associe tous les départements officiels concernés ainsi que les différentes composantes de la société civile à l’exécution de ce projet. Moukheiber préconise un renforcement des outils de contrôle ainsi que l’adoption de mesures susceptibles de développer les mécanismes d’élaboration et d’examen du budget à la Chambre. Et pour conclure, il cite un homme politique français : « Le pouvoir est tombé si bas qu’il ne s’agit plus de le reprendre, mais de le ramasser. » Mohammed Berjaoui considère que le projet de budget « consacre les tendances négatives de l’économie libanaise ». Il cède la place à la tribune à un Sélim Saadé sarcastique. « Je propose que Lawahez (la voyante dont il avait parlé au cours d’une réunion précédente) soit nommée ministre. Nous avons urgemment besoin d’un ministre de la Voyance pour savoir ce que nous réserve l’avenir », déclare-t-il d’emblée. Il analyse ensuite les chiffres du budget, en avançant, sur base des données contenues dans le texte, des pronostics financiers extrêmement pessimistes, voire apocalyptiques, pour les années à venir. À moins, bien sûr, que des réformes sérieuses ne soient entreprises. Ses propos sont vivement contestés par le ministre des Finances et intéressent au plus haut point le président de la Chambre, Nabih Berry, qui prie Fouad Siniora de les commenter. Le ministre les rejette en vrac, estimant qu’ils sont trop simplistes et qu’ils expriment une hypothèse impossible à vérifier. « Il est absolument inutile sur le double plan scientifique et médiatique de les présenter comme étant une vérité. Toute la question est aujourd’hui de voir comment introduire les réformes pour alléger le poids du secteur public et renforcer la croissance », déclare-t-il. Le député fait alors remarquer que Siniora se fonde sur un plan établi pour l’avenir, alors que lui ne fait qu’analyser les chiffres du présent. « Le ministre affirme que la marge de manœuvre du gouvernement dans le cadre du budget est de 17 % alors qu’elle ne dépasse pas en réalité les 5 % », ajoute Saadé, en insistant sur le fait que les intérêts de la dette vont assurément hausser si la privatisation n’est pas entreprise. « Il n’est pas possible de croire que le taux de 9 % sera maintenu, sinon nous risquons de nouveau de tomber dans le piège de l’usure », affirme-t-il. Siniora l’interrompt de nouveau : « Mais quel est l’intérêt scientifique et médiatique de ce que vous dites ? Vous parlez d’écarts énormes dans les chiffres pour brosser une image déterminée, que la population va retenir », proteste-t-il. « Je vous explique ce qui se passera à l’avenir si nous continuons de faire du surplace et je dois vous dire que même la stabilité monétaire sera provisoire si la dette n’est pas jugulée », réplique le député. Saadé insiste sur le caractère indispensable des réformes. « Nous sommes dans une phase de stagnation et, avec les échéances électorales des deux prochaines années, je doute fort que la réalisation de réformes soit possible », fait-il valoir. « Un problème, le système et la classe politiques » À ses yeux, la crise politique dans le pays découle du système et de la classe politiques en place. « De manière générale, il y a toujours eu trois projets dans le pays : un projet d’État, un autre sectaire et un troisième personnel. Lorsque le projet d’État n’est pas en contradiction avec le projet personnel, c’est la lune de miel au niveau de la classe politique, sinon c’est la foire. Plus le projet personnel gagne du terrain, plus le peuple s’appauvrit », note-t-il en parlant de la classe politique. Pour ce qui est du système politique, le problème réside, selon lui, dans « le démembrement » du pouvoir central, qui était aux mains du président de la République, à partir du moment où il a été confié au Conseil des ministres. « On ne sait plus qui est responsable et de quoi », ajoute le député de Koura, qui se déclare ensuite en faveur d’une proposition de loi présentée par le député Salah Honein, préconisant l’alternance au niveau de la direction des trois pouvoirs. L’intervention d’Anouar el-Khalil, qui succède à Georges Najm, ressemble en plusieurs points à celle de Sélim Saadé, au niveau de l’analyse des chiffres et des pronostics financiers. Il prend d’ailleurs le parti du député de Koura contre Siniora, dont il rejette l’argumentation, affirmant qu’il est parfaitement possible de donner des pronostics financiers en se basant sur l’évolution des chiffres économiques et financiers au cours des dernières années. Abdallah Cassir est le dernier à prendre la parole au cours de la séance qui reprendra en soirée avec Farid el-Khazen, en premier, à la tribune. Le député du Kesrouan prononce un discours politique dans lequel il tire à boulets rouges sur le gouvernement. Il n’épargne pas non plus la Chambre, affirmant que « les députés assistent en spectateurs à la destruction du Liban », avant de plaider en faveur de la réalisation de l’entente et du retour des « véritables » leaders chrétiens, à savoir Samir Geagea et le général Michel Aoun. Selon lui, tant que Geagea est en prison, il est difficile que la réconciliation nationale soit réalisée. Concernant le budget, il conteste les chiffres officiels concernant notamment la dette publique et le PIB, estimant que la dette représente près de 200 % du PIB. Il s’étend longuement sur les difficultés financières de l’État, qu’il juge insolvable, provoquant une prompte réaction de Hariri qui qualifie d’« incorrects » les propos du parlementaire. Le Premier ministre veut répondre sur-le-champ, « parce qu’il y va de la crédibilité de l’État », mais Berry l’en empêche. Mohammed Safadi est tout aussi virulent que son prédécesseur à l’encontre du gouvernement. Il déplore la politique qu’il suit, notamment au niveau de la gestion des affaires publiques et des dossiers sociaux. Pour le budget, il s’interroge sur tous les fonds dont le Trésor est privé, en citant particulièrement le dossier du domaine public, les recettes de la taxe sur le bâtiment et les opérations de contrebande. Il reproche au cabinet de poursuivre une politique de gaspillage, en continuant de financer une Administration publique qui a besoin d’être réformée, et il estime que le Liban risque de se retrouver au Club de Paris si un organisme, « en lequel il est possible d’avoir confiance », n’est pas formé pour gérer la dette publique. « Nous n’avons nullement confiance en ceux qui gèrent la dette actuellement », déclare Safadi, appelant la population à « cesser de se plaindre et à initier un changement à travers les élections ». Karamé à Hariri : « Vous voulez monopoliser Dieu ? » Omar Karamé prend son temps pour rappeler l’évolution de la politique économique de Hariri, depuis 1992 jusqu’aujourd’hui, montrant de temps en temps ses failles. « À chaque fois qu’on mettait le Premier ministre en garde contre l’accroissement de la dette, il répondait que la paix ne tardera pas à venir et qu’on trouvera quelqu’un pour la rembourser », déclare-t-il. Hariri sursaute : « C’est vous qui le dites. Je n’ai jamais tenu ces propos. Je le jure par Dieu ? » « Vous voulez aussi monopoliser Dieu ? » réplique Karamé. « C’est trop. Vraiment trop », riposte le chef du gouvernement, piqué au vif. Karamé s’attarde sur le problème de la dette publique, exposant son évolution en citant par moments le Premier ministre, qui, pour remettre les pendules à l’heure, rappelle les chiffres officiels consignés, dit-il, dans un livre paru en 1998 : « 5,5 milliards de dollars pour la reconstruction et 5,5 milliards pour les services de sécurité. Un peu moins pour le dossier social et 10 % du total pour le fonctionnement de l’État. » Le leader du Liban-Nord retient quand même la responsabilité du chef du gouvernement dans l’aggravation de la dette, « puisque c’est lui qui approuve toutes les dépenses engagées », Karamé conteste l’optimisme exprimé par le ministre des Finances dans son rapport lu la veille dans l’hémicycle. Ainsi, pour lui, l’excédent de la balance des paiements n’est que pur leurre, « puisqu’il s’agit de comptabiliser tous les fonds qui entrent dans le pays, même les prêts, qui sont donc des dettes à rembourser plus tard », explique-t-il, avant de se demander sur quoi le ministre s’est fondé pour dire que la situation économique et financière s’est améliorée du moment que les secteurs productifs sont en butte à d’énormes difficultés et que le déficit budgétaire prévu pour cette année est supérieur à celui de l’an dernier. Il stigmatise l’accroissement des charges fiscales, qui ont quadruplé, selon lui, depuis 1993, et appelle le gouvernement à tenir compte des difficultés socio-économiques de la population, avant de plaider en faveur d’un arrêt du gaspillage, qu’il illustre par des exemples puisés dans les salaires du CDR, et le procédé que cet organisme suit pour les adjudications. Karamé réaffirme ensuite la détermination du Front national de réforme à demander au gouvernement de poser la question de confiance. Antoine Ghanem ne parle que de politique, s’arrêtant sur les tiraillements politiques, la mauvaise application de l’accord de Taëf, les pratiques du pouvoir et leur expression sur le terrain. Puis Georges Frem déplore, sans le nommer, l’attaque lancée par Nicolas Fattouche contre le chef de l’État. Le parlementaire souligne ensuite le désenchantement populaire, à cause des pratiques du pouvoir et plaide en faveur de l’édification d’un État juste et équitable. Selon lui, la principale lacune du budget est qu’il ne préconise aucune mesure susceptible d’initier une croissance et d’assurer de nouvelles opportunités. Il considère aussi qu’avec ce texte, le gouvernement récolte ce qu’il a semé dans le passé. Frem expose cependant un plan qu’il juge réalisable pour la réduction du service de la dette et plaide en faveur d’un plan quinquennal pour favoriser une croissance et le développement de l’industrie. Pour lui, le secteur de l’électricité a contribué à l’aggravation de la crise à cause de la dette de 10 milliards de dollars qu’il a fait assumer à l’État et qui, avec ses intérêts, avoisine les 25 milliards de dollars. Il indique que ce problème aurait pu être évité si le gouvernement l’avait réglé en 1993. Pour Misbah Ahdab, le budget reflète une image qui paraît positive, mais qui est foncièrement fausse de la réalité économique et financière. Il met en relief les difficultés sur le marché du travail et plaide, comme beaucoup d’autres, en faveur de réformes structurelles, qu’il juge possibles, sauf que le problème se pose, pour lui, au niveau du pouvoir, dont il conteste la légitimité populaire. Le député de Tripoli critique vivement ce pouvoir et s’interroge sur le sort du projet de privatisation, prévu pour juguler la dette, avant d’annoncer qu’avec son collègue du Renouveau démocratique, Nassib Lahoud, il votera contre le budget. La séance est levée au terme de l’intervention de Massoud Houjeyri. Elle reprendra de nouveau ce matin.
La diatribe du député Nicolas Fattouche contre le chef de l’État aurait-elle relancé les contacts qui avaient précédé la séance pour que les critiques contre le gouvernement et le pouvoir restent en deçà du seuil fixé par le tuteur syrien ? Si la question se pose, c’est en raison de la tiédeur du débat budgétaire, qui est censé prendre fin aujourd’hui et qui a...